Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1857-06-10
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 10 juin 1857 10 juin 1857
Description : 1857/06/10 (A2,N24). 1857/06/10 (A2,N24).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k65306239
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 199
lettres. C'est un double bonheur de les rencontrer dans
le récit d'un voyage officiel qui pourrait sembler n'être
fait que pour les marins.
Le voyage de M. Jurien de la Gravière a duré près
de quatre ans, du mois d'avril 1847 au mois de dé-
cembre 1850. Lorsqu'à la fin de 1846, le gouverne-
ment françâis créa un nouveau poste diplomatique à
Canton, M. Forth -Rouen, titulaire de ce poste, prit
passage avec le personnel qui l'accompagnait sur la
corvette la Bayonnaise, placée sous les ordres de M. le
capitaine Jurien. La Bayonnaise portait 28 canons et
240 hommes d'équipage; et elle remplaça dans ces mers
lointaines la frégate la Gloire et la corvette la Victo-
rieuse, si malheureusement perdues sur les côtes de
Corée.
Parti de Cherbourg au printemps, M. le commandant
Jurien dut, en arrivant dans les mers de l'Indo-Chine,
naviguer à contre-mousson, ou plutôt, en contournant
la mousson, pénétrer jusque dans l'océan Pacifique
pour revenir de là vers les parages où il devait se rendre.
C'est ainsi qu'il visitait Amboine, la capitale des Mo-
luques aux Hollandais, le 7 novembre, et qu'il arrivait
à Macao, à l'entrée de la rivière de Canton, pans les
premiers jours de janvier 1848. Après un séjour de
quatre mois, la Bayonnaise se retirait au mouillage de
San-Luis d'Apra, dans l'île Guam , la seule habitée des
Mariannes espagnoles, et elle y attendait'les événements,
suite probable de la subite révolution de Février. Rentrée
à Macao vers la fin de l'année, elle en repartait bientôt
pour transporter M. Forth-Rouen dans les cinq ports de
la Chine ouverts au commerce des étrangers. Elle visi-
tait successivement Shang-haï sur le Wampou, qui se
jette dans le bras de mer appelé le Yang-tse-kiang,
Ning-po, l'île de Chou-san et Amoy; elle rentrait en-
suite dans la rivière de Canton à la fin de mars ; elle
en repartait six semaines plus tard pour étudier les colo
nies espagnoles aux Philippines, et les colonies hollan-
daises à Célèbes, à Bornéo, à Sumatra, et surtout à
Java, le modèle d'une colonisation généreuse et lucra-
tive. La Bayonnaise abordait ensuite à Singapore la
colonie anglaise, née d'hier, grâce au génie de sir Stam-
ford Raffles, et déjà si puissante; enfin, après avoir
rèvu Macao et Hong-kong, M. Jurien de la Gravière
reprenait, par les îles Sandwich , Taïti et le cap Horn,
le chemin de la patrie, et y rentrait, après de si longues
courSfs, sans que le vaisseau confié à son habileté eût
éprouvé la moindre avarie.
Ainsi le théâtre parcouru par M. Jurien est celui
même où vont se passer sans doute les graves événe-
ments que tout annonce, et que prépare la formidable
expédition de l'Angleterre. Déjà nous avons dit à quel
point de vue ces événements nous touchaient; mais,
indépendamment de l'intérêt particulier que nous y pou-
vons porter, il s'y attache un immense intérêt d'huma-
nité et de civilisation. Pour bien comprendre les faits
qui s'accomplissent actuellement, il faut savoir de quels
laits ils ont été précédés. La situation antérieure
explique celle qui en est sortie et que la politique an-
glaise va essayer encore une fois de résoudre par les
négociations ou par la force. Dans ces questions dès
longtemps pendantes et toujours les mêmes sous la
diversité des péripéties, nous ne connaissons pas de
guide plus sûr, et nous pouvons ajouter, plus agréable
que le livre de M. Jurien. Il est curieux d'y voir quelle
était il y a huit ans la situation morale et politique de
la Chine et des Etats tributaires de sa puissance politique
et de sa civilisation, le Tong-king, la Cochinchine et le
Camboge, a satellites de cette bizarre planète. » Il est
curieux d'y suivre l'histoire des derniers événements :
la guerre de l'opium terminée par le traité de Nan-king
qu'imposait sir Henri Pottinger (29 août 1842); le nou-
veau conflit de 1847, et la double disgrâce de sir John
Davis et de Ki-ing le vice-roi de Canton.
Sans avoir pu pénétrer profondément dans l'intérieur
de la Chine, M. Jurien y a vu assez de choses et de per-
sonnes pour qu'à un esprit aussi prompt et aussi sagace
que le sien, la vérité se soit révélée dans ses traits essen-
tiels. Les tableaux qu'il a faits de cette étrange civilisa-
tion et de cet immense empire si corrompu et toujours
si vivace , de ces mœurs si dépravées, de cette énergie
laborieuse jointe à tant de vices, de cette politesse céré-
monieuse jointe à-tant de fourberie et de cruauté, sont
des tableaux frappants ; et personne n'a mieux fait sen-
tir que M. Jurien, par ces vives et spirituelles peintures
prises sur le vif, toute la distance qui sépare la civilisa-
tion chrétienne de cet amas de .superstitions puériles et
traditionnelles-, et de cette ignorance sceptique et athée
tout ensemble. M. Jurien n'a parlé que de ce qu'il a per-
sonnellement observé ; et c'est un grand avantage pour
ceux qui le lisent. Sur la foi d'un pareil témoin, on ne
court pas risque de s'égarer; et c'est voir à coup sûr
que devoir par ses yeux. Il est vrai qu'il n'a pu soulever
qu'un coin du voile; mais la lumière qu'il nous donne
est éclatante; et il ne faut que quelques regards si sûre-
ment portés pour éclaircir bien des doutes et des mys-
tères. Ce qu'il dit par exemple de la ville de Canton,
avec ses 1,200,000 habitants; de Shang-haï, simple
hien ou sous-préfecture, avec ses 300,000 habitants;
Amoy avec ses 200,000, suffit pour attester que les
renseignements si controversés sur la population du
Céleste-Empire ne sont que trop exacts. Quand on voit
que le Vice-roi de Canton commande à une province
aussi grande et aussi peuplée que la France ; que le
Kiang-nan renferme 72 millions d'habitants, avec une
capitale, Sou-tchéou-fou, qui a Shang-haï pour entre-
pôt et pour port à soixante lieues d'elle, on comprend
qu'un empire qui se partage en neuf provinces comme
celle-là, si ce n'est encore plus vastes, peut bien compter
400 millions de sujets. Quatre cents millions ! Ima-
gine-t-on ce que peut être une telle société ou plutôt
une telle fourmilière d'êtres humains?
En face de ce colosse, qui n'a rien de bien redou-
table, malgré ce prodigieux développement, c'est un
spectacle plein d'intérêt que de voir les efforts de la
civilisation chrétienne pour entrer dans cette effroyable
masse, que défendent contre le contact de l'étranger tant
de préventions, tant de préjugés absurdes et tant de
barrières politiques. La civilisation a dans ces contrées
lettres. C'est un double bonheur de les rencontrer dans
le récit d'un voyage officiel qui pourrait sembler n'être
fait que pour les marins.
Le voyage de M. Jurien de la Gravière a duré près
de quatre ans, du mois d'avril 1847 au mois de dé-
cembre 1850. Lorsqu'à la fin de 1846, le gouverne-
ment françâis créa un nouveau poste diplomatique à
Canton, M. Forth -Rouen, titulaire de ce poste, prit
passage avec le personnel qui l'accompagnait sur la
corvette la Bayonnaise, placée sous les ordres de M. le
capitaine Jurien. La Bayonnaise portait 28 canons et
240 hommes d'équipage; et elle remplaça dans ces mers
lointaines la frégate la Gloire et la corvette la Victo-
rieuse, si malheureusement perdues sur les côtes de
Corée.
Parti de Cherbourg au printemps, M. le commandant
Jurien dut, en arrivant dans les mers de l'Indo-Chine,
naviguer à contre-mousson, ou plutôt, en contournant
la mousson, pénétrer jusque dans l'océan Pacifique
pour revenir de là vers les parages où il devait se rendre.
C'est ainsi qu'il visitait Amboine, la capitale des Mo-
luques aux Hollandais, le 7 novembre, et qu'il arrivait
à Macao, à l'entrée de la rivière de Canton, pans les
premiers jours de janvier 1848. Après un séjour de
quatre mois, la Bayonnaise se retirait au mouillage de
San-Luis d'Apra, dans l'île Guam , la seule habitée des
Mariannes espagnoles, et elle y attendait'les événements,
suite probable de la subite révolution de Février. Rentrée
à Macao vers la fin de l'année, elle en repartait bientôt
pour transporter M. Forth-Rouen dans les cinq ports de
la Chine ouverts au commerce des étrangers. Elle visi-
tait successivement Shang-haï sur le Wampou, qui se
jette dans le bras de mer appelé le Yang-tse-kiang,
Ning-po, l'île de Chou-san et Amoy; elle rentrait en-
suite dans la rivière de Canton à la fin de mars ; elle
en repartait six semaines plus tard pour étudier les colo
nies espagnoles aux Philippines, et les colonies hollan-
daises à Célèbes, à Bornéo, à Sumatra, et surtout à
Java, le modèle d'une colonisation généreuse et lucra-
tive. La Bayonnaise abordait ensuite à Singapore la
colonie anglaise, née d'hier, grâce au génie de sir Stam-
ford Raffles, et déjà si puissante; enfin, après avoir
rèvu Macao et Hong-kong, M. Jurien de la Gravière
reprenait, par les îles Sandwich , Taïti et le cap Horn,
le chemin de la patrie, et y rentrait, après de si longues
courSfs, sans que le vaisseau confié à son habileté eût
éprouvé la moindre avarie.
Ainsi le théâtre parcouru par M. Jurien est celui
même où vont se passer sans doute les graves événe-
ments que tout annonce, et que prépare la formidable
expédition de l'Angleterre. Déjà nous avons dit à quel
point de vue ces événements nous touchaient; mais,
indépendamment de l'intérêt particulier que nous y pou-
vons porter, il s'y attache un immense intérêt d'huma-
nité et de civilisation. Pour bien comprendre les faits
qui s'accomplissent actuellement, il faut savoir de quels
laits ils ont été précédés. La situation antérieure
explique celle qui en est sortie et que la politique an-
glaise va essayer encore une fois de résoudre par les
négociations ou par la force. Dans ces questions dès
longtemps pendantes et toujours les mêmes sous la
diversité des péripéties, nous ne connaissons pas de
guide plus sûr, et nous pouvons ajouter, plus agréable
que le livre de M. Jurien. Il est curieux d'y voir quelle
était il y a huit ans la situation morale et politique de
la Chine et des Etats tributaires de sa puissance politique
et de sa civilisation, le Tong-king, la Cochinchine et le
Camboge, a satellites de cette bizarre planète. » Il est
curieux d'y suivre l'histoire des derniers événements :
la guerre de l'opium terminée par le traité de Nan-king
qu'imposait sir Henri Pottinger (29 août 1842); le nou-
veau conflit de 1847, et la double disgrâce de sir John
Davis et de Ki-ing le vice-roi de Canton.
Sans avoir pu pénétrer profondément dans l'intérieur
de la Chine, M. Jurien y a vu assez de choses et de per-
sonnes pour qu'à un esprit aussi prompt et aussi sagace
que le sien, la vérité se soit révélée dans ses traits essen-
tiels. Les tableaux qu'il a faits de cette étrange civilisa-
tion et de cet immense empire si corrompu et toujours
si vivace , de ces mœurs si dépravées, de cette énergie
laborieuse jointe à tant de vices, de cette politesse céré-
monieuse jointe à-tant de fourberie et de cruauté, sont
des tableaux frappants ; et personne n'a mieux fait sen-
tir que M. Jurien, par ces vives et spirituelles peintures
prises sur le vif, toute la distance qui sépare la civilisa-
tion chrétienne de cet amas de .superstitions puériles et
traditionnelles-, et de cette ignorance sceptique et athée
tout ensemble. M. Jurien n'a parlé que de ce qu'il a per-
sonnellement observé ; et c'est un grand avantage pour
ceux qui le lisent. Sur la foi d'un pareil témoin, on ne
court pas risque de s'égarer; et c'est voir à coup sûr
que devoir par ses yeux. Il est vrai qu'il n'a pu soulever
qu'un coin du voile; mais la lumière qu'il nous donne
est éclatante; et il ne faut que quelques regards si sûre-
ment portés pour éclaircir bien des doutes et des mys-
tères. Ce qu'il dit par exemple de la ville de Canton,
avec ses 1,200,000 habitants; de Shang-haï, simple
hien ou sous-préfecture, avec ses 300,000 habitants;
Amoy avec ses 200,000, suffit pour attester que les
renseignements si controversés sur la population du
Céleste-Empire ne sont que trop exacts. Quand on voit
que le Vice-roi de Canton commande à une province
aussi grande et aussi peuplée que la France ; que le
Kiang-nan renferme 72 millions d'habitants, avec une
capitale, Sou-tchéou-fou, qui a Shang-haï pour entre-
pôt et pour port à soixante lieues d'elle, on comprend
qu'un empire qui se partage en neuf provinces comme
celle-là, si ce n'est encore plus vastes, peut bien compter
400 millions de sujets. Quatre cents millions ! Ima-
gine-t-on ce que peut être une telle société ou plutôt
une telle fourmilière d'êtres humains?
En face de ce colosse, qui n'a rien de bien redou-
table, malgré ce prodigieux développement, c'est un
spectacle plein d'intérêt que de voir les efforts de la
civilisation chrétienne pour entrer dans cette effroyable
masse, que défendent contre le contact de l'étranger tant
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