Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1863-02-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 février 1863 15 février 1863
Description : 1863/02/15 (A8,N160). 1863/02/15 (A8,N160).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62032395
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
56 L'ISTHME DE SUEZ,
LES CORVÉES ET LES CONTINGENTS.
Nous avons inséré, dans notre dernier numéro, un
article du Constitutionnel indiquant parfaitement ce
que sont en Egypte les corvées et les contingents.
Le même journal revient sur cette question dans son
numéro du 3 de ce mois, et entre dans de nouveaux
détails plus précis encore. Nous publions ce second
article comme nous avons publié le premier.
E. D.
« Plusieurs journaux anglais persistent à se mépren-
dre sur la partie du discours que le nouveau vice-roi
d'Egypte a prononcé, lors de son avènement, en pré-
sence des consuls européens. L'exagération avec la-
quelle ils interprètent certaines phrases de ce discours
est d'autant plus fâcheuse qu'elle ne pourrait avoir
d'autre effet que d'en diminuer la valeur auprès de tous
les hommes pratiques qui connaissent l'Egypte. Or, le
caractère d'Ismaïl-Pacha est assez connu, d'après ses
antécédents, pour qu'on ne regarde pas ses paroles
comme de vaines formules libérales énoncées en vue
de se concilier l'opinion en Europe, et sans possibilité
d'application sérieuse.
» Ce qui paraît avoir frappé surtout les journaux
dont nous parlons, c'est l'engagement pris par le vice-
roi d'abolir les corvées.
» Le Constitutionnel a expliqué déjà ce que c'est que
la corvée en Egypte, et comment il faut entendre la
promesse de l'abolir.
» Cette louable réforme sera opérée si l'on donne un
salaire aux habitants du pays levés pour l'exécution
des travaux publics, et si l'on restreint dans les limi-
tes déterminées et raisonnables la durée de leur appli-
cation à ces travaux.
» Mais les journaux anglais vont beaucoup plus loin.
Ils s'imaginent qu'en promettant d'abolir les corvées,
le vice-roi d'Egypte entend renoncer au droit de lever
des habitants pour les employer, même sans leur con-
sentement, aux travaux d'utilité publique.
» Cette supposition dénote une ignorance complète
de l'état de l'Egypte.
» On y chercherait vainement ce qu'on trouve dans
toute l'Europe, un marché de travail où les ouvriers
volontaires louent leurs services moyennant salaire.
Le paysan égyptien est d'une race essentiellement
agricole et sédentaire; agile et fort, laborieux égale-
ment quand il s'agit de cultiver son champ, il possède
au suprême degré la nonchalance et le fatalisme des
Orientaux, et n'éprouve qne paresse et répugnance pour
tout emploi industriel, particulièrement lorsqu'il s'agit
de l'exercer loin de son village. Cette incurie n'est
même pas particulière aux paysans. Les habitants des
-villes n'en sont pas exempts, il s'en faut. Voyez ce qui
s'y passe lorsqu'éclate par exemple un incendie : la
population indigène lève les yeux au ciel, les femmes
t des cris en se jetant de la terre sur la tête ;
s ne ne prend un seau pour éteindre le feu,
e- ouvernement n'intervenait pas avec les
moyens réguliers dont il dispose, la ville brûlerait
infailliblement.
» Vainement vous offrirez à un fellah le salaire le
plus élevé et les conditions de travail les plus avanta-
geuses, vous n'obtiendrez pas son concours volontaire.
Il aimera mieux supporter la misère dans son village,
y courber les épaules sous l'arbitraire et quelquefois le
bâton du cheik, que d'aller exercer librement au loin
un métier lucratif et honorable. Or, il y a certaines
nécessités en Egypte qui sont des nécessités de salut
public, des conditions d'existence même. Tel est, par
exemple, l'entretien constant des canaux intérieurs. Le
Nil entraîne avec lui, dans les inondations, cette vase
fécondante qui donne trois récoltes par an. En emplis-
sant les canaux destinés à porter dans les terres ses
eaux chargées d'un limon bienfaisant, il les envase et
nécessite un curage annuel. Supposez que le gouverne-
ment égyptien comprit comme certains journalistes
anglais l'abolition de la corvée, qu'arrivera-t-il ? Le gou-
vernement adresserait un appel à la population dans
les villages, il demanderait des hommes de bonne vo-
lonté pour travailler, moyennant salaire, à ce curage
annuel qui est aussi nécessaire à l'Egypte que l'air est
nécessaire l'homme.
» Or, cette opération, qu'on le sache bien, exige le
travail annuel d'un très-grand nombre de milliers
d'hommes, et si les paysans égyptiens ne répondaient
pas, comme cela est certain, à l'appel du gouverne-
ment, il en résulterait infailliblement la transformation
de la féconde vallée du Nil en un désert de sable. Ce
serait l'affaire de quelques années.
D Donc le gouvernement égyptien ne peut ni au-
jourd'hui ni plus tard renoncer à lever des hommes
pour les travaux publics; cette levée forcée est la
conscription pour l'armée pacifique du pays ; c'est un
droit, nous dirons plus , c'est un devoir sacré de la
maintenir, et elle n'a rien absolument qui puisse bles-
ser les idées les plus libérales.
» Du reste, nos voisins de l'autre côté de la Man-
che seraient bien désappointés si le gouvernement
égyptien pouvait prendre à la lettre l'interprétation
donnée par certaines feuilles de Londres au discours
d'Ismaïl-Pacha. Comment ont-ils fait le chemin de fer
d'Alexandrie au Caire? Comment ont-ils construit le
chemin du Caire à Suez? Comment pourront-ils exécu-
ter le rail-way qu'ils projettent du Caire à Cosseir et
même à Bérénice sur la mer Rouge? Par des corvées
comprises comme l'entend le gouvernement égyptien,
c'est-à-dire bien rétribuées. Et si le Nil, en débordant,
emportait de nouveau stations, rails et talus, comment
feraient-ils passer la malle de l'Inde? En réparant les
dégâts au moyen de ces mêmes corvées salariées.
D Si l'envasement des canaux nuisait à la production
du coton et s'opposait à ce qu'on l'importât en Angle-
terre, nos voisins ne réclameraient-ils pas l'emploi, forcé
ou non, de tous les bras nécessaires au curage ? A cet
égard, le passé nous répond de l'avenir.
» Donnons donc aux paroles du vice-roi leur sens
naturel et pratique ; entendons le projet de l'abolition
LES CORVÉES ET LES CONTINGENTS.
Nous avons inséré, dans notre dernier numéro, un
article du Constitutionnel indiquant parfaitement ce
que sont en Egypte les corvées et les contingents.
Le même journal revient sur cette question dans son
numéro du 3 de ce mois, et entre dans de nouveaux
détails plus précis encore. Nous publions ce second
article comme nous avons publié le premier.
E. D.
« Plusieurs journaux anglais persistent à se mépren-
dre sur la partie du discours que le nouveau vice-roi
d'Egypte a prononcé, lors de son avènement, en pré-
sence des consuls européens. L'exagération avec la-
quelle ils interprètent certaines phrases de ce discours
est d'autant plus fâcheuse qu'elle ne pourrait avoir
d'autre effet que d'en diminuer la valeur auprès de tous
les hommes pratiques qui connaissent l'Egypte. Or, le
caractère d'Ismaïl-Pacha est assez connu, d'après ses
antécédents, pour qu'on ne regarde pas ses paroles
comme de vaines formules libérales énoncées en vue
de se concilier l'opinion en Europe, et sans possibilité
d'application sérieuse.
» Ce qui paraît avoir frappé surtout les journaux
dont nous parlons, c'est l'engagement pris par le vice-
roi d'abolir les corvées.
» Le Constitutionnel a expliqué déjà ce que c'est que
la corvée en Egypte, et comment il faut entendre la
promesse de l'abolir.
» Cette louable réforme sera opérée si l'on donne un
salaire aux habitants du pays levés pour l'exécution
des travaux publics, et si l'on restreint dans les limi-
tes déterminées et raisonnables la durée de leur appli-
cation à ces travaux.
» Mais les journaux anglais vont beaucoup plus loin.
Ils s'imaginent qu'en promettant d'abolir les corvées,
le vice-roi d'Egypte entend renoncer au droit de lever
des habitants pour les employer, même sans leur con-
sentement, aux travaux d'utilité publique.
» Cette supposition dénote une ignorance complète
de l'état de l'Egypte.
» On y chercherait vainement ce qu'on trouve dans
toute l'Europe, un marché de travail où les ouvriers
volontaires louent leurs services moyennant salaire.
Le paysan égyptien est d'une race essentiellement
agricole et sédentaire; agile et fort, laborieux égale-
ment quand il s'agit de cultiver son champ, il possède
au suprême degré la nonchalance et le fatalisme des
Orientaux, et n'éprouve qne paresse et répugnance pour
tout emploi industriel, particulièrement lorsqu'il s'agit
de l'exercer loin de son village. Cette incurie n'est
même pas particulière aux paysans. Les habitants des
-villes n'en sont pas exempts, il s'en faut. Voyez ce qui
s'y passe lorsqu'éclate par exemple un incendie : la
population indigène lève les yeux au ciel, les femmes
t des cris en se jetant de la terre sur la tête ;
s ne ne prend un seau pour éteindre le feu,
e- ouvernement n'intervenait pas avec les
moyens réguliers dont il dispose, la ville brûlerait
infailliblement.
» Vainement vous offrirez à un fellah le salaire le
plus élevé et les conditions de travail les plus avanta-
geuses, vous n'obtiendrez pas son concours volontaire.
Il aimera mieux supporter la misère dans son village,
y courber les épaules sous l'arbitraire et quelquefois le
bâton du cheik, que d'aller exercer librement au loin
un métier lucratif et honorable. Or, il y a certaines
nécessités en Egypte qui sont des nécessités de salut
public, des conditions d'existence même. Tel est, par
exemple, l'entretien constant des canaux intérieurs. Le
Nil entraîne avec lui, dans les inondations, cette vase
fécondante qui donne trois récoltes par an. En emplis-
sant les canaux destinés à porter dans les terres ses
eaux chargées d'un limon bienfaisant, il les envase et
nécessite un curage annuel. Supposez que le gouverne-
ment égyptien comprit comme certains journalistes
anglais l'abolition de la corvée, qu'arrivera-t-il ? Le gou-
vernement adresserait un appel à la population dans
les villages, il demanderait des hommes de bonne vo-
lonté pour travailler, moyennant salaire, à ce curage
annuel qui est aussi nécessaire à l'Egypte que l'air est
nécessaire l'homme.
» Or, cette opération, qu'on le sache bien, exige le
travail annuel d'un très-grand nombre de milliers
d'hommes, et si les paysans égyptiens ne répondaient
pas, comme cela est certain, à l'appel du gouverne-
ment, il en résulterait infailliblement la transformation
de la féconde vallée du Nil en un désert de sable. Ce
serait l'affaire de quelques années.
D Donc le gouvernement égyptien ne peut ni au-
jourd'hui ni plus tard renoncer à lever des hommes
pour les travaux publics; cette levée forcée est la
conscription pour l'armée pacifique du pays ; c'est un
droit, nous dirons plus , c'est un devoir sacré de la
maintenir, et elle n'a rien absolument qui puisse bles-
ser les idées les plus libérales.
» Du reste, nos voisins de l'autre côté de la Man-
che seraient bien désappointés si le gouvernement
égyptien pouvait prendre à la lettre l'interprétation
donnée par certaines feuilles de Londres au discours
d'Ismaïl-Pacha. Comment ont-ils fait le chemin de fer
d'Alexandrie au Caire? Comment ont-ils construit le
chemin du Caire à Suez? Comment pourront-ils exécu-
ter le rail-way qu'ils projettent du Caire à Cosseir et
même à Bérénice sur la mer Rouge? Par des corvées
comprises comme l'entend le gouvernement égyptien,
c'est-à-dire bien rétribuées. Et si le Nil, en débordant,
emportait de nouveau stations, rails et talus, comment
feraient-ils passer la malle de l'Inde? En réparant les
dégâts au moyen de ces mêmes corvées salariées.
D Si l'envasement des canaux nuisait à la production
du coton et s'opposait à ce qu'on l'importât en Angle-
terre, nos voisins ne réclameraient-ils pas l'emploi, forcé
ou non, de tous les bras nécessaires au curage ? A cet
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