Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1856-10-25
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 25 octobre 1856 25 octobre 1856
Description : 1856/10/25 (A1,N9). 1856/10/25 (A1,N9).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6202054v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
t
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 143
la Le jeune Reynier, rappelé sitôt par la Providence à
quelle il avait confiance de toutes les puissances de
n ame, n'a donc pas eu le temps de faire beaucoup
Pour notre entreprise. Mais il avait fait déjà pour la
poésie plus qu'on ne devait attendre de son âge et
de sa vie livrée à des travaux plus nécessaires. Le
recueil qu'a publié M. l'abbé Bayle, son intime ami
(à Marseille chez madame veuve Marius Olive), atteste le
plus vrai et le plus rare talent. Les sentiments qui occu-
pent l'âme du jeune homme sont de l'ordre le plus déli-
Cat, le plus chaste et le plus élevé. C'est partout la foi
re%ieuse, puisée aux instructions maternelles, qui in-
spire sa muse ; et, si j'en excepte nos grands poëtes con-
temporains, je ne crois pas que dans les rangs secon-
da ires de notre littérature il ait été rien publié de plus
facile et de plus suave. L'inspiration en lui est parfaite-
ment sincère, et l'expression ne manque jamais à des
Idées si naturelles et si vraies. Paul Reynier n'avait pas
encore eu le temps de se faire connaître à Paris. L'Aca-
démie dès jeux floraux de Toulouse et l'Académie de
Marseille, dont il était membre, l'avaient couronné à
cinq ou six reprises. Un talent aussi réel n'aurait pas
davantage manqué de succès auprès de juges, si ce n'est
Plus compétents, du moins placés sur un théâtre plus
datant.
Pour donner à nos lecteurs une idée de ce talent pré-
coce et de cette âme d'élite , nous détachons du recueil
de M. Bayle les deux fragments qui suivent. Mais nous
les ferons précéder d'un autre fragment de lettre écrite
a sa mère, quelques jours avant l'opération dont les
suites devaient lui être si fatales. C'est le chrétien qui
sans craindre la mort s'y prépare avec sérénité, dans le
cas où Dieu l'ordonnerait, et dont la tendresse cherche
a préparer les siens à un coup qui pour être imprévu
en est pas moins toujours possible.
Voici d'abord un passage de la lettre écrite dans les
premiers jours de mars; Paul Reynier l'adressait à sa
^ère, en même temps qu'il en adressait à ses amis plu-
sieurs autres dictées par la même pensée :
« Je vais subir une opération légère, dit-on, mais dont le
rêsultat, comme celui de toute chose humaine, est dans les
nlains de Dieu. Cette lettre ne vous parviendra que s'il arrive
Un douloureux dénoùment que j'ai à peine lieu de prévoir,
l11ais que je dois prévoir cependant, aimant mieux m'attrister
un peu inutilement que de m'exposer à partir sans me laisser
ci vous dans un adieu. J'ai à vous demander pardon, ô mes
parents bien-aimés, de bien des fautes, de bien des torts pleu-
rs déjà dans mon cœur, et que je devrai bientôt peut-être
pleurer devant Dieu. Que votre pardon m'en allége le poids,
J)' ailleurs, vous le savez, mon cœur n'en a jamais été com-
plice, et l'amour de ma famille était, de jour en jour, le meil-
leur, le plus doux et le plus complet de mes sentiments. Adieu
donc, puisque cette lettre est un adieu et le grand adieu, non
pas aussi grand qu'il le semble. Rappelez-vous quand, après
Quelques jours passés au milieu de vous, je partais pour
l'Egypte ou pour Paris, combien, au moment de la sépara-
bon, l'absence qui allait commencer nous paraissait éternelle;
Puis comme, sans nous en douter, nous voyions tout à coup
venir l'instant du retour et d'une nouvelle réunion. C'est l'his-
toire des chrétiens qui se séparent ; ils voient leur rendez-vous
plus prochain qu'inné paraît. La mort vient si vite, et le ciel
est si près! C'est une si douce consolation pour moi de songer
qu'en partant je ne laisse qu'une famille toute chrétienne, et
que je n'ai pas à craindre un vide autour de mon âme, dans
ce paradis où j'espère que me recevra la clémence de Dieu.
Consolez-vous tous, ô vous que j'aime et que j'aimerai de
là haut! Je vous embrasse, mes chères sœurs! 0 mon bon
père! que ce coup, supporté chrétiennement, n'ébranle pas les
restes d'une santé dont votre famille a besoin. Et vous aussi,
ma mère bien-aimée, vous aussi, dont le cœur si tendre va se
briser si la foi ne le soutient, c'est en vous demandant de vous
consoler au nom de cette foi qui vous est si chère que je laisse,
prêt à partir peut-être, s'envoler mon âme vers la vôtre. »
Après la prose de Reynier, voici ses vers, non moins
touchants et non moins nobles.
L'une des pièces que nous citons est intitulée : le Pre-
mier remords. Le jeune homme raconte la confidence
qu'il a reçue d'un de ses amis. Il n'a point à parler de
ses remords personnels, car son âme n'a jamais eu à
connaître ces angoisses du repentir. Il parle du remords
d'un autre qu'il cherche à soulager en provoquant ses
aveux.
L'ami se nomme Eugène; Reynier le rencontre près
d'un bosquet où les deux jeunes gens se promenaient
souvent pour épancher leurs âmes, et se confier leurs
joies ou leurs chagrins.
Eugène est triste, et Reynier lui dit :
« Tu ne me souris pas! quelle pâleur étrange!
Dieu! que vois-je? des pleurs à tes cils blonds, mon ange! »
Eugène murmura, baissant ses yeux d'azur :
« Ne me dis plus mon ange , un ange est toujours pur. »
Et pressant sur mon cœur cet ami jeune et tendre,
Lui n'osant me parler et moi n'osant l'entendre,
Nous pleurions tous les deux. Tous les deux, le front bas,
Nous voulions commencer et ne le pouvions pas.
Je savais sous l'ombrage un long banc de verdure,
Dont l'humble pâquerette émaillait la bordure ,
Solitaire, voilé, fait pour des cœurs aimants,
Qui veulent le secret pour leurs épanchements.
Cherchant de ces bosquets la retraite riante,
Nous vînmes nous asseoir dans l'herbe verdoyante.
Son front, que caressait mon amicale main,
Mélancolique et doux retombait sur mon sein,
Et, de mon amitié redoublant les alarmes,
Ses yeux bleus se cachaient sous un voile de larmes.
Moi, voyant ce nuage obscurcir leur azur,
Je répétais tout bas : « Un ange est toujours pur! »
Elle m'avait navré cette amère parole.
— Pauvre enfant ! qu'as-tu fait de ta blanche auréole,
De ces traits où la paix, le bonheur étaient lus?
Un ange est toujours pur, ne le serais-tu plus ?. —
L'attirant dans mes bras comme eût fait une mère,
J'effleurai d'un baiser cette tête si chère,
Et de mon cœur troublé lui déguisant l'émoi,
Je lui dis doucement : « Parle-moi ! parle-moi ! »
Une vive pudeur colora son visage;
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 143
la Le jeune Reynier, rappelé sitôt par la Providence à
quelle il avait confiance de toutes les puissances de
n ame, n'a donc pas eu le temps de faire beaucoup
Pour notre entreprise. Mais il avait fait déjà pour la
poésie plus qu'on ne devait attendre de son âge et
de sa vie livrée à des travaux plus nécessaires. Le
recueil qu'a publié M. l'abbé Bayle, son intime ami
(à Marseille chez madame veuve Marius Olive), atteste le
plus vrai et le plus rare talent. Les sentiments qui occu-
pent l'âme du jeune homme sont de l'ordre le plus déli-
Cat, le plus chaste et le plus élevé. C'est partout la foi
re%ieuse, puisée aux instructions maternelles, qui in-
spire sa muse ; et, si j'en excepte nos grands poëtes con-
temporains, je ne crois pas que dans les rangs secon-
da ires de notre littérature il ait été rien publié de plus
facile et de plus suave. L'inspiration en lui est parfaite-
ment sincère, et l'expression ne manque jamais à des
Idées si naturelles et si vraies. Paul Reynier n'avait pas
encore eu le temps de se faire connaître à Paris. L'Aca-
démie dès jeux floraux de Toulouse et l'Académie de
Marseille, dont il était membre, l'avaient couronné à
cinq ou six reprises. Un talent aussi réel n'aurait pas
davantage manqué de succès auprès de juges, si ce n'est
Plus compétents, du moins placés sur un théâtre plus
datant.
Pour donner à nos lecteurs une idée de ce talent pré-
coce et de cette âme d'élite , nous détachons du recueil
de M. Bayle les deux fragments qui suivent. Mais nous
les ferons précéder d'un autre fragment de lettre écrite
a sa mère, quelques jours avant l'opération dont les
suites devaient lui être si fatales. C'est le chrétien qui
sans craindre la mort s'y prépare avec sérénité, dans le
cas où Dieu l'ordonnerait, et dont la tendresse cherche
a préparer les siens à un coup qui pour être imprévu
en est pas moins toujours possible.
Voici d'abord un passage de la lettre écrite dans les
premiers jours de mars; Paul Reynier l'adressait à sa
^ère, en même temps qu'il en adressait à ses amis plu-
sieurs autres dictées par la même pensée :
« Je vais subir une opération légère, dit-on, mais dont le
rêsultat, comme celui de toute chose humaine, est dans les
nlains de Dieu. Cette lettre ne vous parviendra que s'il arrive
Un douloureux dénoùment que j'ai à peine lieu de prévoir,
l11ais que je dois prévoir cependant, aimant mieux m'attrister
un peu inutilement que de m'exposer à partir sans me laisser
ci vous dans un adieu. J'ai à vous demander pardon, ô mes
parents bien-aimés, de bien des fautes, de bien des torts pleu-
rs déjà dans mon cœur, et que je devrai bientôt peut-être
pleurer devant Dieu. Que votre pardon m'en allége le poids,
J)' ailleurs, vous le savez, mon cœur n'en a jamais été com-
plice, et l'amour de ma famille était, de jour en jour, le meil-
leur, le plus doux et le plus complet de mes sentiments. Adieu
donc, puisque cette lettre est un adieu et le grand adieu, non
pas aussi grand qu'il le semble. Rappelez-vous quand, après
Quelques jours passés au milieu de vous, je partais pour
l'Egypte ou pour Paris, combien, au moment de la sépara-
bon, l'absence qui allait commencer nous paraissait éternelle;
Puis comme, sans nous en douter, nous voyions tout à coup
venir l'instant du retour et d'une nouvelle réunion. C'est l'his-
toire des chrétiens qui se séparent ; ils voient leur rendez-vous
plus prochain qu'inné paraît. La mort vient si vite, et le ciel
est si près! C'est une si douce consolation pour moi de songer
qu'en partant je ne laisse qu'une famille toute chrétienne, et
que je n'ai pas à craindre un vide autour de mon âme, dans
ce paradis où j'espère que me recevra la clémence de Dieu.
Consolez-vous tous, ô vous que j'aime et que j'aimerai de
là haut! Je vous embrasse, mes chères sœurs! 0 mon bon
père! que ce coup, supporté chrétiennement, n'ébranle pas les
restes d'une santé dont votre famille a besoin. Et vous aussi,
ma mère bien-aimée, vous aussi, dont le cœur si tendre va se
briser si la foi ne le soutient, c'est en vous demandant de vous
consoler au nom de cette foi qui vous est si chère que je laisse,
prêt à partir peut-être, s'envoler mon âme vers la vôtre. »
Après la prose de Reynier, voici ses vers, non moins
touchants et non moins nobles.
L'une des pièces que nous citons est intitulée : le Pre-
mier remords. Le jeune homme raconte la confidence
qu'il a reçue d'un de ses amis. Il n'a point à parler de
ses remords personnels, car son âme n'a jamais eu à
connaître ces angoisses du repentir. Il parle du remords
d'un autre qu'il cherche à soulager en provoquant ses
aveux.
L'ami se nomme Eugène; Reynier le rencontre près
d'un bosquet où les deux jeunes gens se promenaient
souvent pour épancher leurs âmes, et se confier leurs
joies ou leurs chagrins.
Eugène est triste, et Reynier lui dit :
« Tu ne me souris pas! quelle pâleur étrange!
Dieu! que vois-je? des pleurs à tes cils blonds, mon ange! »
Eugène murmura, baissant ses yeux d'azur :
« Ne me dis plus mon ange , un ange est toujours pur. »
Et pressant sur mon cœur cet ami jeune et tendre,
Lui n'osant me parler et moi n'osant l'entendre,
Nous pleurions tous les deux. Tous les deux, le front bas,
Nous voulions commencer et ne le pouvions pas.
Je savais sous l'ombrage un long banc de verdure,
Dont l'humble pâquerette émaillait la bordure ,
Solitaire, voilé, fait pour des cœurs aimants,
Qui veulent le secret pour leurs épanchements.
Cherchant de ces bosquets la retraite riante,
Nous vînmes nous asseoir dans l'herbe verdoyante.
Son front, que caressait mon amicale main,
Mélancolique et doux retombait sur mon sein,
Et, de mon amitié redoublant les alarmes,
Ses yeux bleus se cachaient sous un voile de larmes.
Moi, voyant ce nuage obscurcir leur azur,
Je répétais tout bas : « Un ange est toujours pur! »
Elle m'avait navré cette amère parole.
— Pauvre enfant ! qu'as-tu fait de ta blanche auréole,
De ces traits où la paix, le bonheur étaient lus?
Un ange est toujours pur, ne le serais-tu plus ?. —
L'attirant dans mes bras comme eût fait une mère,
J'effleurai d'un baiser cette tête si chère,
Et de mon cœur troublé lui déguisant l'émoi,
Je lui dis doucement : « Parle-moi ! parle-moi ! »
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