Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1860-10-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 octobre 1860 01 octobre 1860
Description : 1860/10/01 (A5,N103). 1860/10/01 (A5,N103).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6529969v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 317
de sa chair qu'il aimait si tendrement et dont il avait
amèrement pleuré la perte, lui apparut souriante et
toujours belle. Tous deux se jetèrent dans les bras
l'un de l'autre en poussant un cri de joie et confondant
dans leurs pleurs leur reconnaissance envers le Seigneur.
Cette circonstance mémorable donna son nom à la mon-
tagne où avait eu lieu cette miraculeuse réunion des
deux premiers êtres du genre humain, et on l'appela
depuis : Djebel ârafat (montagne de la rencontre ou de
la reconnaissance). La tradition ajoute qu'Ève mourut
en Arabie, âgée de plus de neuf cents ans, et qu'elle y
fut enterrée aux bords de la mer Rouge, à peu de dis-
tance du Mont de la Rencontre, sur cette même terre du
Hedjaz où elle vécut longtemps heureuse avec son
époux bien-aimé.
Telle est, mon cher ami, la légende musulmane re-
lative à Ève et à sa tombe, qu'une tradition toute locale
place aux portes mêmes de la ville de Djeddah. Et le
peuple musulman, crédule et complaisant en ces sor
tes de matières, y croit avec une entière bonne foi.
Le lieutenant Burton, dans une note de son intéres-
sant Pilgrinage to El Medinah and Meccah, dit, sans toute-
fois appuyer cette citation d'aucune autorité histori-
que, que l'ancienne idole des habitants payens de Djed-
dah s'appelait du nom de El Sokhera el touila (la lon-
gue pierre), et que peut-être il faudrait voir dans la
tombe d'Eve de nos jours un reste, un souvenir des an-
ciens temps du paganisme musulman. De prime abord
cette opinion séduit et paraît assez vraisemblable ; mais
malheureusement, ainsi que je viens de le remarquer,
le savant et hardi voyageur anglais ne nous dit point
sur quelle autorité historique il l'a basée, et dès lors
il est permis de concevoir des doutes à cet égard. Mes
propres recherches dans plusieurs vieux manuscrits in-
digènes sur l'histoire ancienne du Hedjaz ne m'ont ré-
vélé l'existence d'aucune idole arabe de ce nom dans
les temps anti-islamiques. M. Caussin de Perceval n'en
fait pas mention non plus dans son remarquable Essai
sur l'histoire des Arabes avant l'islamisme. D'un autre
côté, il y a lieu de croire que les habitants de Djeddah
n'avaient guère eu le temps d'adopter le culte d'une
idole qui leur fût particulière, puisque, ainsi que j'ai
tâché de le démontrer dans ma précédente lettre, la
fondation de cette ville paraîtrait ne devoir pas remon-
ter à plus d'une douzaine d'années avant la mission de
Mahomet.
Quoi qu'il en soit, le Coran ne parle ni de la descente
d'Ève à Djeddah ni de l'existence de son tombeau sur
les bords de la mer Rouge. Le nom même de notre
mère commune n'y est pas mentionné une seule fois,
bien que celui d'Adam soit cité dans plusieurs cha-
pitres, notamment dans les 2e, 'je, l'le, 18e et 20e. En
outre, les Ahadits er Rassoul, ou recueil traditionnel
des paroles et des sentences prononcées dans diverses
circonstances par le prophète et qui font loi en matière
religieuse, sont muets sur ce point. Or, si la lé-
gende du tombeau d'Ève existait au sein des tribus
arabes à l'époque de Mahomet, nul doute qu'il en eût
été fait mention dans le livre sacré, et que lui-même
en eût parlé dans ses entretiens avec ses disciples. Plu-
sieurs auteurs musulmans, il est vrai, lui ont consa-
cré quelques lignes dans leurs ouvrages; mais il faut
observer, à cet égard, qu'en outre qu'ils écrivaient à
une époque relativement récente, ils ont pu simplement
relater une légende qui n'aurait commencé à avoir
cours dans le Hedjaz que bien postérieurement à l'éta-
blissement de l'islamisme.
J'ai dit que le peuple, ici, avait une foi aveugle dans
l'authenticité de cette tombe. J'ajouterai que tous les
musulmans qui viennent au Hedjaz de toutes les parties
du monde pour y accomplir le saint pèlerinage de la
Mecque, ne manquent pas, d'ordinaire, d'aller y faire
une visite pieuse. Néanmoins cette croyance religieuse
n'est point généralement admise par tous les indigènes
eux-mêmes, et j'en connais plus d'un, cherifs, notables
ou lettrés, qui traitent fort irrévérencieusement cette
légende de fable ridicule.
Mais il est grandement temps, ce me semble, de vous
dire en quoi consiste ce fameux mausolée.
Le tombeau d'Ève est à un quart de mille environ au
nord de Djeddah, à quelques pas de la caserne con-
struite par Méhemet-Aly hors de la porte de Médine.
C'est un grand enclos de 150 mètres carrés environ,
entouré d'un mur d'enceinte et dans lequel on pénètre
par trois portes. Dans le centre, et orienté nord et sud,
est le tombeau proprement dit. Deux petits murs pa-
rallèles de 6 pieds de haut, séparés entre eux par un
espace de 4 à 5 mètres et long de 185 pas, marquent
les limites de cette gigantesque sépulture. Une petite
colonne de pierre peinte en vert et recouverte d'une
inscription arabe, haute de 5 pieds, ainsi que trois
jeunes pousses de dattiers dont les palmes retombant
vers le sol murmurent tristement au souffle du vent
chaud du désert, indiquent la place où repose la tête,
tournée du côté de la Mecque. Un bâtisse plus élevée
que les deux petits murs parallèles dont je viens de
parler et auxquels elle se relie, entoure cet endroit do
trois côtés et ne permet au visiteur d'y jeter un curieux
ou pieux regard qu'à travers les barreaux de fer de
trois hautes fenêtres.
Dans l'espace compris entre les deux petits murs et
à la place présumée du sol de Oumena Haoua, on re-
marque la tombe de Osman-Pacha, ancien gouverneur
général du Hedjaz, et celle de son neveu. Sans doute,
la famille dut acheter par de riches offrandes cet hon-
neur insigne de faire reposer ces deux Osmanlis sur le
sein de la mère du genre humain. Ces sépultures
particulières, ainsi que plusieurs autres disséminées
dans la vaste enceinte du cimetière, sont revêtues de
plaques de marbre blanc assez artistement fouillées,
recouvertes d'inscriptions arabes ou turques, et, con-
rairement à l'usage, fort élevées au-dessus du sol. Je
citerai entre autres les tombeaux de la fille et de la
petite-fille de Kamil-Pacha, autrefois gouverneur gé-
néral de la province, qu'entoure une haute grille en
fer au dedans de laquelle poussent au pied des deux
monuments quelques arbrisseaux et plantes grim-
pantes ; celui de la sœur d'Abbas-Pacha, naguère vice.
roi d'Egypte ; ceux, enfin, de quelques personnages de
distinction. J'ai remarqué que l'ornementation funéraire
en pierre froide de l'une de ces tombes figure parfai-
tement une croix de Malte à la tête et aux pieds, sin-
de sa chair qu'il aimait si tendrement et dont il avait
amèrement pleuré la perte, lui apparut souriante et
toujours belle. Tous deux se jetèrent dans les bras
l'un de l'autre en poussant un cri de joie et confondant
dans leurs pleurs leur reconnaissance envers le Seigneur.
Cette circonstance mémorable donna son nom à la mon-
tagne où avait eu lieu cette miraculeuse réunion des
deux premiers êtres du genre humain, et on l'appela
depuis : Djebel ârafat (montagne de la rencontre ou de
la reconnaissance). La tradition ajoute qu'Ève mourut
en Arabie, âgée de plus de neuf cents ans, et qu'elle y
fut enterrée aux bords de la mer Rouge, à peu de dis-
tance du Mont de la Rencontre, sur cette même terre du
Hedjaz où elle vécut longtemps heureuse avec son
époux bien-aimé.
Telle est, mon cher ami, la légende musulmane re-
lative à Ève et à sa tombe, qu'une tradition toute locale
place aux portes mêmes de la ville de Djeddah. Et le
peuple musulman, crédule et complaisant en ces sor
tes de matières, y croit avec une entière bonne foi.
Le lieutenant Burton, dans une note de son intéres-
sant Pilgrinage to El Medinah and Meccah, dit, sans toute-
fois appuyer cette citation d'aucune autorité histori-
que, que l'ancienne idole des habitants payens de Djed-
dah s'appelait du nom de El Sokhera el touila (la lon-
gue pierre), et que peut-être il faudrait voir dans la
tombe d'Eve de nos jours un reste, un souvenir des an-
ciens temps du paganisme musulman. De prime abord
cette opinion séduit et paraît assez vraisemblable ; mais
malheureusement, ainsi que je viens de le remarquer,
le savant et hardi voyageur anglais ne nous dit point
sur quelle autorité historique il l'a basée, et dès lors
il est permis de concevoir des doutes à cet égard. Mes
propres recherches dans plusieurs vieux manuscrits in-
digènes sur l'histoire ancienne du Hedjaz ne m'ont ré-
vélé l'existence d'aucune idole arabe de ce nom dans
les temps anti-islamiques. M. Caussin de Perceval n'en
fait pas mention non plus dans son remarquable Essai
sur l'histoire des Arabes avant l'islamisme. D'un autre
côté, il y a lieu de croire que les habitants de Djeddah
n'avaient guère eu le temps d'adopter le culte d'une
idole qui leur fût particulière, puisque, ainsi que j'ai
tâché de le démontrer dans ma précédente lettre, la
fondation de cette ville paraîtrait ne devoir pas remon-
ter à plus d'une douzaine d'années avant la mission de
Mahomet.
Quoi qu'il en soit, le Coran ne parle ni de la descente
d'Ève à Djeddah ni de l'existence de son tombeau sur
les bords de la mer Rouge. Le nom même de notre
mère commune n'y est pas mentionné une seule fois,
bien que celui d'Adam soit cité dans plusieurs cha-
pitres, notamment dans les 2e, 'je, l'le, 18e et 20e. En
outre, les Ahadits er Rassoul, ou recueil traditionnel
des paroles et des sentences prononcées dans diverses
circonstances par le prophète et qui font loi en matière
religieuse, sont muets sur ce point. Or, si la lé-
gende du tombeau d'Ève existait au sein des tribus
arabes à l'époque de Mahomet, nul doute qu'il en eût
été fait mention dans le livre sacré, et que lui-même
en eût parlé dans ses entretiens avec ses disciples. Plu-
sieurs auteurs musulmans, il est vrai, lui ont consa-
cré quelques lignes dans leurs ouvrages; mais il faut
observer, à cet égard, qu'en outre qu'ils écrivaient à
une époque relativement récente, ils ont pu simplement
relater une légende qui n'aurait commencé à avoir
cours dans le Hedjaz que bien postérieurement à l'éta-
blissement de l'islamisme.
J'ai dit que le peuple, ici, avait une foi aveugle dans
l'authenticité de cette tombe. J'ajouterai que tous les
musulmans qui viennent au Hedjaz de toutes les parties
du monde pour y accomplir le saint pèlerinage de la
Mecque, ne manquent pas, d'ordinaire, d'aller y faire
une visite pieuse. Néanmoins cette croyance religieuse
n'est point généralement admise par tous les indigènes
eux-mêmes, et j'en connais plus d'un, cherifs, notables
ou lettrés, qui traitent fort irrévérencieusement cette
légende de fable ridicule.
Mais il est grandement temps, ce me semble, de vous
dire en quoi consiste ce fameux mausolée.
Le tombeau d'Ève est à un quart de mille environ au
nord de Djeddah, à quelques pas de la caserne con-
struite par Méhemet-Aly hors de la porte de Médine.
C'est un grand enclos de 150 mètres carrés environ,
entouré d'un mur d'enceinte et dans lequel on pénètre
par trois portes. Dans le centre, et orienté nord et sud,
est le tombeau proprement dit. Deux petits murs pa-
rallèles de 6 pieds de haut, séparés entre eux par un
espace de 4 à 5 mètres et long de 185 pas, marquent
les limites de cette gigantesque sépulture. Une petite
colonne de pierre peinte en vert et recouverte d'une
inscription arabe, haute de 5 pieds, ainsi que trois
jeunes pousses de dattiers dont les palmes retombant
vers le sol murmurent tristement au souffle du vent
chaud du désert, indiquent la place où repose la tête,
tournée du côté de la Mecque. Un bâtisse plus élevée
que les deux petits murs parallèles dont je viens de
parler et auxquels elle se relie, entoure cet endroit do
trois côtés et ne permet au visiteur d'y jeter un curieux
ou pieux regard qu'à travers les barreaux de fer de
trois hautes fenêtres.
Dans l'espace compris entre les deux petits murs et
à la place présumée du sol de Oumena Haoua, on re-
marque la tombe de Osman-Pacha, ancien gouverneur
général du Hedjaz, et celle de son neveu. Sans doute,
la famille dut acheter par de riches offrandes cet hon-
neur insigne de faire reposer ces deux Osmanlis sur le
sein de la mère du genre humain. Ces sépultures
particulières, ainsi que plusieurs autres disséminées
dans la vaste enceinte du cimetière, sont revêtues de
plaques de marbre blanc assez artistement fouillées,
recouvertes d'inscriptions arabes ou turques, et, con-
rairement à l'usage, fort élevées au-dessus du sol. Je
citerai entre autres les tombeaux de la fille et de la
petite-fille de Kamil-Pacha, autrefois gouverneur gé-
néral de la province, qu'entoure une haute grille en
fer au dedans de laquelle poussent au pied des deux
monuments quelques arbrisseaux et plantes grim-
pantes ; celui de la sœur d'Abbas-Pacha, naguère vice.
roi d'Egypte ; ceux, enfin, de quelques personnages de
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en pierre froide de l'une de ces tombes figure parfai-
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