JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. VJ3
l'assemblée s'est jointe à cette invitation. Le comte Szeceny
a porté ensuite un toast à S. H. le Sultan ; le comte Bréda in-
vita l'assemblée, dans un discours animé, à saluer l'entre-
prise comme une affaire européenne générale et à donner une
expression à ses espérances et à sa confiance par un hourra
unanime à tous les hauts protecteurs, aux souverains de l'Eu-
rope, sur l'auguste sympathie desquels repose le succès d'une
œuvre si grande et si difficile.
» Le ministre du commerce, comte de Toggenbourg, s'est
levé alors et a fait ressortir d'une manière lucide et bienveil-
lante que la pensée qui réunissait cette assemblée n'était pas
à vrai dire une pensée neuve pour l'Autriche, bien que cette
dernière se réjouit de pouvoir lui donner une nouvelle ad-
hésion en adressant ses vœux et ses félicitations à l'homme
dans lequel cette pensée s'était personnifiée pour ainsi dire.
Il a dit que l'Autriche avait toujours appuyé l'entreprise de
toute son influence, qu'elle l'avait saluée avec joie dès son
origine et accompagnée de ses vœux les plus ardents, et
qu'elle ne se lasserait jamais d'avancer dans cette voie; car
nulle part on n'avait reconnu mieux qu'ici toute l'importance
du projet; il a proposé un toast à la réussite si impatiemment
attendue de cette grande affaire, qui naturellement fut ac-
cueilli avec les acclamations les plus vives.
» M. de Lesseps, avec cette courtoisie chevaleresque qui
lui est propre, a pris encore une fois la parole, et en signa-
lant la haute importance de la sympathie témoignée en Au-
triche pour cette entreprise européenne dans le vrai sens du
mot, il a porté un toast au représentant de l'Autriche dans
la Commission internationale, M. de Negrelli, à qui cette
Commission doit tant pour l'élaboration du projet.
» Le ministre des finances, M. de Bruck, a pris la parole
pour demander à l'assemblée la permission de porter un der-
nier toast. « Une telle assemblée, a-t-il dit, dont le but est
de manifester publiquement la vive sympathie de l'Autriche
pour la canalisation de l'isthme de Suez, ne saurait se sé-
parer sans exprimer l'intérêt sincère qu'elle prend à la lutte
terrible dans laquelle l'Angleterre est engagée sur les bords
du Gange, dont le canal projeté nous rapprochera bientôt
tous, il faut l'espérer, et l'Angleterre en particulier. Quelles
que soient les pensées sur les causes de la lutte, toutes les
considérations doivent s'évanouir quand on jette un regard
sur les horribles cruautés commises par les insurgés, et de-
vant le tableau que présenteraient ces pays, s'ils tombaient
au pouvoir de ces forcenés. De quelque manière que l'on
comprenne cette question, l'Angleterre s'y est chargée d'une
grande œuvre de civilisation ; nous la voyons fonder de puis-
santes colonies au delà des mers, sur les côtes de l'Océan, en
Australie; nous voyons la Russie, la France, même l'Amé-
rique se réunir à elle pour ouvrir au commerce les portes
des empires depuis longtemps fermés dans ces régions loin-
taines, et pour forcer même la Chine et le Japon à traiter
d'une manière plus équitable et plus raisonnable les relations
internationales. Partout l'Angleterre est le soutien de la civi-
lisation européenne et des grands intérêts qui remuent si puis-
samment notre monde et sur lesquels repose notre avenir
commun. Mais dans cette grande tâche il faut que l'Angleterre
reconnaisse une importante condition pour arriver à son but,
qui est en même temps celui du reste de l'Europe. Ce n'est
que la canalisation de l'isthme de Suez qui lui donnera le
moyen le plus efficace pour accomplir sa tâche, là où elle a
le plus de luttes à soutenir, mais aussi le plus grand avenir à
conquérir. L'intérêt profond que nous prenons au triomphe
de l'Angleterre se confond donc pour nous avec l'intérêt non
moins vif pour l'exécution de sa première condition ; et c'est
au nom de l'avenir de la civilisation européenne que j'ai à
proposer à l' honorable assemblée un toast : Au triomphe des
armes anglaises dans les Indes! a
» Ces paroles furent saluées des plus chaleureuses accla-
mations; toute l'assemblée se leva, et on oublia dans ce mo-
ment toutes les difficultés suscitées à l'entreprise européenne
dont on célébrait l'importance; on voulut, par une haute et
sincère approbation, donner la preuve à ce peuple coura-
geux, mais rudement frappé par le destin, avec quelle vraie
sympathie on suit sur le continent de l'Europe centrale les
succès des armes anglaises, en leur souhaitant une victoire
prompte et complète.
» Nous espérons que cette expression de sentiments ne pas-
sera pas inaperçue. La tâche de l'Angleterre dans les Indes
ne peut être accomplie par une seule victoire, même incon-
testa ble. Comme tâche momentanée et isolée, elle n'est pas
trop grande pour l'Angleterre; mais elle le deviendra comme
tâche permanente. L'Angleterre aura donc besoin d'amis fi-
dèles et sincères; dans ces circonstances sérieuses s'obstinera-
l-elle encore longtemps à jouer ses propres intérêts et la
sympathie de ses amis sincères? Nous espérons que non; et
l'assemblée dont nous venons de parler témoigne que notre
espérance est bien fondée. Quant à M. de Lesseps, la recon-
naissance cordiale et universelle de ses mérites l'accompa-
gnera comme un souvenir agréable et encourageant. »
Le Moniteur universel du 14 novembre donnait la nouvelle
suivante d'après la Gazette de Prusse:
« M. de Lesseps, l'infatigable promoteur de la canalisation
de l'isthme de Suez, se trouve ici en ce moment; et, avec l'im-
portance qu'a cette affaire pour le commerce autrichien, on
lui fait très-bon accueil.
» On sait que M. de Bruck, notre Ministre des finances,
s'intéresse tout particulièrement à la réussite de cette entre-
prise. »
Le discours de M. de Bruck, analysé plus haut, prouve que
la Nouvelle gazette de Prusse ne se trompait pas dans ses pré-
visions.
La Gazette de Trieste du 14 novembre cite le Wanderer,
journal de Vienne, du 12 novembre, où se trouve l'article sui-
vant :
« A l'occasion du passage de M. de Lesseps par Vienne, un
comité composé de six des premières maisons de Vienne, le
baron de Rothschild à leur tête, s'était formé pour organiser un
grand banquet en l'honneur de l'hôte et pour donner un té-
moignage public du haut intérêt que la question du percement
de l'isthme a pour l'Autriche et son commerce, et principale-
ment pour l'Autriche. M. de Lesseps, qui a agité sa cause en
Angleterre avec un si grand succès, se rend d'ici à Constan-
tinople pour obtenir du Sultan la sanction du firman que le
Vice-roi d'Egypte lui a accordé pour l'exécution du canal de
Suez.
» Mercredi soir à six heures, une société de plus de quatre-
vingts convives s'éta t réunie à l'hôtel Munsch en l'hon-
neur de l'hôte. Parmi eux le Ministre baron de Bruck, comte
Thun et chevalier de Toggenburg, le gouverneur de la basse
Autriche, le baron d'Emminger, le président du Sénat, le che-
valier de Schmerling, grand nombre de généraux, les sommités
du monde financier, baron de Rothschild, baron Sina, M. ll o-
dianer, M. Eskélès, M. Todesco, etc., plusieurs membres de
direction de sociétés particulières, comme la banque nationale,
l'institution du crédit, la caisse d'escompte et les sociétés des
l'assemblée s'est jointe à cette invitation. Le comte Szeceny
a porté ensuite un toast à S. H. le Sultan ; le comte Bréda in-
vita l'assemblée, dans un discours animé, à saluer l'entre-
prise comme une affaire européenne générale et à donner une
expression à ses espérances et à sa confiance par un hourra
unanime à tous les hauts protecteurs, aux souverains de l'Eu-
rope, sur l'auguste sympathie desquels repose le succès d'une
œuvre si grande et si difficile.
» Le ministre du commerce, comte de Toggenbourg, s'est
levé alors et a fait ressortir d'une manière lucide et bienveil-
lante que la pensée qui réunissait cette assemblée n'était pas
à vrai dire une pensée neuve pour l'Autriche, bien que cette
dernière se réjouit de pouvoir lui donner une nouvelle ad-
hésion en adressant ses vœux et ses félicitations à l'homme
dans lequel cette pensée s'était personnifiée pour ainsi dire.
Il a dit que l'Autriche avait toujours appuyé l'entreprise de
toute son influence, qu'elle l'avait saluée avec joie dès son
origine et accompagnée de ses vœux les plus ardents, et
qu'elle ne se lasserait jamais d'avancer dans cette voie; car
nulle part on n'avait reconnu mieux qu'ici toute l'importance
du projet; il a proposé un toast à la réussite si impatiemment
attendue de cette grande affaire, qui naturellement fut ac-
cueilli avec les acclamations les plus vives.
» M. de Lesseps, avec cette courtoisie chevaleresque qui
lui est propre, a pris encore une fois la parole, et en signa-
lant la haute importance de la sympathie témoignée en Au-
triche pour cette entreprise européenne dans le vrai sens du
mot, il a porté un toast au représentant de l'Autriche dans
la Commission internationale, M. de Negrelli, à qui cette
Commission doit tant pour l'élaboration du projet.
» Le ministre des finances, M. de Bruck, a pris la parole
pour demander à l'assemblée la permission de porter un der-
nier toast. « Une telle assemblée, a-t-il dit, dont le but est
de manifester publiquement la vive sympathie de l'Autriche
pour la canalisation de l'isthme de Suez, ne saurait se sé-
parer sans exprimer l'intérêt sincère qu'elle prend à la lutte
terrible dans laquelle l'Angleterre est engagée sur les bords
du Gange, dont le canal projeté nous rapprochera bientôt
tous, il faut l'espérer, et l'Angleterre en particulier. Quelles
que soient les pensées sur les causes de la lutte, toutes les
considérations doivent s'évanouir quand on jette un regard
sur les horribles cruautés commises par les insurgés, et de-
vant le tableau que présenteraient ces pays, s'ils tombaient
au pouvoir de ces forcenés. De quelque manière que l'on
comprenne cette question, l'Angleterre s'y est chargée d'une
grande œuvre de civilisation ; nous la voyons fonder de puis-
santes colonies au delà des mers, sur les côtes de l'Océan, en
Australie; nous voyons la Russie, la France, même l'Amé-
rique se réunir à elle pour ouvrir au commerce les portes
des empires depuis longtemps fermés dans ces régions loin-
taines, et pour forcer même la Chine et le Japon à traiter
d'une manière plus équitable et plus raisonnable les relations
internationales. Partout l'Angleterre est le soutien de la civi-
lisation européenne et des grands intérêts qui remuent si puis-
samment notre monde et sur lesquels repose notre avenir
commun. Mais dans cette grande tâche il faut que l'Angleterre
reconnaisse une importante condition pour arriver à son but,
qui est en même temps celui du reste de l'Europe. Ce n'est
que la canalisation de l'isthme de Suez qui lui donnera le
moyen le plus efficace pour accomplir sa tâche, là où elle a
le plus de luttes à soutenir, mais aussi le plus grand avenir à
conquérir. L'intérêt profond que nous prenons au triomphe
de l'Angleterre se confond donc pour nous avec l'intérêt non
moins vif pour l'exécution de sa première condition ; et c'est
au nom de l'avenir de la civilisation européenne que j'ai à
proposer à l' honorable assemblée un toast : Au triomphe des
armes anglaises dans les Indes! a
» Ces paroles furent saluées des plus chaleureuses accla-
mations; toute l'assemblée se leva, et on oublia dans ce mo-
ment toutes les difficultés suscitées à l'entreprise européenne
dont on célébrait l'importance; on voulut, par une haute et
sincère approbation, donner la preuve à ce peuple coura-
geux, mais rudement frappé par le destin, avec quelle vraie
sympathie on suit sur le continent de l'Europe centrale les
succès des armes anglaises, en leur souhaitant une victoire
prompte et complète.
» Nous espérons que cette expression de sentiments ne pas-
sera pas inaperçue. La tâche de l'Angleterre dans les Indes
ne peut être accomplie par une seule victoire, même incon-
testa ble. Comme tâche momentanée et isolée, elle n'est pas
trop grande pour l'Angleterre; mais elle le deviendra comme
tâche permanente. L'Angleterre aura donc besoin d'amis fi-
dèles et sincères; dans ces circonstances sérieuses s'obstinera-
l-elle encore longtemps à jouer ses propres intérêts et la
sympathie de ses amis sincères? Nous espérons que non; et
l'assemblée dont nous venons de parler témoigne que notre
espérance est bien fondée. Quant à M. de Lesseps, la recon-
naissance cordiale et universelle de ses mérites l'accompa-
gnera comme un souvenir agréable et encourageant. »
Le Moniteur universel du 14 novembre donnait la nouvelle
suivante d'après la Gazette de Prusse:
« M. de Lesseps, l'infatigable promoteur de la canalisation
de l'isthme de Suez, se trouve ici en ce moment; et, avec l'im-
portance qu'a cette affaire pour le commerce autrichien, on
lui fait très-bon accueil.
» On sait que M. de Bruck, notre Ministre des finances,
s'intéresse tout particulièrement à la réussite de cette entre-
prise. »
Le discours de M. de Bruck, analysé plus haut, prouve que
la Nouvelle gazette de Prusse ne se trompait pas dans ses pré-
visions.
La Gazette de Trieste du 14 novembre cite le Wanderer,
journal de Vienne, du 12 novembre, où se trouve l'article sui-
vant :
« A l'occasion du passage de M. de Lesseps par Vienne, un
comité composé de six des premières maisons de Vienne, le
baron de Rothschild à leur tête, s'était formé pour organiser un
grand banquet en l'honneur de l'hôte et pour donner un té-
moignage public du haut intérêt que la question du percement
de l'isthme a pour l'Autriche et son commerce, et principale-
ment pour l'Autriche. M. de Lesseps, qui a agité sa cause en
Angleterre avec un si grand succès, se rend d'ici à Constan-
tinople pour obtenir du Sultan la sanction du firman que le
Vice-roi d'Egypte lui a accordé pour l'exécution du canal de
Suez.
» Mercredi soir à six heures, une société de plus de quatre-
vingts convives s'éta t réunie à l'hôtel Munsch en l'hon-
neur de l'hôte. Parmi eux le Ministre baron de Bruck, comte
Thun et chevalier de Toggenburg, le gouverneur de la basse
Autriche, le baron d'Emminger, le président du Sénat, le che-
valier de Schmerling, grand nombre de généraux, les sommités
du monde financier, baron de Rothschild, baron Sina, M. ll o-
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