256 L'ISTHME DE SUEZ.
n'y a point de paix dans l'intérieur de la maison. Mais je vous
conjure, moi, d'agir en femme vertueuse et prudente. Si vous
êtes atérile, cherchez ouvertement, et donnez à votre époux
une concubine honnête. Si elle lui donne des enfants, il vous
devra le bonheur que les veines et les artères de ses ancêtres
soient continuées; ses enfants vous honoreront comme leur
mère, et ceci ne vous sera-t-il pas un allégement heureux? Ne
donnez pas suite aux mauvais sentiments d'une mégère. Ne
vous préparez point vous-même une boisson amère que vous
seriez condamnée à avaler. »
» En général, la femme aide cependant son mari à introduire
au foyer domestique les concubines que sa position de fortune
lui permet d'entretenir; elle exerce sur elles une autorité in-
contestable, et l'enfant né de l'une d'elles est tenu par devoir
de rendre plus de respect à la femme légitime qu'à sa propre
mère. Les Chinois, qui ont l'habitude de représenter toutes les
relations de famille au moyen de figures emblématiques, re-
présentent le mari par un soleil, l'épouse par la lune, les con-
cubines sont les planètes et les étoiles du ciel domestique.
» On a fait remarquer souvent, avec raison, que bien que l'on
puisse appliquer aux Chinois l'épithète de sensualistes, on ne
trouve chez eux aucune déification des appétits grossiers que
l'on découvre dans les panthéons classiques et dans plusieurs
des rites religieux orientaux.
» L'histoire des amours de leurs dieux ou de leurs héros figure
rarement dans leurs livres historiques ou dans leurs lé-
gendes traditionnelles. Les vêlements et la tenue en public des
femmes en Chine sont invariablement modestes; et, en géné-
ral, les usages sociaux doivent être regardés comme entière-
ment favorables au développement de l'espèce humaine. Les
affections domestiques sont vives. Les pères sont généralement
fiers de leurs enfants et leur sont excessivement attachés; les
enfants, de leur côté, sont très-obéissants. L'ordre est du reste
la première loi de Confucius, l'autorité et la soumission sont
le sommet et la base de l'édifice social. -
» Le sentiment de déshonneur qui s'attache à l'extinction
d'une famille, faute de descendants par lesquels puissent se
perpétuer les services en l' honneur des ancêtres (que quelques-
uns désignent sous le nom de culie religieux), ne se trouve
point seulement chez les classes privilégiées de la Chine. L'une
de nos domestiques, chrétienne de nom , nous exprima son
désir qu'en son absence son mari eût une autre femme, et
fut toute surprise que quelqu'un put regarder un tel arrange-
ment comme inconvenant.
» Le mariage des enfants est une des plus grandes affaires
pour les familles. A peine un enfant de haute qualité a-t-il
vu le jour, que son mariage devient le sujet des conversations
quotidiennes. Il y a une immense corporation d'entremet-
teuses de mariage dont le rôle est de préparer tous les arran-
gements préliminaires , de régler le chiffre de la dot, de con-
cilier les différends qui peuvent s'élever ; en un mot, de donner
- les motifs pour et contre qui existent dans les alliances pro-
jetées. Comme il n'existe en Chine aucun honneur héréditaire,
excepté ceux qui remontent du fils au père, au grand-père et
à toute la lignée des ancêtres qui peuvent être ennoblis par le
génie littéraire ou militaire d'un descendant, les distinctions
de castes sont inconnues, et l'étudiant instruit, fût-il même de
l'origine la plus infime, serait considéré comme un parti conve-
nable pour la jeune fille la plus distinguée et la plus opulente
du pays. Les lois rigoureuses qui prohibent les mariages à un
certain degré de parenté (elles ne défendent point cependant
le^mariage avec une belle-sœur), ont pour résultat de rendre
les mariages plus féconds et les enfants qui en proviennent
plus sains et plus robustes. Les répugnances contre les ma-
riages de personnes du même sang sont tellement fortes, qu'un
homme et une femme du même sang, c'est-à-dire de la même
famille, ne sauraient s'unir légalement.
» Les marins et les soldats ne sont empêchés en aucune ma-
nière de se marier. Je crois qu'il existe, d'après le nombre
des émigrants et par l'immense perte d'hommes qu'amènent
divers accidents, et par leur abstention dans bien des circon-
stances de tout rapport avec les femmes, une grande dispro-
portion entre les sexes, qui tend naturellement à l'abaissement
de la femme; mais nous avons besoin de statistiques exactes
à ce sujet, ainsi que pour bien d'autres points de notre en-
quête.
» La proportion entre les hommes mariés et les célibataires
est (ainsi que l'on a pu s'en convaincre par ce qui précède)
très-faible.. Faire des mariages semble être l'affaire de tout
individu. Les fiançailles et les mariages occupent assez, et c'est
naturel, la jeunesse ; mais pour la vieillesse et l'âge mûr, ils
présentent tout autant d'intérêt. Un mariage est un grand
événement dans la vie d'un homme et d'une femme; mais en
Chine, il est entouré de plus de négociations préliminaires, de
cérémonial, aux différents points des négociations, de proto-
coles et de conventions , que dans tout autre pays du monde.
» Sir JOHN BOWRING. «
Note. — On a souvent douté que l'infanticide fût pratiqué
sur une grande échelle en Chine, mais les preuves abondent
sur cet usage dans les livres chinois. Voici la traduction d'un
édit de l'empereur Kang-hi, intitulé :
« Décret défendant de noyer les enfants. — Lorsqu'une mère
sans pitié plonge sous les eaux la tendre créature à laquelle
elle a donné le jour, peut-on dire que ce petit être doit l'exis-
tence à celle qui lui ôte la vie au moment où il commence
à peine à en jouir? La pauvreté des parents est la cause de ce
crime ; ils ont de la peine à gagner ce qui est nécessaire à leur
subsistance; à plus forte raison ne peuvent-ils payer la nour-
rice et parer à toutes les dépenses nécessaires pour leurs en-
fants. Ainsi poussés au désespoir, ne voulant point sacrifier
leur double existence pour la conservation des jours d'un
seul, il arrive que la mère, pour sauver la vie de son mari,
consent à détruire le fruit de ses entrailles. Leur tendresse
naturelle souffre ; mais à la fin ils emploient ce moyen, croyant
avoir le droit de disposer de la vie de leurs enfants pour pro-
longer la leur. S'ils exposaient ces enfants dans quelque en-
droit solitaire, leurs cris feraient tressaillir le cœur de leurs
parents. Aussi que font-ils? Ils lancent leur pauvre enfant au
milieu du courant d'une rivière, de manière à le perdre de
suite de vue et que dans un instant la vie l'ait abandonné.
Vous m'avez donné le nom de Père du peuple ;'et, bien que
je ne puisse éprouver le même amour pour ces pauvres petites
créatures que ceux auxquels ils doivent l'existence, je ne puis
m'empêcher de déclarer avec la plus vive douleur que je
défends d'une manière absolue de tels homicides. Le tigre, dit
un de vos livres, tout tigre qu'il soit, ne dévore pas ses petits;
pour eux il a un cœur aimant et en prend continuellement
soin. Quelque misérables que vous soyez, est-il possible que
vous puissiez devenir les assassins de vos enfants? C'est vous
montrer plus dénaturés que les bêtes féroces. (Lettres édi-
fiantes, vol. 19, p. 101-102.) -
r Sir J. B. a
Le Gérant, ERNEST DESPLACES.
PARIS. TVPCGRAPHIB DE HENRI PLON, IIlPRIUEUR DE L'HIIPEREUR, RUE GARANUIÊRE , 8.
n'y a point de paix dans l'intérieur de la maison. Mais je vous
conjure, moi, d'agir en femme vertueuse et prudente. Si vous
êtes atérile, cherchez ouvertement, et donnez à votre époux
une concubine honnête. Si elle lui donne des enfants, il vous
devra le bonheur que les veines et les artères de ses ancêtres
soient continuées; ses enfants vous honoreront comme leur
mère, et ceci ne vous sera-t-il pas un allégement heureux? Ne
donnez pas suite aux mauvais sentiments d'une mégère. Ne
vous préparez point vous-même une boisson amère que vous
seriez condamnée à avaler. »
» En général, la femme aide cependant son mari à introduire
au foyer domestique les concubines que sa position de fortune
lui permet d'entretenir; elle exerce sur elles une autorité in-
contestable, et l'enfant né de l'une d'elles est tenu par devoir
de rendre plus de respect à la femme légitime qu'à sa propre
mère. Les Chinois, qui ont l'habitude de représenter toutes les
relations de famille au moyen de figures emblématiques, re-
présentent le mari par un soleil, l'épouse par la lune, les con-
cubines sont les planètes et les étoiles du ciel domestique.
» On a fait remarquer souvent, avec raison, que bien que l'on
puisse appliquer aux Chinois l'épithète de sensualistes, on ne
trouve chez eux aucune déification des appétits grossiers que
l'on découvre dans les panthéons classiques et dans plusieurs
des rites religieux orientaux.
» L'histoire des amours de leurs dieux ou de leurs héros figure
rarement dans leurs livres historiques ou dans leurs lé-
gendes traditionnelles. Les vêlements et la tenue en public des
femmes en Chine sont invariablement modestes; et, en géné-
ral, les usages sociaux doivent être regardés comme entière-
ment favorables au développement de l'espèce humaine. Les
affections domestiques sont vives. Les pères sont généralement
fiers de leurs enfants et leur sont excessivement attachés; les
enfants, de leur côté, sont très-obéissants. L'ordre est du reste
la première loi de Confucius, l'autorité et la soumission sont
le sommet et la base de l'édifice social. -
» Le sentiment de déshonneur qui s'attache à l'extinction
d'une famille, faute de descendants par lesquels puissent se
perpétuer les services en l' honneur des ancêtres (que quelques-
uns désignent sous le nom de culie religieux), ne se trouve
point seulement chez les classes privilégiées de la Chine. L'une
de nos domestiques, chrétienne de nom , nous exprima son
désir qu'en son absence son mari eût une autre femme, et
fut toute surprise que quelqu'un put regarder un tel arrange-
ment comme inconvenant.
» Le mariage des enfants est une des plus grandes affaires
pour les familles. A peine un enfant de haute qualité a-t-il
vu le jour, que son mariage devient le sujet des conversations
quotidiennes. Il y a une immense corporation d'entremet-
teuses de mariage dont le rôle est de préparer tous les arran-
gements préliminaires , de régler le chiffre de la dot, de con-
cilier les différends qui peuvent s'élever ; en un mot, de donner
- les motifs pour et contre qui existent dans les alliances pro-
jetées. Comme il n'existe en Chine aucun honneur héréditaire,
excepté ceux qui remontent du fils au père, au grand-père et
à toute la lignée des ancêtres qui peuvent être ennoblis par le
génie littéraire ou militaire d'un descendant, les distinctions
de castes sont inconnues, et l'étudiant instruit, fût-il même de
l'origine la plus infime, serait considéré comme un parti conve-
nable pour la jeune fille la plus distinguée et la plus opulente
du pays. Les lois rigoureuses qui prohibent les mariages à un
certain degré de parenté (elles ne défendent point cependant
le^mariage avec une belle-sœur), ont pour résultat de rendre
les mariages plus féconds et les enfants qui en proviennent
plus sains et plus robustes. Les répugnances contre les ma-
riages de personnes du même sang sont tellement fortes, qu'un
homme et une femme du même sang, c'est-à-dire de la même
famille, ne sauraient s'unir légalement.
» Les marins et les soldats ne sont empêchés en aucune ma-
nière de se marier. Je crois qu'il existe, d'après le nombre
des émigrants et par l'immense perte d'hommes qu'amènent
divers accidents, et par leur abstention dans bien des circon-
stances de tout rapport avec les femmes, une grande dispro-
portion entre les sexes, qui tend naturellement à l'abaissement
de la femme; mais nous avons besoin de statistiques exactes
à ce sujet, ainsi que pour bien d'autres points de notre en-
quête.
» La proportion entre les hommes mariés et les célibataires
est (ainsi que l'on a pu s'en convaincre par ce qui précède)
très-faible.. Faire des mariages semble être l'affaire de tout
individu. Les fiançailles et les mariages occupent assez, et c'est
naturel, la jeunesse ; mais pour la vieillesse et l'âge mûr, ils
présentent tout autant d'intérêt. Un mariage est un grand
événement dans la vie d'un homme et d'une femme; mais en
Chine, il est entouré de plus de négociations préliminaires, de
cérémonial, aux différents points des négociations, de proto-
coles et de conventions , que dans tout autre pays du monde.
» Sir JOHN BOWRING. «
Note. — On a souvent douté que l'infanticide fût pratiqué
sur une grande échelle en Chine, mais les preuves abondent
sur cet usage dans les livres chinois. Voici la traduction d'un
édit de l'empereur Kang-hi, intitulé :
« Décret défendant de noyer les enfants. — Lorsqu'une mère
sans pitié plonge sous les eaux la tendre créature à laquelle
elle a donné le jour, peut-on dire que ce petit être doit l'exis-
tence à celle qui lui ôte la vie au moment où il commence
à peine à en jouir? La pauvreté des parents est la cause de ce
crime ; ils ont de la peine à gagner ce qui est nécessaire à leur
subsistance; à plus forte raison ne peuvent-ils payer la nour-
rice et parer à toutes les dépenses nécessaires pour leurs en-
fants. Ainsi poussés au désespoir, ne voulant point sacrifier
leur double existence pour la conservation des jours d'un
seul, il arrive que la mère, pour sauver la vie de son mari,
consent à détruire le fruit de ses entrailles. Leur tendresse
naturelle souffre ; mais à la fin ils emploient ce moyen, croyant
avoir le droit de disposer de la vie de leurs enfants pour pro-
longer la leur. S'ils exposaient ces enfants dans quelque en-
droit solitaire, leurs cris feraient tressaillir le cœur de leurs
parents. Aussi que font-ils? Ils lancent leur pauvre enfant au
milieu du courant d'une rivière, de manière à le perdre de
suite de vue et que dans un instant la vie l'ait abandonné.
Vous m'avez donné le nom de Père du peuple ;'et, bien que
je ne puisse éprouver le même amour pour ces pauvres petites
créatures que ceux auxquels ils doivent l'existence, je ne puis
m'empêcher de déclarer avec la plus vive douleur que je
défends d'une manière absolue de tels homicides. Le tigre, dit
un de vos livres, tout tigre qu'il soit, ne dévore pas ses petits;
pour eux il a un cœur aimant et en prend continuellement
soin. Quelque misérables que vous soyez, est-il possible que
vous puissiez devenir les assassins de vos enfants? C'est vous
montrer plus dénaturés que les bêtes féroces. (Lettres édi-
fiantes, vol. 19, p. 101-102.) -
r Sir J. B. a
Le Gérant, ERNEST DESPLACES.
PARIS. TVPCGRAPHIB DE HENRI PLON, IIlPRIUEUR DE L'HIIPEREUR, RUE GARANUIÊRE , 8.
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