Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1860-09-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 septembre 1860 15 septembre 1860
Description : 1860/09/15 (A5,N102). 1860/09/15 (A5,N102).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6529968f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
300 L'ISTHME DE SUEZ,
de Borj-Saffita, ils convoquèrent secrètement les chré-
tiens eux-mêmes, leur dénoncèrent le plan du gouver-
neur, et prirent spontanément l'engagement de les dé-
fendre, en ajoutant: a Chaque goutte de votre sang qui
» sera versée, c'est comme une jarre du nôtre! »
» Tel était le prestige de terreur qui protégeait ce
Mohamed-bey-Sok'ân, que les chrétiens du pays n'a_
vaient même pas osé dénoncer le fait, et c'est en quel-
que sorte par hasard qu'il est parvenu à la connaissance
de notre consul général, lequel a porté plainte au nou-
veau pacha. Ordre a été aussitôt expédié pour que Mo-
hamed-bey-Sok'ân, déjà destitué pour concussion et qui
attendait son jugement à Tripoli, fût dirigé sur Bey-
routh, où aura lieu un supplément d'instruction.
» Je passe aux nouvelles de la montagne.
Il Il y a dix ou douze jours, les populations druses
accueillaient l'annonce du débarquement des premières
troupes françaises par cette gasconnade orientale :
« Plus il viendra de Français, tant mieux ; leurs cha-
» peaux nous serviront pour cueillir nos olives. » La
réflexion a promptement calmé ces élans de vanterie,
et les Druses prévoient déjà très-sérieusement l'hypo-
thèse où ils n'auraient même pas le temps d'attendre
la récolte des olives. Les principaux expédient leurs
effets les plus précieux sur le Hauran, canton presque
inaccessible, qui fut de tout temps le refugium peccatorum
de leur race, et s'ils restent eux-mêmes encore dans le
pays, ce n'est pas qu'ils veuillent, ainsi que le bruit en
avait couru, tenter un suprême effort de résistance et
partir sur un coup d'éclat; c'est, au contraire, pour
tenter les voies de la conciliation.
Il Saïd-el-Jumblad, le plus puissant, le plus rusé, le
plus riche, et, par ces trois raisons, le plus compromis
des chefs druses, déploie en ce moment une activité de
vieux plaideur pour réunir une série de documents plus
ou moins authentiques, au moyen desquels il se fait fort
de prouver que la responsabilité des massacres doit re-
tomber sur les Turcs et sur les Grecs orthodoxes.
» D'après son système de défense, les Grecs orho-
doxes auraient provoqué ces massacres par leur attitude
menaçante, et les Turcs les auraient directement or-
donnés. Saïd-el-Jumblad exhibe, en outre, aux amis
qui vont le visiter, une liasse de certificats d'humanité
et de générosité que lui ont délivrés certains chrétiens,
les uns parce qu'ils avaient le couteau à la gorge, les
autres parce qu'ils ont eu réellement à se louer de l'ha-
bile chef, soit que celui-ci ait voulu sincèrement les
protéger, soit qu'il n'ait visé qu'à se ménager pour l'a-
venir quelques témoins à décharge.
» Saïd-el-Jumblad soutient aussi avec beaucoup de
chaleur que les siens ne sont responsables ni des atten-
tats commis sur les femmes chrétiennes, ni même du
pillage proprement dit. Il est de fait qu'au milieu de
ces scènes d'horreur, les Druses ont manifesté un cer-
tain respect pour les femmes, et qu'à Der el-Camar
comme à Hasbeya, neuf viols sur dix ont été commis
par les Turcs et les Bédouins.
D Il y a même quelque chose de fondé dans la seconde
prétention de Saïd-el-Jumblad. Les Druses, qui sont les
plus formalistes des Orientaux, et qui, sur les trois ou
quatre préceptes de morale dans lesquels leur religion
se résume, en ont un pour recommander la discrétion,
les Druses, disons-nous, n'ont pas procédé brutalement
au pillage. Peu d'heures avant le massacre, ils en-
traient à titre de simples visiteurs, mais au nombre de
trente à quarante , chez les riches chrétiens, échan-
geaient avec eux les formules de la politesse locale,
embouchaient le narghilé et humaient le café qui leur
étaient offerts, se félicitaient de voir renaître l'amitié
entre chrétiens et Druses, et revendiquaient aussitôt
les droits de l'amitié par des interpellations comme
celles ci : — Tu as là un beau tapis; il coûte au moins
trois mille piastres ? — Tu l'as dit, répondait le chrétien
— Eh bien! cède-le-moi pour ce prix; je réglerai plus
tard. Un autre reprenait : — Ta femme a là de magni-
fiques diamants., des étoiles sur une étoile ; mais
cela doit coûter cher? — C'est de moindre valeur que
tu ne crois , reprenait l'hôte en essayant de garder
contenance ; celui du milieu est faux; cela ne vaut que
tant. — Mais c'est vraiment pour rien; je le prends;
ma femme m'en demandait justement de pareils. Ainsi
de suite : meubles précieux et joyaux y passaient à la
file, sans que le propriétaire, pris au dépourvu par des
amis si nombreux, et d'ailleurs armés jusqu'aux dents,
essayât même de protester. Ce n'est qu'au fort des hor-
ribles scènes qui suivirent que les Druses se sont joints
à la plèbe des pillards.
» Voici, en revanche, un nouveau fait à la charge
de l'autorité militaire turque. Le colonel Noury-Bey
passait pour avoir favorisé par son abstention les scènes
d'assassinat et de dévastation de Zahlè, mais on refu-
sait de croire à cette assertion des habitants : que son
régiment s'était joint aux incendiaires, aux pillards et
aux massacreurs. Le colonel Noury-Bey avait, en effet,
mis une certaine affectation à se tenir à plusieurs
heures de marche du point qu'il avait mission de pro-
téger ; mais, aujourd'hui, sa complicité ne parait plus
douteuse. Quelques anciens habitants de Zahlè étant
retournés sur les lieux pour relever leurs maisons, ont
trouvé, dans les décombres d'une de ces maisons, une
dizaine de boulets que, vérification faite, l'artillerie de
Noury-Bey peut seule y avoir jetés.
» P.S. On me prie d'annoncer qu'une correspondance
expédiée d'ici, il y a deux ou trois jours, sur Cons-
tantinople, parlait d'un nouveau massacre de chrétiens
qui aurait eu lieu aux environs de Damas, comme con-
trecoup des exécutions ordonnéesjpar Fuad-Pacha. Ce
fait, qui serait de nature à causer en Europe une émo-
tion profonde, est heureusement démenti par le cor-
respondant lui-même, dont la bonne foi avait été sur-
prise par diverses lettres particulières qui signalaient
les massacres dont il s'agit, en omettant d'ajouter
qu'ils étaient antérieurs, non-seulement aux dernières
exécutions, mais même à l'arrivée de Fuad-Pacha.
» Pour extrait : J. MATHIAS »
de Borj-Saffita, ils convoquèrent secrètement les chré-
tiens eux-mêmes, leur dénoncèrent le plan du gouver-
neur, et prirent spontanément l'engagement de les dé-
fendre, en ajoutant: a Chaque goutte de votre sang qui
» sera versée, c'est comme une jarre du nôtre! »
» Tel était le prestige de terreur qui protégeait ce
Mohamed-bey-Sok'ân, que les chrétiens du pays n'a_
vaient même pas osé dénoncer le fait, et c'est en quel-
que sorte par hasard qu'il est parvenu à la connaissance
de notre consul général, lequel a porté plainte au nou-
veau pacha. Ordre a été aussitôt expédié pour que Mo-
hamed-bey-Sok'ân, déjà destitué pour concussion et qui
attendait son jugement à Tripoli, fût dirigé sur Bey-
routh, où aura lieu un supplément d'instruction.
» Je passe aux nouvelles de la montagne.
Il Il y a dix ou douze jours, les populations druses
accueillaient l'annonce du débarquement des premières
troupes françaises par cette gasconnade orientale :
« Plus il viendra de Français, tant mieux ; leurs cha-
» peaux nous serviront pour cueillir nos olives. » La
réflexion a promptement calmé ces élans de vanterie,
et les Druses prévoient déjà très-sérieusement l'hypo-
thèse où ils n'auraient même pas le temps d'attendre
la récolte des olives. Les principaux expédient leurs
effets les plus précieux sur le Hauran, canton presque
inaccessible, qui fut de tout temps le refugium peccatorum
de leur race, et s'ils restent eux-mêmes encore dans le
pays, ce n'est pas qu'ils veuillent, ainsi que le bruit en
avait couru, tenter un suprême effort de résistance et
partir sur un coup d'éclat; c'est, au contraire, pour
tenter les voies de la conciliation.
Il Saïd-el-Jumblad, le plus puissant, le plus rusé, le
plus riche, et, par ces trois raisons, le plus compromis
des chefs druses, déploie en ce moment une activité de
vieux plaideur pour réunir une série de documents plus
ou moins authentiques, au moyen desquels il se fait fort
de prouver que la responsabilité des massacres doit re-
tomber sur les Turcs et sur les Grecs orthodoxes.
» D'après son système de défense, les Grecs orho-
doxes auraient provoqué ces massacres par leur attitude
menaçante, et les Turcs les auraient directement or-
donnés. Saïd-el-Jumblad exhibe, en outre, aux amis
qui vont le visiter, une liasse de certificats d'humanité
et de générosité que lui ont délivrés certains chrétiens,
les uns parce qu'ils avaient le couteau à la gorge, les
autres parce qu'ils ont eu réellement à se louer de l'ha-
bile chef, soit que celui-ci ait voulu sincèrement les
protéger, soit qu'il n'ait visé qu'à se ménager pour l'a-
venir quelques témoins à décharge.
» Saïd-el-Jumblad soutient aussi avec beaucoup de
chaleur que les siens ne sont responsables ni des atten-
tats commis sur les femmes chrétiennes, ni même du
pillage proprement dit. Il est de fait qu'au milieu de
ces scènes d'horreur, les Druses ont manifesté un cer-
tain respect pour les femmes, et qu'à Der el-Camar
comme à Hasbeya, neuf viols sur dix ont été commis
par les Turcs et les Bédouins.
D Il y a même quelque chose de fondé dans la seconde
prétention de Saïd-el-Jumblad. Les Druses, qui sont les
plus formalistes des Orientaux, et qui, sur les trois ou
quatre préceptes de morale dans lesquels leur religion
se résume, en ont un pour recommander la discrétion,
les Druses, disons-nous, n'ont pas procédé brutalement
au pillage. Peu d'heures avant le massacre, ils en-
traient à titre de simples visiteurs, mais au nombre de
trente à quarante , chez les riches chrétiens, échan-
geaient avec eux les formules de la politesse locale,
embouchaient le narghilé et humaient le café qui leur
étaient offerts, se félicitaient de voir renaître l'amitié
entre chrétiens et Druses, et revendiquaient aussitôt
les droits de l'amitié par des interpellations comme
celles ci : — Tu as là un beau tapis; il coûte au moins
trois mille piastres ? — Tu l'as dit, répondait le chrétien
— Eh bien! cède-le-moi pour ce prix; je réglerai plus
tard. Un autre reprenait : — Ta femme a là de magni-
fiques diamants., des étoiles sur une étoile ; mais
cela doit coûter cher? — C'est de moindre valeur que
tu ne crois , reprenait l'hôte en essayant de garder
contenance ; celui du milieu est faux; cela ne vaut que
tant. — Mais c'est vraiment pour rien; je le prends;
ma femme m'en demandait justement de pareils. Ainsi
de suite : meubles précieux et joyaux y passaient à la
file, sans que le propriétaire, pris au dépourvu par des
amis si nombreux, et d'ailleurs armés jusqu'aux dents,
essayât même de protester. Ce n'est qu'au fort des hor-
ribles scènes qui suivirent que les Druses se sont joints
à la plèbe des pillards.
» Voici, en revanche, un nouveau fait à la charge
de l'autorité militaire turque. Le colonel Noury-Bey
passait pour avoir favorisé par son abstention les scènes
d'assassinat et de dévastation de Zahlè, mais on refu-
sait de croire à cette assertion des habitants : que son
régiment s'était joint aux incendiaires, aux pillards et
aux massacreurs. Le colonel Noury-Bey avait, en effet,
mis une certaine affectation à se tenir à plusieurs
heures de marche du point qu'il avait mission de pro-
téger ; mais, aujourd'hui, sa complicité ne parait plus
douteuse. Quelques anciens habitants de Zahlè étant
retournés sur les lieux pour relever leurs maisons, ont
trouvé, dans les décombres d'une de ces maisons, une
dizaine de boulets que, vérification faite, l'artillerie de
Noury-Bey peut seule y avoir jetés.
» P.S. On me prie d'annoncer qu'une correspondance
expédiée d'ici, il y a deux ou trois jours, sur Cons-
tantinople, parlait d'un nouveau massacre de chrétiens
qui aurait eu lieu aux environs de Damas, comme con-
trecoup des exécutions ordonnéesjpar Fuad-Pacha. Ce
fait, qui serait de nature à causer en Europe une émo-
tion profonde, est heureusement démenti par le cor-
respondant lui-même, dont la bonne foi avait été sur-
prise par diverses lettres particulières qui signalaient
les massacres dont il s'agit, en omettant d'ajouter
qu'ils étaient antérieurs, non-seulement aux dernières
exécutions, mais même à l'arrivée de Fuad-Pacha.
» Pour extrait : J. MATHIAS »
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