Presse et revues
32 pages
Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1858-11-10
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 10 novembre 1858 10 novembre 1858
Description : 1858/11/10 (A3,N58). 1858/11/10 (A3,N58).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
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Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203104m
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/05/2012
MERCREDI 10 NOVEMBRE. JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 565
tique; elle prend place au rang des faits en voie d'accomplis-
sement. L'heure de sa réalisation est sonnée.
n L'Europe entière a suivi avec intérêt, avec sollicitude les
phases diverses qu'a subies cette question depuis quatre an-
nées ; elle n'est pas restée un instant à l'état de doute sur l'u-
tilité et l'opportunité de l'entreprise; elle en a encouragé l'au-
teur par les plus flatteurs suffrages, et c'est avec acclamation
qu'elle saluera aujourd'hui les actes préliminaires de la mise
en œuvre.
» Il faut d'abord signaler le caractère de sagesse et de haute
moralité qui a présidé à la formation du projet, et faire re-
marquer l'égal souci-qu'ont apporté le gouvernement égyp-
tien et son concessionnaire pour opposer, dès le début, d'in-
surmontables obstacles aux entraînements de l'esprit d'entre-
prise toujours fort aventureux. Tout ce que la prudence hu-
maine pouvait faire pour parer aux sinistres éventualités,
pour amoindrir la part de l'inconnu dans une création sans
précédent dans le monde, a été fait, et les instructions primi-
tivement imposées ont été remplies par M. de Lesseps avec
une fidélité scrupuleuse.
� » Ce n'est, en effet, qu'après avoir fait jaillir toutes les lu-
mières du monde civilisé sur l'isthme de Suez, qu'après l'avoir
livré en tous sens aux explorations de la science, appelé le
plus sérieux- examen des peuples commerçants et industriels
sur les résultats de l'édification d'un canal maritime et con-
quis leur unanime adhésion, que M. de Lesseps vient aujour-
d'hui dire à l'Europe : Voici l'effet de quatre ans de labeurs
assidus, accomplis sous vos regards, sous l'impulsion de vos
encouragements, au bruit de vos acclamations mille fois ré-
pétées.
» Nous avons mûri l'étude de notre projet à ce point que,
dès aujourd'hui, il est pleinement réalisable.
A l'œuvre donc! en avant! en avant!
» A cet appel, un cri général de satisfaction se fera enten-
dre d'une extrémité de la chrétienté à l'autre, et sera réper-
cuté par ses mille échos.
n Nous avons plus d'une fois groupé des chiffres pour
prouver, comme tant d'autres, les immenses avantages dont
le canal de Suez doit doter les nations industrieuses de l'Eu-
rope. Ce serait tomber dans la banalité que de reprendre à
nouveaux frais la preuve que ces nations, exonérées du long
et coûteux transit par le cap de Bonne-Espérance, réaliseront
tout à coup un bénéfice de 50 pour 100. L'éclat du soleil ne
se prouve pas.
n Mais ce qui sollicite une attention particulière, ce sont
les procédés d'exécution au moyen desquels les premiers tra-
vaux seront productifs d'intérêt.
» Ce canal d'eau douce, qui doit porter la fécondité presti-
gieuse du Nil aux bords de la mer Rouge et à ceux de la Mé-
diterranée, dont la confection ne durera qu'une année, n'est
qu'une des nombreuses annexes sur lesquelles les concession-
naires comptent pour ajouter à la prospérité de la Compagnie.
On comprend à quelle haute valeur doit s'élever le double littoral
placé sous l'influence fécondante des irrigations du Nil et ex-
ploité par l'industrie européenne.
» On ne sait, à cet appel, quelle attitude vont prendre les
opposants de l'Angleterre; il est douteux que le capitaliste
britannique boude longtemps, et que, comme Achille, il reste
sous sa tente, quand il surgit une bonne affaire. Nos voisins
et amis nous ont accoutumés à ces revirements d'opinion;
il ne faut pas toujours partager leur effroi au premier cri
d'alarme. Du reste, l'utilité du canal de Suez a rencontré de
chaleureux approbateurs dans les centres les plus importants
de production manufacturière. Manchester, Birmingham,
Londres, Liverpool, etc., et la voix de lord Palmerston, l'an-
tagoniste officiel du canal, a singulièrement perdu de son
prestige. ,.
» L'Angleterre a un intérêt si évident, si direct à la jonc-
tion des deux mers, à la création du canal de Suez,, que, per-
sonne n'y songeât-il, il serait pressant pour elle de tenter
l'entreprise pour son compte,, à ses propres dépens, dût-elle
y sacrifier, pour ainsi parler, son dernier écu et son dernier
homme. -' ,
» Croit-elle donc en avoir fini avec l'Inde? La sécurité de
sa domination est encore ébranlée pour de longues années
dans ce pays. Le gouvernement anglais, en se substituant à la
Compagnie des Indes, a pris à sa charge une tâche dont il est
loin d'avoir la juste mesure. Le temps seul la lui fera con-
naître dans ses gigantesques proportions. 1
» On ne doit guère, au fond , attribuer l'hostilité des An-
glais au canal maritime de Suez à d'autre cause qu'à sa na-
tionalité; il est dû à l'initiative française, et c'est là, aux re-
gards de l'orgueil britannique, une tache originelle que rien
ne peut effacer. ,
» Pendant longtemps encore nous aurons à supporter, de
la part de nos voisins, ces susceptibilités d'un caractère ja-
loux, ombrageux.
» La-France offre cependant à la nation anglaise un exem-
ple de nos mœurs conciliantes, de la promptitude et de l'ar-
deur que nous mettons en toute occasion, et d'où qu'il vienne,
à applaudir tout progrès sans que son origine soit pour nous
une cause de répulsion quelconque. Nous avons répondu à
l'hostilité obstinée avec laquelle nos voisins ont accueilli le
projet français de- canalisation de l'isthme par les plus sin-
cères et les plus bruyantes acclamations devant le spectacle
du fil transatlantique, si merveilleusement déroulé à travers
l'Océan, par l'opiniâtre persévérance du génie anglo-saxon.
L'échec subi par la rupture du câble, loin de causer à l'es-
prit français cette maligne joie qu'engendre une folle rivalité,
a été tout au contraire une cause de deuil parmi nous; c'est
qu'avant tout toute innovation nous frappe moins par les
avantages personnels et directs que nous en devons tirer que
par ceux qu'elle assure à l'humanité tout entière.
» Il y a des questions qui mûrissent en silence, fécondées
par le temps. Le canal de Suez, comme la vapeur, comme
les rails-ways, comme la télégraphie sous-marine, est l'un
de ces fruits détachés de la lige des siècles : il tombe à point,
juste au milieu de notre dix-neuvième, au moment 'qui se
trouve être précisément le plus opportun. Est-ce donc le ha-
sard qui jette ainsi et pour ainsi dire aveuglément toutes ces
choses à l'humanité surprise? N'en croyez rien! Il faudrait
être frappé de cécité pour ne pas y découvrir l'empreinte
mystérieuse du doigt de la Providence; en vérité, on pourrait
prendre le ton de l'apôtre et dire avec lui : Le temps des pro-
phéties est à la fin venu, nous touchons au jour des mer-
veilles !
» Avez-vous jamais vu, je vous le demande, à aucune épo-
que de notre histoire, un pareil mouvement sur la terre? La
personnalité humaine y a-t-elle jamais tenu une aussi large
place? y a-t-elle exercé une aussi irrésistible puissance?.
» Voilà que Suez et Panama se déchirent sous notre poids;
voilà que des espaces infinis, sous l'action de la locomotive,
prennent les proportions d'une promenade; voilà que la pen-
sée, comme le sang dans le corps humain, circule sur tous
les points du globe, portée par des fils imperceptibles, et. y
répand l'animation et la vie!
» Tout s'enchaîne, tout a ses uns. en ce monde; l'hcure- de
l'expansion civilisatrice de l'Europe chrétienne sur. toute la
tique; elle prend place au rang des faits en voie d'accomplis-
sement. L'heure de sa réalisation est sonnée.
n L'Europe entière a suivi avec intérêt, avec sollicitude les
phases diverses qu'a subies cette question depuis quatre an-
nées ; elle n'est pas restée un instant à l'état de doute sur l'u-
tilité et l'opportunité de l'entreprise; elle en a encouragé l'au-
teur par les plus flatteurs suffrages, et c'est avec acclamation
qu'elle saluera aujourd'hui les actes préliminaires de la mise
en œuvre.
» Il faut d'abord signaler le caractère de sagesse et de haute
moralité qui a présidé à la formation du projet, et faire re-
marquer l'égal souci-qu'ont apporté le gouvernement égyp-
tien et son concessionnaire pour opposer, dès le début, d'in-
surmontables obstacles aux entraînements de l'esprit d'entre-
prise toujours fort aventureux. Tout ce que la prudence hu-
maine pouvait faire pour parer aux sinistres éventualités,
pour amoindrir la part de l'inconnu dans une création sans
précédent dans le monde, a été fait, et les instructions primi-
tivement imposées ont été remplies par M. de Lesseps avec
une fidélité scrupuleuse.
� » Ce n'est, en effet, qu'après avoir fait jaillir toutes les lu-
mières du monde civilisé sur l'isthme de Suez, qu'après l'avoir
livré en tous sens aux explorations de la science, appelé le
plus sérieux- examen des peuples commerçants et industriels
sur les résultats de l'édification d'un canal maritime et con-
quis leur unanime adhésion, que M. de Lesseps vient aujour-
d'hui dire à l'Europe : Voici l'effet de quatre ans de labeurs
assidus, accomplis sous vos regards, sous l'impulsion de vos
encouragements, au bruit de vos acclamations mille fois ré-
pétées.
» Nous avons mûri l'étude de notre projet à ce point que,
dès aujourd'hui, il est pleinement réalisable.
A l'œuvre donc! en avant! en avant!
» A cet appel, un cri général de satisfaction se fera enten-
dre d'une extrémité de la chrétienté à l'autre, et sera réper-
cuté par ses mille échos.
n Nous avons plus d'une fois groupé des chiffres pour
prouver, comme tant d'autres, les immenses avantages dont
le canal de Suez doit doter les nations industrieuses de l'Eu-
rope. Ce serait tomber dans la banalité que de reprendre à
nouveaux frais la preuve que ces nations, exonérées du long
et coûteux transit par le cap de Bonne-Espérance, réaliseront
tout à coup un bénéfice de 50 pour 100. L'éclat du soleil ne
se prouve pas.
n Mais ce qui sollicite une attention particulière, ce sont
les procédés d'exécution au moyen desquels les premiers tra-
vaux seront productifs d'intérêt.
» Ce canal d'eau douce, qui doit porter la fécondité presti-
gieuse du Nil aux bords de la mer Rouge et à ceux de la Mé-
diterranée, dont la confection ne durera qu'une année, n'est
qu'une des nombreuses annexes sur lesquelles les concession-
naires comptent pour ajouter à la prospérité de la Compagnie.
On comprend à quelle haute valeur doit s'élever le double littoral
placé sous l'influence fécondante des irrigations du Nil et ex-
ploité par l'industrie européenne.
» On ne sait, à cet appel, quelle attitude vont prendre les
opposants de l'Angleterre; il est douteux que le capitaliste
britannique boude longtemps, et que, comme Achille, il reste
sous sa tente, quand il surgit une bonne affaire. Nos voisins
et amis nous ont accoutumés à ces revirements d'opinion;
il ne faut pas toujours partager leur effroi au premier cri
d'alarme. Du reste, l'utilité du canal de Suez a rencontré de
chaleureux approbateurs dans les centres les plus importants
de production manufacturière. Manchester, Birmingham,
Londres, Liverpool, etc., et la voix de lord Palmerston, l'an-
tagoniste officiel du canal, a singulièrement perdu de son
prestige. ,.
» L'Angleterre a un intérêt si évident, si direct à la jonc-
tion des deux mers, à la création du canal de Suez,, que, per-
sonne n'y songeât-il, il serait pressant pour elle de tenter
l'entreprise pour son compte,, à ses propres dépens, dût-elle
y sacrifier, pour ainsi parler, son dernier écu et son dernier
homme. -' ,
» Croit-elle donc en avoir fini avec l'Inde? La sécurité de
sa domination est encore ébranlée pour de longues années
dans ce pays. Le gouvernement anglais, en se substituant à la
Compagnie des Indes, a pris à sa charge une tâche dont il est
loin d'avoir la juste mesure. Le temps seul la lui fera con-
naître dans ses gigantesques proportions. 1
» On ne doit guère, au fond , attribuer l'hostilité des An-
glais au canal maritime de Suez à d'autre cause qu'à sa na-
tionalité; il est dû à l'initiative française, et c'est là, aux re-
gards de l'orgueil britannique, une tache originelle que rien
ne peut effacer. ,
» Pendant longtemps encore nous aurons à supporter, de
la part de nos voisins, ces susceptibilités d'un caractère ja-
loux, ombrageux.
» La-France offre cependant à la nation anglaise un exem-
ple de nos mœurs conciliantes, de la promptitude et de l'ar-
deur que nous mettons en toute occasion, et d'où qu'il vienne,
à applaudir tout progrès sans que son origine soit pour nous
une cause de répulsion quelconque. Nous avons répondu à
l'hostilité obstinée avec laquelle nos voisins ont accueilli le
projet français de- canalisation de l'isthme par les plus sin-
cères et les plus bruyantes acclamations devant le spectacle
du fil transatlantique, si merveilleusement déroulé à travers
l'Océan, par l'opiniâtre persévérance du génie anglo-saxon.
L'échec subi par la rupture du câble, loin de causer à l'es-
prit français cette maligne joie qu'engendre une folle rivalité,
a été tout au contraire une cause de deuil parmi nous; c'est
qu'avant tout toute innovation nous frappe moins par les
avantages personnels et directs que nous en devons tirer que
par ceux qu'elle assure à l'humanité tout entière.
» Il y a des questions qui mûrissent en silence, fécondées
par le temps. Le canal de Suez, comme la vapeur, comme
les rails-ways, comme la télégraphie sous-marine, est l'un
de ces fruits détachés de la lige des siècles : il tombe à point,
juste au milieu de notre dix-neuvième, au moment 'qui se
trouve être précisément le plus opportun. Est-ce donc le ha-
sard qui jette ainsi et pour ainsi dire aveuglément toutes ces
choses à l'humanité surprise? N'en croyez rien! Il faudrait
être frappé de cécité pour ne pas y découvrir l'empreinte
mystérieuse du doigt de la Providence; en vérité, on pourrait
prendre le ton de l'apôtre et dire avec lui : Le temps des pro-
phéties est à la fin venu, nous touchons au jour des mer-
veilles !
» Avez-vous jamais vu, je vous le demande, à aucune épo-
que de notre histoire, un pareil mouvement sur la terre? La
personnalité humaine y a-t-elle jamais tenu une aussi large
place? y a-t-elle exercé une aussi irrésistible puissance?.
» Voilà que Suez et Panama se déchirent sous notre poids;
voilà que des espaces infinis, sous l'action de la locomotive,
prennent les proportions d'une promenade; voilà que la pen-
sée, comme le sang dans le corps humain, circule sur tous
les points du globe, portée par des fils imperceptibles, et. y
répand l'animation et la vie!
» Tout s'enchaîne, tout a ses uns. en ce monde; l'hcure- de
l'expansion civilisatrice de l'Europe chrétienne sur. toute la
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