Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1860-04-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 avril 1860 01 avril 1860
Description : 1860/04/01 (A5,N91). 1860/04/01 (A5,N91).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6529957n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
104 L'ISTHME DE SUEZ,
nouvelles, apportées par des étrangers venus du bout
du monde et dont on ne connaît pas le pays?
» Je crois que bien des siècles s'écouleront avant
qu'on obtienne par une méthode semblable la régéné-
ration de la nation chinoise. Je ne vous dis rien de
l'influence que peuvent exercer sur mes compatriotes
quelques marchands européens disséminés dans les
ports de la Chine. Ces hommes, qui assurément n'ont
pas la prétention de se donner le rôle de civilisateurs,
sont bien plus occupés de l'écoulement de leurs mar-
chandises que de la circulation des idées. Ils s'intéres-
sent assez médiocrement à ce que les Chinois peuvent
penser sur tel point de droit, de morale ou de doctrine ;
ce qui leur importe, c'est qu'on leur achète le plus pos-
sible de draps, de cotonnades et d'opium, et que les
paiements surtout se fassent régulièrement aux jours
d'échéance. Les préjugés chinois ne les offusquent et ne
les blessent qu'autant qu'ils sont un obstacle à la vente.
Ainsi il est absurde et ridicule de voir des hommes
s'obstiner à fabriquer niaisement avec du riz des bois-
sons fermentées, alors qu'ils pourraient acheter des vins
exquis si savamment manipulés par des procédés chi-
miques. Quelle horreur de voir deux cents millions de
femmes se mutiler les pieds, et quelle perte pour la fa-
brication de chaussures anglaises!
) Je ne disconviens pas que les relations commer-
ciales, pour si matérielles qu'elles soient, ne puissent
pas, à la longue, produire quelques légères infiltrations
d'idées européennes dans certaines couches de la société.
Mais tout cela, soyez-en bien convaincu, ne saurait
aller loin ni modifier sensiblement la civilisation chi-
noise. Ce que je souhaite à mon pays, c'est une régé-
nération profonde et permanente. Or, à cette grande
chose, il faut un grand moyen, et ce grand moyen est
le percement de l'isthme de Suez.
« On se représente habituellement les Chinois
comme parqués et immobilisés dans leur empire, en-
tourés d'une grande muraille qu'ils ne peuvent et ne
veuillent jamais franchir. Rien n'est plus erroné qu'une
semblable opinion. Les Chinois, au contraire, sont
passionnés pour les voyages ; il y a en eux une sorte
de principe locomoteur qui les pousse sans cesse à
quitter leur pays pour s'en aller ailleurs faire fortune.
Est-ce qu'on n'a pas entendu parler de ces émigra-
tions innombrables qui, dans peu d'années, ont fini
par encombrer les Philippines, les îles de la Sonde, la
Malaisie, la Californie et tant d'autres contrées? Les
Chinois se répandraient également, je n'en doute pas,
par caravanes nombreuses dans tous les royaumes de
l'Europe, s'ils n'avaient pas à faire, en doublant le
cap de Bonne-Espérance, une navigation si longue, si
périlleuse et en même temps si peu lucrative. Le
cabotage est bien plus dans leurs goûts et dans leurs
habitudes que les voyages au longueurs. Il faut voir
dans les fleuves, dans les canaux, dans les lacs et sur
les côtes de la Chine cette quantité prodigieuse de
jonques dont l'activité est vraiment inimaginable.
Qu'on perce l'isthme de Suez ; qu'on réalise ce magni-
fique projet dont les savants de la France ont pris
l'initiative, et les Chinois se lanceront alors avec
enpressement dans cette nouvelle voie de commu-
nications. Leurs jonques pouvant se livrer au trafic
tout en côtoyant les mers, se rendront facilement et en
grand nombre dans tous les ports de l'Europe.
» Il me semble qu'on peut entrevoir sans peine les
résultats de ces fréquentes relations. Les Chinois,
trouvant au milieu des populations de l'Occident un
bon accueil, une protection franche et de grandes fa-
cilités pour le commerce, ne manqueraient pas de faire
en Europe de longs séjouvs Plongés dans la civilisa-
tion chrétienne, ils se pénétreraient insensiblement de
vos sentiments, de vos idées, de vos principes ; à force
de comparer la société européenne avec la société chi-
noise, i's modifieraient leurs mœurs, réformeraient
leurs préjugés, et prendraient des opinions plus en
harmonie avec vos manières de sentir et de juger.
Lorsqu'il retourneraient dans le Céleste Empire, ils ra-
conteraient les mœurs, les croyances et l'organisation
politique des nations européennes; ils se feraient au-
près de leurs compatriotes les apôtres d'idées nou-
velles. Ainsi on verrait s'établir par le canal de Suez
un rapide courant de civilisation ; des germes de chris-
tianisme seraient répandus en abondance sur le vieux
sol de l'Asie, et on ne tarderait pas à remarquer une
merveilleuse transformation au milieu de ces peuples
demeurés si longtemps étrangers au mouvement qui
parait emporter le monde vers de meilleures des-
tinées.
t Assurément, je ne veux pas faire le prophète ; ce
serait trop prétentieux. Mais vous comprenez avec
quelle facilité s'accomplirait cette régénération du Cé-
leste Empire, lorsque la propagande des doctrines de
l'Occident sera faite par les Chinois eux-mêmes. Cette
manière n'aurait rien de blessant pour l'amour-propre
de mes compatriotes ; il n'y aurait plus aucun prétexte
à la défiance et à la crainte d'un envahissement. Ce ne
seraient plus des étrangers venant nous dire avec pé-
danterie : Vous êtes des ignorants et des barbares ; si
vous voulez compter au nombre des peuples civilisés,
il faut vous modeler sur nous; il vous faut penser,
sentir et agir comme on agit, comme on sent et comme
on pense en Europe. Ce seraient au contraire les
Chinois qui diraient aux Chinois : Nous avons traversé
les mers et nous avons rencontré des nations qui nous
supérieures ; imitons-les !
Il Et pourquoi, je vous le demande, cette grande ré-
volution de l'extrême Orient ne s'accomplirait-elle pas
comme je vous le dis ? Pourquoi ne percerait-on pas
l'isthme de Suez? Pourquoi la génération actuelle de
l'Europe ne voudrait-elle pas se rendre à jamais célèbre
par l'exécution de cette œuvre gigantesque? Depuis que
le génie et l'activité des Occidentaux a recouvert l'Eu-
rope d'un immense réseau de chemins de fer, la navi-
gation à vapeur doit être considérée comme un prolon-
gement des lignes ferrées. Dès lors les isthmes nepeuvent
plus demeurer fermés et arrêter la rapide communica-
tion des continents.
» Les Anglais s'opposent, dit-on, au percement de
l'isthme de Suez. Pensez-vous que cela soit possible? Si
cette opposition est réelle, il faut donc croire à tout ce
qu'on raconte de la jalousie et de l'égoïsme de l'Angle-
terre. Si cette opposition est capable d'annuler les
nouvelles, apportées par des étrangers venus du bout
du monde et dont on ne connaît pas le pays?
» Je crois que bien des siècles s'écouleront avant
qu'on obtienne par une méthode semblable la régéné-
ration de la nation chinoise. Je ne vous dis rien de
l'influence que peuvent exercer sur mes compatriotes
quelques marchands européens disséminés dans les
ports de la Chine. Ces hommes, qui assurément n'ont
pas la prétention de se donner le rôle de civilisateurs,
sont bien plus occupés de l'écoulement de leurs mar-
chandises que de la circulation des idées. Ils s'intéres-
sent assez médiocrement à ce que les Chinois peuvent
penser sur tel point de droit, de morale ou de doctrine ;
ce qui leur importe, c'est qu'on leur achète le plus pos-
sible de draps, de cotonnades et d'opium, et que les
paiements surtout se fassent régulièrement aux jours
d'échéance. Les préjugés chinois ne les offusquent et ne
les blessent qu'autant qu'ils sont un obstacle à la vente.
Ainsi il est absurde et ridicule de voir des hommes
s'obstiner à fabriquer niaisement avec du riz des bois-
sons fermentées, alors qu'ils pourraient acheter des vins
exquis si savamment manipulés par des procédés chi-
miques. Quelle horreur de voir deux cents millions de
femmes se mutiler les pieds, et quelle perte pour la fa-
brication de chaussures anglaises!
) Je ne disconviens pas que les relations commer-
ciales, pour si matérielles qu'elles soient, ne puissent
pas, à la longue, produire quelques légères infiltrations
d'idées européennes dans certaines couches de la société.
Mais tout cela, soyez-en bien convaincu, ne saurait
aller loin ni modifier sensiblement la civilisation chi-
noise. Ce que je souhaite à mon pays, c'est une régé-
nération profonde et permanente. Or, à cette grande
chose, il faut un grand moyen, et ce grand moyen est
le percement de l'isthme de Suez.
« On se représente habituellement les Chinois
comme parqués et immobilisés dans leur empire, en-
tourés d'une grande muraille qu'ils ne peuvent et ne
veuillent jamais franchir. Rien n'est plus erroné qu'une
semblable opinion. Les Chinois, au contraire, sont
passionnés pour les voyages ; il y a en eux une sorte
de principe locomoteur qui les pousse sans cesse à
quitter leur pays pour s'en aller ailleurs faire fortune.
Est-ce qu'on n'a pas entendu parler de ces émigra-
tions innombrables qui, dans peu d'années, ont fini
par encombrer les Philippines, les îles de la Sonde, la
Malaisie, la Californie et tant d'autres contrées? Les
Chinois se répandraient également, je n'en doute pas,
par caravanes nombreuses dans tous les royaumes de
l'Europe, s'ils n'avaient pas à faire, en doublant le
cap de Bonne-Espérance, une navigation si longue, si
périlleuse et en même temps si peu lucrative. Le
cabotage est bien plus dans leurs goûts et dans leurs
habitudes que les voyages au longueurs. Il faut voir
dans les fleuves, dans les canaux, dans les lacs et sur
les côtes de la Chine cette quantité prodigieuse de
jonques dont l'activité est vraiment inimaginable.
Qu'on perce l'isthme de Suez ; qu'on réalise ce magni-
fique projet dont les savants de la France ont pris
l'initiative, et les Chinois se lanceront alors avec
enpressement dans cette nouvelle voie de commu-
nications. Leurs jonques pouvant se livrer au trafic
tout en côtoyant les mers, se rendront facilement et en
grand nombre dans tous les ports de l'Europe.
» Il me semble qu'on peut entrevoir sans peine les
résultats de ces fréquentes relations. Les Chinois,
trouvant au milieu des populations de l'Occident un
bon accueil, une protection franche et de grandes fa-
cilités pour le commerce, ne manqueraient pas de faire
en Europe de longs séjouvs Plongés dans la civilisa-
tion chrétienne, ils se pénétreraient insensiblement de
vos sentiments, de vos idées, de vos principes ; à force
de comparer la société européenne avec la société chi-
noise, i's modifieraient leurs mœurs, réformeraient
leurs préjugés, et prendraient des opinions plus en
harmonie avec vos manières de sentir et de juger.
Lorsqu'il retourneraient dans le Céleste Empire, ils ra-
conteraient les mœurs, les croyances et l'organisation
politique des nations européennes; ils se feraient au-
près de leurs compatriotes les apôtres d'idées nou-
velles. Ainsi on verrait s'établir par le canal de Suez
un rapide courant de civilisation ; des germes de chris-
tianisme seraient répandus en abondance sur le vieux
sol de l'Asie, et on ne tarderait pas à remarquer une
merveilleuse transformation au milieu de ces peuples
demeurés si longtemps étrangers au mouvement qui
parait emporter le monde vers de meilleures des-
tinées.
t Assurément, je ne veux pas faire le prophète ; ce
serait trop prétentieux. Mais vous comprenez avec
quelle facilité s'accomplirait cette régénération du Cé-
leste Empire, lorsque la propagande des doctrines de
l'Occident sera faite par les Chinois eux-mêmes. Cette
manière n'aurait rien de blessant pour l'amour-propre
de mes compatriotes ; il n'y aurait plus aucun prétexte
à la défiance et à la crainte d'un envahissement. Ce ne
seraient plus des étrangers venant nous dire avec pé-
danterie : Vous êtes des ignorants et des barbares ; si
vous voulez compter au nombre des peuples civilisés,
il faut vous modeler sur nous; il vous faut penser,
sentir et agir comme on agit, comme on sent et comme
on pense en Europe. Ce seraient au contraire les
Chinois qui diraient aux Chinois : Nous avons traversé
les mers et nous avons rencontré des nations qui nous
supérieures ; imitons-les !
Il Et pourquoi, je vous le demande, cette grande ré-
volution de l'extrême Orient ne s'accomplirait-elle pas
comme je vous le dis ? Pourquoi ne percerait-on pas
l'isthme de Suez? Pourquoi la génération actuelle de
l'Europe ne voudrait-elle pas se rendre à jamais célèbre
par l'exécution de cette œuvre gigantesque? Depuis que
le génie et l'activité des Occidentaux a recouvert l'Eu-
rope d'un immense réseau de chemins de fer, la navi-
gation à vapeur doit être considérée comme un prolon-
gement des lignes ferrées. Dès lors les isthmes nepeuvent
plus demeurer fermés et arrêter la rapide communica-
tion des continents.
» Les Anglais s'opposent, dit-on, au percement de
l'isthme de Suez. Pensez-vous que cela soit possible? Si
cette opposition est réelle, il faut donc croire à tout ce
qu'on raconte de la jalousie et de l'égoïsme de l'Angle-
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