Les premières femmes à l'École
L’entrée des femmes au sein de l’École nationale des ponts et chaussées est communément datée de la date d’ouverture du concours d’élèves ingénieurs en 1959, concours auquel fut reçue Marie-France Clugnet. Cependant l’Ecole accueillait des femmes dans ses rangs depuis les années 1920 dans ses laboratoires.
L’École nationale des ponts et chaussées avait déjà accueilli plusieurs auditrices libres au début du XXe siècle (en particulier deux russes en 1901-1902, dont les parcours mériteraient d’être étudiés à la lumière de la création des Cours polytechniques de femmes de Pétersbourg en 1906[1]). Mais c’est en 1919 que le Conseil de l’École est saisi pour la première fois d’une demande d’inscription au concours[2]. L’examen de la position des autres écoles permet de savoir qu’une jeune femme avait été admise en 1917 à l’École des Mines de Saint-Étienne et que plusieurs d’entre elles suivaient les cours de l’École centrale. Aussi, lors d’une séance de 1920, est-il convenu que les femmes puissent effectivement remplir les fonctions d’ingénieur. Les candidates « qui demanderaient à prendre part au concours d’admission » ne seront donc pas écartées. Néanmoins aucune n'est reçue dans les années qui suivent et en 1933 le changement de position est radical quand une femme demande à s’inscrire au concours des élèves étrangers : le directeur considère que des « femmes ne pourraient diriger des chantiers de construction, qu’on pourrait tout au plus les employer dans des bureaux d’études, mais au détriment des jeunes gens ». En revanche, l’inscription de Marie-France Clugnet au concours de 1959 ne semble pas avoir porté à débat.
Il faut cependant noter que les femmes furent présentes bien avant 1959 dans les laboratoires de l’École. Après les classiques postes de secrétaire ou d’agent comptable (à partir de 1912)[3], elles intègrent notamment des fonctions de chimiste et chimiste-auxiliaire au laboratoire de chimie.
Si la femme présente sur cette photographie prise en 1924 pour le compte de l’agence Rol n’a pas encore été identifiée, on trouve dans les registres du personnel[4] de 1926 les noms de Mme Condery, (ancienne élève de l’Institut technique supérieur de chimie de Marseille) et de Mlle Bénard. Elles sont rejointes quelques mois plus tard par Mlle Lapiron, diplômée d’une licence ès sciences. Mais il faut attendre 1929 pour que deux assistantes techniques entrent au laboratoire d’essais : Mlles Simonneau (avril 1929), Grandclément (octobre 1929) et Leconte (novembre 1931) contribuent ainsi aux travaux menés au sein du laboratoire.
Aujourd’hui de nombreuses chercheuses et doctorantes contribuent tant aux fonctions d’enseignement que de recherche au sein de l’École. Redécouvrez certains de leurs travaux sur Ingenius, la revue numérique de l’École des Ponts ParisTech.
Stéphanie Rivoire
[1] GOUZEVITCH Irina, GOUZEVITCH Dimitri, « La voie Russe d'accès des femmes aux professions intellectuelles scientifiques et techniques (1850-1920) », Travail, genre et sociétés, 2000/2 (N° 4), p. 55-75. DOI : 10.3917/tgs.004.0055. URL : https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2000-2-page-55.htm
[2] Procès-verbaux des Conseils de l'École (archives de l’École nationale des ponts et chaussées, cote 9562).
[3] Annuaire du ministère des Travaux publics, 1912.
[4] Registres matricules du personnel titulaire, 1921-[1938] ; Fiches concernant les fonctionnaires, [années 1930] (archives de l’École nationale des ponts et chaussées, cote 9569).
[AM5]Lien : ingenius.ecoledesponts.fr