Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1857-02-10
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 10 février 1857 10 février 1857
Description : 1857/02/10 (A2,N16). 1857/02/10 (A2,N16).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6530615r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
48 - L'ISTHME DE SUEZ.
4o 1
» A cette époque, il y eut un grand changement dans les
rapports commerciaux de l'Europe avec l'Empire Ottoman.
Un traité fut conclu entre les puissances européennes et le
Sultan. D'après ce traité, il fut convenu que désormais chacun
pourrait acheter et vendre librement dans toutes les posses-
sions relevant de la puissance turque, à la condition de payer
un droit de sortie qui, si notre mémoire est fidèle,'fut fixé à
12 pour 100 de la valeur. Cette convention comprenait impli-
citement l'Egypte, et elle ne tendait à rien moins qu'au ren-
versement complet'du système de monopole en vigueur dans
les États de Méhémet-Ali.
» Mais le vieux Pacha n'était pas homme à renoncer si vite
à un régime qui enrichissait son gouvernement. Précisément
à cette époque, il préparait son armée pour le grand coup
- qu'elle devait bientôt frapper en Syrie, sous la conduite
d'Ibrahim. Ce n'était donc pas le moment de compromettre
peut-être les finances du pays, et à coup sûr de les diminuer,
par une véritable révolution économique et financière.
- n Il tourna la difficulté.
r Il dit à son suzerain, l'auteur du traité : « Vous ne con-
n naissez pas assez les difficultés contre lesquelles je me débats :
« je ne demande pas mieux que de me conformer à vos vues;
ornais comment-me payera-t-on l'impôt, si je renonce à
» prendre les produits du sol? Les Fellahs n'ont pas d'argent :
il faut donc perdre les revenus' de mon pachalik ou conti-
ii nuer à les percevoir en nature. »
» Et là-dessus, il persista dans son système, avec cette seule
différence qu'il dut cesser de faire vendre à l'amiable pour
l'exportation les produits versés dans les magasins du gou-
vernement. Par respect pourle traité, il fut obligé de mettre ces
produite à l'enchère.
"Ce qu'on avait voulu éviter surtout, c'était la spéculation
qui consistait à accaparea la grande masse des produits de
l'Égypte et à les détenir jusqu'à ce que les prix se fussent éle-
vés sur les marchés de l'Europe, pour s'en défaire alors à "un
taux exorbitant. Les enchères eussent sinon mis un terme, du
moins fait échec, dans une certaine mesure, à ce genre de spé-
culation qui enrichissait quelques maisons au détriment du
commerce tout entier.- Mais il eût fallu pour cela que les en-
chères fussent toujours sincères.
» Au contraire, les dés étaient pipés la plupart du temps.
Soit que le gouvernement fît avec tels ou tels négociants un
échange de services, soit qu'il s'associât avec eux dans les bé-
néfices définitifs, soit enfin que le Pacha tint à honneur de ne -
rien céder de ce qu'il considérait comme son droit, toujours
est-il que le plus souvent les enchères ne furent que pour la
forme. Tel négociant qui avait le mot d'ordre poussait les en-
chères aussi haut qu'il le fallait pour écarter les concurrents..
Mais quand arrivait l'époque de la livraison, le gouvernement
ne tenait aucun compte de cette opération, et le prix se réglait
à l'amiable avec la maison favorisée.
» Ainsi, en ce qui concernait l'Égypte, le traité avait man-
qué son but et n'avait nullement altéré la condition des spé-
cu lateurs.
» Le successeur de Méhémet-Ali, Abbas-Pacha, suivit les
mêmes errements, mais avec plus de timidité. Il aimait le mo-
nopole au moins autant que son grand-père ; mais il n'était
pas île caractère à le pratiquer ouvertement et complètement,
nonobstant les vœux de l'Europe entière.
* D'ailleurs, dès qu'un pays commence à prospérer, dès que
le commerce y'prend de la force, la liberté d'acheter et de
vendre lui devient aussi nécessaire que l'air à une plante, et
la pente à un fleuve. S'il rencontre des barrières, il les tourne
ou les renverse. La main puissante de Méhémet-Ali, la terreur
et le respect qu'il inspirait, avaient bien pu comprimer cette
tendance pendant la durée de son règne ; mais le vieux Pacha
une fois mort, le gouvernement se trouvait hors d'état de peser
assez fortement sur le commerce pour l'empêcher, sinon de
faire explosion, du moins de franchir les obstacles par toutes
les issues ; et le traité de 1838 en avait ouvert plus d'une.
11 Ainsi, malgré l'élévation de l'impôt, malgré les exaclions
subalternes, les cultivateurs trouvaient le moyen de produire
un surplus d'objets d'exportation quidônnait matière à des
transactions libres et directes.
Des maisons de commerce grecques, françai ses et autres
Des 'maisons de commerce greçques, françaises et autrrs
commençaient à expédier des agents dans l'intérieur, avec mis-
sion d'acheter cet excédant aux habfiants et de l'envoyer à
Alexandrie. C'était la naissance d'un commerce qui a pris au-
jourd'hui la plus grande extension.
» Ces opérations ne" furent jamais vues d'un bon œil par le
gouvernement d'Abbas-Paéhà. Il les contrariait de tout son
pouvoir, mais sourdement. Par exemple, les agents commer-
ciaux envoyés dans l'intérieur, au moment de charger leurs
produits .à destination d'Alexandrie, ne trouvaient pas de
barques à affréter pour descendre le Nil. C'est que les gouver-
neurs avaient reçu, l'ordre secret de défendre aux propriétaires
de ces embarcations de les louer pour le transport des mar-
chandises. Un homme de talent et d'imagination, Gérard de
Nerval, qui avait visité'l'Égypte, et qui a laissé des lettres sir
l'Orient, fut témoin d'un fait'de cette nature, qu'il a rapporté
comme un trait caractéristique de la tyrannie exercée sur les
Fellahs, - mais sans en comprendre les véritables causes.
» Il désirait louer une embarcation, et un jour il vit sur les
bords du Nil une cange toute désemparée. Elle paraissait hors
d'état de naviguer; il allait passer outre., lorsque le proprié-
taire s'approcha et lui fit comprendre que la barque était
bonne, mais qu'il avait été obligé de-la défoncer pour la
mettre à l'abri de la rapacité des soldats du-Pacha, ceux-ci
ne manquant pas d'enlever celles qui paraissaient propres à
la navigation ; mais il s'engageait à la réparer en quelques
heures. r
n Ceci se passait précisément alors que le commerce direct
commençait à s'insinuer dans l'intérieur de l'Egypte, en cher-
chant à échapper à l'intermédiaire onéreux du gouvernement.
Ce que.Gérard de Nerval a vu en artiste n'était qu'un exemple
des entraves apportées à ces nouvelles tendances. »
PAUL MERRUAU.
(La suite à un prochain numéro.)
Le volume contenant le Rapport de la Commission
Internationale vient de paraître, et il est à la disposi-
tion de nos abonnés, auX. mêmes conditions que les
précédents, en ce qui concerne les frais de poste.
Ce volume est le troisième des documents publiés
par M. Ferdinand de Lesseps.
Le Gérant, ERNEST DESPLECÉS.
PARIS. TIPCORAPBIE DE HENRI PLON, IMPRIME DU DE L* EMPEREUR, RUE GARANCtÈRE, 8.
4o 1
» A cette époque, il y eut un grand changement dans les
rapports commerciaux de l'Europe avec l'Empire Ottoman.
Un traité fut conclu entre les puissances européennes et le
Sultan. D'après ce traité, il fut convenu que désormais chacun
pourrait acheter et vendre librement dans toutes les posses-
sions relevant de la puissance turque, à la condition de payer
un droit de sortie qui, si notre mémoire est fidèle,'fut fixé à
12 pour 100 de la valeur. Cette convention comprenait impli-
citement l'Egypte, et elle ne tendait à rien moins qu'au ren-
versement complet'du système de monopole en vigueur dans
les États de Méhémet-Ali.
» Mais le vieux Pacha n'était pas homme à renoncer si vite
à un régime qui enrichissait son gouvernement. Précisément
à cette époque, il préparait son armée pour le grand coup
- qu'elle devait bientôt frapper en Syrie, sous la conduite
d'Ibrahim. Ce n'était donc pas le moment de compromettre
peut-être les finances du pays, et à coup sûr de les diminuer,
par une véritable révolution économique et financière.
- n Il tourna la difficulté.
r Il dit à son suzerain, l'auteur du traité : « Vous ne con-
n naissez pas assez les difficultés contre lesquelles je me débats :
« je ne demande pas mieux que de me conformer à vos vues;
ornais comment-me payera-t-on l'impôt, si je renonce à
» prendre les produits du sol? Les Fellahs n'ont pas d'argent :
il faut donc perdre les revenus' de mon pachalik ou conti-
ii nuer à les percevoir en nature. »
» Et là-dessus, il persista dans son système, avec cette seule
différence qu'il dut cesser de faire vendre à l'amiable pour
l'exportation les produits versés dans les magasins du gou-
vernement. Par respect pourle traité, il fut obligé de mettre ces
produite à l'enchère.
"Ce qu'on avait voulu éviter surtout, c'était la spéculation
qui consistait à accaparea la grande masse des produits de
l'Égypte et à les détenir jusqu'à ce que les prix se fussent éle-
vés sur les marchés de l'Europe, pour s'en défaire alors à "un
taux exorbitant. Les enchères eussent sinon mis un terme, du
moins fait échec, dans une certaine mesure, à ce genre de spé-
culation qui enrichissait quelques maisons au détriment du
commerce tout entier.- Mais il eût fallu pour cela que les en-
chères fussent toujours sincères.
» Au contraire, les dés étaient pipés la plupart du temps.
Soit que le gouvernement fît avec tels ou tels négociants un
échange de services, soit qu'il s'associât avec eux dans les bé-
néfices définitifs, soit enfin que le Pacha tint à honneur de ne -
rien céder de ce qu'il considérait comme son droit, toujours
est-il que le plus souvent les enchères ne furent que pour la
forme. Tel négociant qui avait le mot d'ordre poussait les en-
chères aussi haut qu'il le fallait pour écarter les concurrents..
Mais quand arrivait l'époque de la livraison, le gouvernement
ne tenait aucun compte de cette opération, et le prix se réglait
à l'amiable avec la maison favorisée.
» Ainsi, en ce qui concernait l'Égypte, le traité avait man-
qué son but et n'avait nullement altéré la condition des spé-
cu lateurs.
» Le successeur de Méhémet-Ali, Abbas-Pacha, suivit les
mêmes errements, mais avec plus de timidité. Il aimait le mo-
nopole au moins autant que son grand-père ; mais il n'était
pas île caractère à le pratiquer ouvertement et complètement,
nonobstant les vœux de l'Europe entière.
* D'ailleurs, dès qu'un pays commence à prospérer, dès que
le commerce y'prend de la force, la liberté d'acheter et de
vendre lui devient aussi nécessaire que l'air à une plante, et
la pente à un fleuve. S'il rencontre des barrières, il les tourne
ou les renverse. La main puissante de Méhémet-Ali, la terreur
et le respect qu'il inspirait, avaient bien pu comprimer cette
tendance pendant la durée de son règne ; mais le vieux Pacha
une fois mort, le gouvernement se trouvait hors d'état de peser
assez fortement sur le commerce pour l'empêcher, sinon de
faire explosion, du moins de franchir les obstacles par toutes
les issues ; et le traité de 1838 en avait ouvert plus d'une.
11 Ainsi, malgré l'élévation de l'impôt, malgré les exaclions
subalternes, les cultivateurs trouvaient le moyen de produire
un surplus d'objets d'exportation quidônnait matière à des
transactions libres et directes.
Des maisons de commerce grecques, françai ses et autres
Des 'maisons de commerce greçques, françaises et autrrs
commençaient à expédier des agents dans l'intérieur, avec mis-
sion d'acheter cet excédant aux habfiants et de l'envoyer à
Alexandrie. C'était la naissance d'un commerce qui a pris au-
jourd'hui la plus grande extension.
» Ces opérations ne" furent jamais vues d'un bon œil par le
gouvernement d'Abbas-Paéhà. Il les contrariait de tout son
pouvoir, mais sourdement. Par exemple, les agents commer-
ciaux envoyés dans l'intérieur, au moment de charger leurs
produits .à destination d'Alexandrie, ne trouvaient pas de
barques à affréter pour descendre le Nil. C'est que les gouver-
neurs avaient reçu, l'ordre secret de défendre aux propriétaires
de ces embarcations de les louer pour le transport des mar-
chandises. Un homme de talent et d'imagination, Gérard de
Nerval, qui avait visité'l'Égypte, et qui a laissé des lettres sir
l'Orient, fut témoin d'un fait'de cette nature, qu'il a rapporté
comme un trait caractéristique de la tyrannie exercée sur les
Fellahs, - mais sans en comprendre les véritables causes.
» Il désirait louer une embarcation, et un jour il vit sur les
bords du Nil une cange toute désemparée. Elle paraissait hors
d'état de naviguer; il allait passer outre., lorsque le proprié-
taire s'approcha et lui fit comprendre que la barque était
bonne, mais qu'il avait été obligé de-la défoncer pour la
mettre à l'abri de la rapacité des soldats du-Pacha, ceux-ci
ne manquant pas d'enlever celles qui paraissaient propres à
la navigation ; mais il s'engageait à la réparer en quelques
heures. r
n Ceci se passait précisément alors que le commerce direct
commençait à s'insinuer dans l'intérieur de l'Egypte, en cher-
chant à échapper à l'intermédiaire onéreux du gouvernement.
Ce que.Gérard de Nerval a vu en artiste n'était qu'un exemple
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