Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1856-12-10
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 10 décembre 1856 10 décembre 1856
Description : 1856/12/10 (A1,N12). 1856/12/10 (A1,N12).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62020573
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/07/2012
102 L'ISTHME DE SUEZ.
si celui qui a reçu ces effrayantes délégations est un homme
cupide, un cœur méchant, un esprit faux.
On doit rendre cette justice au gouvernement du Pacha, qu'il
fait les plus sincères et les plus constants efforts pour améliorer
la condition du Fellah, en surveillant de très-près la gestion
des scheiks. Mais des progrès de ce genre sont nécessairement
bien lents; et ce n'est guère qu'en instruisant peu à peu les
paysans, ainsi que les classes plus hautes, qu'on apprendra
successivement aux uns et aux autres à comprendre un peu
mieux leurs devoirs et leurs droits.
Nos braves conseils municipaux ne sont pas toujours très-
forts , et il ne serait pas difficile de trouver en France plus
d'une commune où personne ne serait en état de rédiger un
acte un peu correctement. Jugez ce que ce doit être ici. Mais je
n'insiste pas.
En créant de nombreuses écoles primaires, Méhémet-Ali
était dans la bonne voie. Il faut que ses successeurs y mar-
chent aussi résolument que lui; car le premier besoin, dans
ce pays, c'est que les gens apprennent à lire. Ce sont des
hommes qui manquent à l'administration, et la préoccupation
la plus vive doit être d'en former au plus vite. Il est excellent
que la famille royale et les familles opulentes envoient leurs
fils en Europe. Mais il faut que les enfants du Fellah, garçons
et filles, trouvent à leur portée des ressources analogues.
Celles-là seront aussi fécondes, si on sait les multiplier et les
régler avec sagesse.
Mais il ne paraît pas que l'ignorance soit encore le plus
grand obstacle à l'amélioration générale. Elle est profonde sans
doute, mais elle n'est pas irrémédiable. Ce qui semble l'être
beaucoup plus qu'elle, c'est le caractère de la race, empreint
si avant par la nature elle-même , et si malheureusement dé-
veloppé par les siècles, qu'il semble désormais à peu près im-
muable. Tout le monde s'accorde à reconnaître, et rien de ce
que j'ai vu ne contredit cette opinion, que si le Fellah est in-
telligent et docile, il est au suprême degré incapable de tout
commandement et de toute autorité. Dans l'administration ci-
vile, dans l'armée, cette déplorable lacune du caractère indi-
gène se fait sentir de la manière la plus évidente et la plus
fâcheuse. C'est une sorte de proverbe admis par ceux-là
mêmes qui en sont l'objet, que le Fellah ne sait point com-
mander.
D'où vient cette faiblesse native? Est-ce en effet la nature
qui a destiné de tout temps cette race à une obéissance éter-
nelle , tout en lui donnant d'ailleurs des facultés très-remar-
quables? Est-ce le long despotisme des Pharaons qui a brisé
le ressort ? Est-ce l'antique esclavage qui a produit la servi-
tude actuelle?
Ce sont là des questions auxquelles il est vraiment bien dif-
ficile de répondre. Mais, pour ma part, j'inclinerais plutôt à
la seconde solution qu'à la première. Je ne m'en rapporte pas
pour me décider à des théories, dont je ne nie pas. d'ailleurs
la puissance et l'exactitude. Je m'en tiens aux faits ; et il me
semble impossible, d'après toutes les révélations que nous
font les hiéroglyphes, qu'il n'y ait pas eu, au-dessous et au-
tour du Pharaon, un nombre considérable de personnages ca.
pables de tenir leur place dans une forte hiérarchie. Les im-
menses et splendides monuments qui sont encore sur le sol,
ces expéditions lointaines qui ont soumis des peuples étran-
gers, et dont les résultats triomphants sont sculptés sur la
pierre, attestent évidemment qu'autour du chef il y avait bon
nombre de fonctionnaires en état de le seconder et de faire
exécuter ses ordres souverains, en ayant eux-mêmes des com
mandements étendus quoique limités.
Il semble donc que l'Egypte, dans ces temps reculés, savait
se gouverner elle-même, bien qu'elle acceptât aussi les ser-
vices des élrangers, comme Joseph. Par conséquent, ce nlan-
que d'hommes, qui est aujourd'hui son malheur dans les rangs
secondaires, n'est pas absolument endémique; et l'on doit
croire qu'il n'est pas incurable.
Mais il est tellement invétéré, qu'il sera bien difficile à gue-
rir. L'Égypte, depuis près de trente siècles, n'a jamais été à elle,
et il faut remonter à quatre mille ans environ pour deviner
ce qu'elle pouvait être dans sa nature originaire. D'abord,
les pasteurs l'envahissent; puis les Perses, puis les Grecs,
puis les Romains, les Arabes et les Turcs. Elle a recou-
vré la libre disposition d'elle-même, sans avoir encore son
indépendance complète sous la famille de Méhémet-Ali, et
sans même y prétendre. Elle peut se promettre des destinées
nouvelles sous une dynastie qui n'en est pas moins nationale
pour être venue du dehors.
La tendance du gouvernement égyptien sera nécessairement
de se passer autant que possible de la race turque, sans riell
relâcher d'ailleurs des liens politiques et religieux qui l'unis-
sent à la Porte et au chef des croyants. Cette tendance est une
nécessité de situation que les Turcs eux-mêmes comprennent
et acceptent fort bien. On ne repousse pas ceux qui veulent se
dévouer au pays et identifier leurs intérêts aux siens. Loin de
la ; et, comme on peut le voir, bon nombre de Turcs occupent
encore les plus hautes fonctions militaires et civiles. Mais ceux
qui ne viennent en Égypte que pour s'enrichir et la quitter le
plus vite possible chargés de ses dépouilles, il est tout simple
qu'on tienne peu à les avoir et surtout à les garder. Mais il
n'est pas facile de les remplacer avec les seules ressources du
pays.
Si le Vice-roi, avec l'intelligence et l'énergie qui le distin-
guent, parvient à créer une pépinière d'hommes où il soit pos-
sible de puiser à peu près à coup sûr de bons scheiks-el-béled,
il aura fait immensément pour le bonheur et pour l'avenir des
Fellahs. Mais sa tâche est rude et de longue haleine; et tous
ceux qui en comprennent la difficulté ne peuvent que faire des
vœux ardents pour qu'il y réussisse. Il y a longtemps qu'il au-
rait voulu que tous les fils de scheiks passassent comme tous
les autres sous les drapeaux. Il aurait pu les y connaître indi-
viduellement et les y former en distinguant les plus habiles.
Mais les scheiks, au nom de leur indulgence paternelle et de
leur cupidité , résistent à cette mesure aussi utile qu'équitable.
Le Vice-roi n'a pu encore les vaincre; mais je doute qu'il ait
toujours le dessous dans cette lutte qu'il n'engage que pour la
justice et pour le bien du pays.
Le morceau qui précède est extrait des Lettres SUT
l'Egypte de M. Barthélémy Saint-Hilaire. Il nous a
paru que ces réflexions sur le scheik-el-béled pouvaient
préparer convenablement les études que nous avons an-
noncées sur l'administration égyptienne, et dont nous
recueillons encore les matériaux. Les Lettres suri' Egypte
ont récemment paru en un volume in-8°chez MM. Michel
Lévy frères, éditeurs, rue Vivienne, 2 bis.
G. LOTHES,
Le Gérant, EUNEST DESPLACES.
PARIS. TYPCGRAPIIIK DE HENRI PLON, IMPRIMEUR DE LEMPEREUR, RUE GARANCIÈRE. 8.
si celui qui a reçu ces effrayantes délégations est un homme
cupide, un cœur méchant, un esprit faux.
On doit rendre cette justice au gouvernement du Pacha, qu'il
fait les plus sincères et les plus constants efforts pour améliorer
la condition du Fellah, en surveillant de très-près la gestion
des scheiks. Mais des progrès de ce genre sont nécessairement
bien lents; et ce n'est guère qu'en instruisant peu à peu les
paysans, ainsi que les classes plus hautes, qu'on apprendra
successivement aux uns et aux autres à comprendre un peu
mieux leurs devoirs et leurs droits.
Nos braves conseils municipaux ne sont pas toujours très-
forts , et il ne serait pas difficile de trouver en France plus
d'une commune où personne ne serait en état de rédiger un
acte un peu correctement. Jugez ce que ce doit être ici. Mais je
n'insiste pas.
En créant de nombreuses écoles primaires, Méhémet-Ali
était dans la bonne voie. Il faut que ses successeurs y mar-
chent aussi résolument que lui; car le premier besoin, dans
ce pays, c'est que les gens apprennent à lire. Ce sont des
hommes qui manquent à l'administration, et la préoccupation
la plus vive doit être d'en former au plus vite. Il est excellent
que la famille royale et les familles opulentes envoient leurs
fils en Europe. Mais il faut que les enfants du Fellah, garçons
et filles, trouvent à leur portée des ressources analogues.
Celles-là seront aussi fécondes, si on sait les multiplier et les
régler avec sagesse.
Mais il ne paraît pas que l'ignorance soit encore le plus
grand obstacle à l'amélioration générale. Elle est profonde sans
doute, mais elle n'est pas irrémédiable. Ce qui semble l'être
beaucoup plus qu'elle, c'est le caractère de la race, empreint
si avant par la nature elle-même , et si malheureusement dé-
veloppé par les siècles, qu'il semble désormais à peu près im-
muable. Tout le monde s'accorde à reconnaître, et rien de ce
que j'ai vu ne contredit cette opinion, que si le Fellah est in-
telligent et docile, il est au suprême degré incapable de tout
commandement et de toute autorité. Dans l'administration ci-
vile, dans l'armée, cette déplorable lacune du caractère indi-
gène se fait sentir de la manière la plus évidente et la plus
fâcheuse. C'est une sorte de proverbe admis par ceux-là
mêmes qui en sont l'objet, que le Fellah ne sait point com-
mander.
D'où vient cette faiblesse native? Est-ce en effet la nature
qui a destiné de tout temps cette race à une obéissance éter-
nelle , tout en lui donnant d'ailleurs des facultés très-remar-
quables? Est-ce le long despotisme des Pharaons qui a brisé
le ressort ? Est-ce l'antique esclavage qui a produit la servi-
tude actuelle?
Ce sont là des questions auxquelles il est vraiment bien dif-
ficile de répondre. Mais, pour ma part, j'inclinerais plutôt à
la seconde solution qu'à la première. Je ne m'en rapporte pas
pour me décider à des théories, dont je ne nie pas. d'ailleurs
la puissance et l'exactitude. Je m'en tiens aux faits ; et il me
semble impossible, d'après toutes les révélations que nous
font les hiéroglyphes, qu'il n'y ait pas eu, au-dessous et au-
tour du Pharaon, un nombre considérable de personnages ca.
pables de tenir leur place dans une forte hiérarchie. Les im-
menses et splendides monuments qui sont encore sur le sol,
ces expéditions lointaines qui ont soumis des peuples étran-
gers, et dont les résultats triomphants sont sculptés sur la
pierre, attestent évidemment qu'autour du chef il y avait bon
nombre de fonctionnaires en état de le seconder et de faire
exécuter ses ordres souverains, en ayant eux-mêmes des com
mandements étendus quoique limités.
Il semble donc que l'Egypte, dans ces temps reculés, savait
se gouverner elle-même, bien qu'elle acceptât aussi les ser-
vices des élrangers, comme Joseph. Par conséquent, ce nlan-
que d'hommes, qui est aujourd'hui son malheur dans les rangs
secondaires, n'est pas absolument endémique; et l'on doit
croire qu'il n'est pas incurable.
Mais il est tellement invétéré, qu'il sera bien difficile à gue-
rir. L'Égypte, depuis près de trente siècles, n'a jamais été à elle,
et il faut remonter à quatre mille ans environ pour deviner
ce qu'elle pouvait être dans sa nature originaire. D'abord,
les pasteurs l'envahissent; puis les Perses, puis les Grecs,
puis les Romains, les Arabes et les Turcs. Elle a recou-
vré la libre disposition d'elle-même, sans avoir encore son
indépendance complète sous la famille de Méhémet-Ali, et
sans même y prétendre. Elle peut se promettre des destinées
nouvelles sous une dynastie qui n'en est pas moins nationale
pour être venue du dehors.
La tendance du gouvernement égyptien sera nécessairement
de se passer autant que possible de la race turque, sans riell
relâcher d'ailleurs des liens politiques et religieux qui l'unis-
sent à la Porte et au chef des croyants. Cette tendance est une
nécessité de situation que les Turcs eux-mêmes comprennent
et acceptent fort bien. On ne repousse pas ceux qui veulent se
dévouer au pays et identifier leurs intérêts aux siens. Loin de
la ; et, comme on peut le voir, bon nombre de Turcs occupent
encore les plus hautes fonctions militaires et civiles. Mais ceux
qui ne viennent en Égypte que pour s'enrichir et la quitter le
plus vite possible chargés de ses dépouilles, il est tout simple
qu'on tienne peu à les avoir et surtout à les garder. Mais il
n'est pas facile de les remplacer avec les seules ressources du
pays.
Si le Vice-roi, avec l'intelligence et l'énergie qui le distin-
guent, parvient à créer une pépinière d'hommes où il soit pos-
sible de puiser à peu près à coup sûr de bons scheiks-el-béled,
il aura fait immensément pour le bonheur et pour l'avenir des
Fellahs. Mais sa tâche est rude et de longue haleine; et tous
ceux qui en comprennent la difficulté ne peuvent que faire des
vœux ardents pour qu'il y réussisse. Il y a longtemps qu'il au-
rait voulu que tous les fils de scheiks passassent comme tous
les autres sous les drapeaux. Il aurait pu les y connaître indi-
viduellement et les y former en distinguant les plus habiles.
Mais les scheiks, au nom de leur indulgence paternelle et de
leur cupidité , résistent à cette mesure aussi utile qu'équitable.
Le Vice-roi n'a pu encore les vaincre; mais je doute qu'il ait
toujours le dessous dans cette lutte qu'il n'engage que pour la
justice et pour le bien du pays.
Le morceau qui précède est extrait des Lettres SUT
l'Egypte de M. Barthélémy Saint-Hilaire. Il nous a
paru que ces réflexions sur le scheik-el-béled pouvaient
préparer convenablement les études que nous avons an-
noncées sur l'administration égyptienne, et dont nous
recueillons encore les matériaux. Les Lettres suri' Egypte
ont récemment paru en un volume in-8°chez MM. Michel
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