Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1863-06-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 juin 1863 01 juin 1863
Description : 1863/06/01 (A8,N167). 1863/06/01 (A8,N167).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62032469
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 193
LE SULTAN ABDUL-AZIZ ET L'INTRIGUE ANGLAISE.
Nous recommandons à toute l'attention de nos
lecteurs la lettre remarquable et d'un haut intérêt
que nous allons placer sous leurs yeux. Son auteur,
ancien capitaine de frégate de la marine française,
a longtemps habité Constantinople. Il y a été investi
de missions importantes. Il y a eu les relations les
plus capables de le mettre à même de bien connaître
les affaires et le gouvernement intérieur de la Tur-
quie, et enfin il y a laissé avec de nombreux amis
les souvenirs du caractère le plus élevé et le plus
honorable. Il suffira d'ailleurs de le lire pour être
convaincu qu'il a la pleine et entière connaissance
du sujet qu'il traite.
E. D.
Au rédacteur de l'Isthme de Suez :
« Paris, le 30 mai 1863.
» Monsieur le rédacteur,
» La note turque au sujet du canal de Suez m'a
plus surpris encore qu'indigné. Je tiens en effet de
source certaine que le sultan est personnellement
très-favorable à la grande entreprise. J'étais à Cons-
tantinople lors de l'avènement d'Abdul-Aziz, et pen-
dant les dix à douze mois que j'y ai passés depuis,
j'ai eu plus d'une fois l'occasion d'entendre affirmer
par des fonctionnaires ottomans, ayant l'oreille et le
cœur du souverain, que Sa Hautesse comprenait et
appréciait parfaitement la grandeur de l'œuvre, ainsi
que les avantages de toute nature qu'elle offre au
monde entier et particulièrement à son empire.
» En exprimant cette opinion, le sultan se plaçait
surtout au point de vue politique et religieux otto-
man, au point de vue de la facilité des communi-
cations que le canal ouvre à son pavillon maritime
avec les villes sacrées et au saint pélerinage de la
Mecque, jusqu'ici si pénible et souvent si meurtrier.
Sa Hautesse ajouta même une fois à ce propos que la
France avait déjà contribué à faciliter le voyage des
saints lieux aux musulmans de l'Algérie, en mettant
ses navires à leur disposition pour les transporter à
Alexandrie, et qu'elle était en train de compléter
son œuvre en leur ouvrant un passage commode à
travers le désert.
» Tel est, Monsieur, le sentiment qui a été plus
d'une fois exprimé par Abdul-Aziz au sujet du canal
de Suez. Le fait m'est garanti par la loyauté et la
position des personnes à qui je dois de l'avoir connu.
Je regrette de ne pouvoir les nommer ici et invoquer
leur témoignage. Je craindrais de les compromettre,
non dans l'esprit du sultan, mais aux yeux des mi-
nistres auteurs et signataires de la déplorable note.
» Elle ne saurait être en effet l'expression de la
pensée du sultan, cette manifestation anglo-turque.
Abdul-Aziz n'est ni Anglais, ni Français, ni Autri-
chien, ni Russe dans cette question, non plus que
dans toutes les autres questions qui concernent son
empire. Abdul-Aziz est un honnête et patriote Otto-
man, et à ce titre il lui importe peu que la politique
malavisée de lord Palmerston estime la jonction des
deux mers contraire aux intérêts de l'Angleterre, du
moment qu'avec feu Réchid-Pacha et Kuprisli-Meh-
met-Pacha, les deux plus populaires grands vizirs
de la Turquie contemporaine, il la juge, lui souve-
rain de l'empire ottoman, favorable aux intérêts de
l'empire ottoman. Malheureusement sa bonne vo-
lonté, son sincère patriotisme ne sont point secondés
et fécondés, comme il serait désirable, par la science
du gouvernement; et cette science, où et comment
l'aurait-il acquise? Chacun sait quelle étrange éduca-
tion politique les déplorables traditions orientales et
les ombrageuses susceptibilités du prince régnant
font donner à l'héritier du trône. Nul n'est tenu plus
à l'écart des affaires publiques que l'homme destiné
à les diriger un jour. C'est dans ces conditions af-
fligeantes qu'Abdul-Aziz est arrivé au pouvoir. Plein
d'excellentes intentions , mais ne sachant comment
les mettre en œuvre ; trop intelligent de sa nature
pour n'avoir pas profondément conscience de son
inexpérience, et aussi pour ne pas comprendre que
les ministres de son frère avaient mis l'empire à
deux doigts de sa perte, il flotta dès l'abord entre
ces deux sentiments contraires : — arracher les rê
nés du gouvernement à ces mains caduques, mais
cependant habituées à les tenir plus ou moins mal ;
— attendre pour les saisir lui-même qu'il s'en fût
rendu capable, et conserver en attendant les minis-
tres de son prédécesseur pendant le temps néces-
saire pour faire son éducation gouvernementale.
» En une telle perplexité, le sultan devait prendre
et prit ce dernier parti. Il en a été fort blâmé par le
sentiment populaire et par les progressistes de la
jeune Turquie, car il y a une jeune Turquie dont je
dirai un mot tout à l'heure. Le peuple turc et les pro-
gressistes, qui avaient fondé de grandes espérances
sur le nouveau règne, virent la condamnation irré-
missible de l'empire dans cette résolution, ou plutôt
dans cette irrésolution du nouveau padischah. Et
cependant que pouvait-il faire ? Il y a des situations
fatales où le salut n'est nulle part. Quel fil conducteur
s'offrait à cette initiative inexpérimentée entre d'an-
ciens fonctionnaires, hélas! trop éprouvés, et des
hommes nouveaux n'ayant pas fait leurs preuves?
Avec les premiers, c'était l'agonie, pour ainsi dire
normale, d'un empire qui n'a plus en lui aucun élé-
ment de vie, et la mort naturelle qui doit s'ensuivre.
Avec la jeune Turquie, c'était peut être la mort sou-
daine et violente du moribond; c'était, selon toute
apparence, le désir de faire sans la science ; l'ardeur
de vivre sans la santé; le patriotisme réagissant
LE SULTAN ABDUL-AZIZ ET L'INTRIGUE ANGLAISE.
Nous recommandons à toute l'attention de nos
lecteurs la lettre remarquable et d'un haut intérêt
que nous allons placer sous leurs yeux. Son auteur,
ancien capitaine de frégate de la marine française,
a longtemps habité Constantinople. Il y a été investi
de missions importantes. Il y a eu les relations les
plus capables de le mettre à même de bien connaître
les affaires et le gouvernement intérieur de la Tur-
quie, et enfin il y a laissé avec de nombreux amis
les souvenirs du caractère le plus élevé et le plus
honorable. Il suffira d'ailleurs de le lire pour être
convaincu qu'il a la pleine et entière connaissance
du sujet qu'il traite.
E. D.
Au rédacteur de l'Isthme de Suez :
« Paris, le 30 mai 1863.
» Monsieur le rédacteur,
» La note turque au sujet du canal de Suez m'a
plus surpris encore qu'indigné. Je tiens en effet de
source certaine que le sultan est personnellement
très-favorable à la grande entreprise. J'étais à Cons-
tantinople lors de l'avènement d'Abdul-Aziz, et pen-
dant les dix à douze mois que j'y ai passés depuis,
j'ai eu plus d'une fois l'occasion d'entendre affirmer
par des fonctionnaires ottomans, ayant l'oreille et le
cœur du souverain, que Sa Hautesse comprenait et
appréciait parfaitement la grandeur de l'œuvre, ainsi
que les avantages de toute nature qu'elle offre au
monde entier et particulièrement à son empire.
» En exprimant cette opinion, le sultan se plaçait
surtout au point de vue politique et religieux otto-
man, au point de vue de la facilité des communi-
cations que le canal ouvre à son pavillon maritime
avec les villes sacrées et au saint pélerinage de la
Mecque, jusqu'ici si pénible et souvent si meurtrier.
Sa Hautesse ajouta même une fois à ce propos que la
France avait déjà contribué à faciliter le voyage des
saints lieux aux musulmans de l'Algérie, en mettant
ses navires à leur disposition pour les transporter à
Alexandrie, et qu'elle était en train de compléter
son œuvre en leur ouvrant un passage commode à
travers le désert.
» Tel est, Monsieur, le sentiment qui a été plus
d'une fois exprimé par Abdul-Aziz au sujet du canal
de Suez. Le fait m'est garanti par la loyauté et la
position des personnes à qui je dois de l'avoir connu.
Je regrette de ne pouvoir les nommer ici et invoquer
leur témoignage. Je craindrais de les compromettre,
non dans l'esprit du sultan, mais aux yeux des mi-
nistres auteurs et signataires de la déplorable note.
» Elle ne saurait être en effet l'expression de la
pensée du sultan, cette manifestation anglo-turque.
Abdul-Aziz n'est ni Anglais, ni Français, ni Autri-
chien, ni Russe dans cette question, non plus que
dans toutes les autres questions qui concernent son
empire. Abdul-Aziz est un honnête et patriote Otto-
man, et à ce titre il lui importe peu que la politique
malavisée de lord Palmerston estime la jonction des
deux mers contraire aux intérêts de l'Angleterre, du
moment qu'avec feu Réchid-Pacha et Kuprisli-Meh-
met-Pacha, les deux plus populaires grands vizirs
de la Turquie contemporaine, il la juge, lui souve-
rain de l'empire ottoman, favorable aux intérêts de
l'empire ottoman. Malheureusement sa bonne vo-
lonté, son sincère patriotisme ne sont point secondés
et fécondés, comme il serait désirable, par la science
du gouvernement; et cette science, où et comment
l'aurait-il acquise? Chacun sait quelle étrange éduca-
tion politique les déplorables traditions orientales et
les ombrageuses susceptibilités du prince régnant
font donner à l'héritier du trône. Nul n'est tenu plus
à l'écart des affaires publiques que l'homme destiné
à les diriger un jour. C'est dans ces conditions af-
fligeantes qu'Abdul-Aziz est arrivé au pouvoir. Plein
d'excellentes intentions , mais ne sachant comment
les mettre en œuvre ; trop intelligent de sa nature
pour n'avoir pas profondément conscience de son
inexpérience, et aussi pour ne pas comprendre que
les ministres de son frère avaient mis l'empire à
deux doigts de sa perte, il flotta dès l'abord entre
ces deux sentiments contraires : — arracher les rê
nés du gouvernement à ces mains caduques, mais
cependant habituées à les tenir plus ou moins mal ;
— attendre pour les saisir lui-même qu'il s'en fût
rendu capable, et conserver en attendant les minis-
tres de son prédécesseur pendant le temps néces-
saire pour faire son éducation gouvernementale.
» En une telle perplexité, le sultan devait prendre
et prit ce dernier parti. Il en a été fort blâmé par le
sentiment populaire et par les progressistes de la
jeune Turquie, car il y a une jeune Turquie dont je
dirai un mot tout à l'heure. Le peuple turc et les pro-
gressistes, qui avaient fondé de grandes espérances
sur le nouveau règne, virent la condamnation irré-
missible de l'empire dans cette résolution, ou plutôt
dans cette irrésolution du nouveau padischah. Et
cependant que pouvait-il faire ? Il y a des situations
fatales où le salut n'est nulle part. Quel fil conducteur
s'offrait à cette initiative inexpérimentée entre d'an-
ciens fonctionnaires, hélas! trop éprouvés, et des
hommes nouveaux n'ayant pas fait leurs preuves?
Avec les premiers, c'était l'agonie, pour ainsi dire
normale, d'un empire qui n'a plus en lui aucun élé-
ment de vie, et la mort naturelle qui doit s'ensuivre.
Avec la jeune Turquie, c'était peut être la mort sou-
daine et violente du moribond; c'était, selon toute
apparence, le désir de faire sans la science ; l'ardeur
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