Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1860-01-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 janvier 1860 15 janvier 1860
Description : 1860/01/15 (A5,N86). 1860/01/15 (A5,N86).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6529952k
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 23
destinées. Le rêve de Napoléon 1er, qu'on n'a jamais
permis à la France de réaliser par invasion ou agres-
sion ouverte, le serait pour Napoléon III d'une manière
plus tortueuse et plus respectable, à l'aide de M. de
Lesseps. Telle est l'opinion au moins de quelques-uns
de nos hommes d'Etat et d'un de nos confrères. Citons
ses paroles :
« Commercialement le canal de Suez ne signifie rien
» que la ruine et la confusion des dupes de M. de Les-
» seps ; mais politiquement ce projet, du moment qu'il
» aura obtenu la sanction du sultan, signifiera la réa-
» lisation de ces desseins ambitieux sur l'Egypte qui, à
>■ différentes époques de la monarchie française, ont
» été renouvelés avec persistance, desseins conçus non
« pour la première fois lorsque le fondateur de la dy-
» nastie actuelle guida ses soldats en Orient, pas plus
» qu'ils ne furent totalement abandonnés lorsque les
» fines trames ourdies par les intrigues diplomatiques
» et l'astuce de M. Thiers furent mises si impitoyable-
» ment en pièces par lord Palmerston, il y adix-neufans.
» Qu'il s'agisse de nos intérêts et que nous entendions
» les défendre fermement, c'est la pure vérité ; mais il
» n'est pas moins vrai que les intérêts que nous défen-
» dons sont, bien considérés, ceux des États indépen-
Il dants, ceux du droit international, ceux de la mora-
» lité internationale, nous n'hésitons pas même à ajouter
» ceux de la civilisation européenne. Le projet du canal
» de Suez se présente à nous sous le même jour qu'une
» saisie flibustière de Cuba par les États-Unis, ou qu'une
Il autre occupation russe des provinces danubiennes.
» Juste comme nous nous opposerions à toute tentative
» de "cette espèce, indépendamment de nos intérêts dans
» les Indes occidentales ou dans la mer Noire ; juste
» comme nous nous sentirions autorisés de protester, de
» résister contre de semblables tentatives et de les en-
» traver et déjouer si c'était en notre pouvoir : de même
» nous nous opposons à l'exécution du projet du canal
» de Suez. Ce peut être de l'égoïsme ; mais s'il en est
» ainsi, tout ce que nous pouvons dire, c'est qu'en po-
» litique nationale comme en conduite individuelle, le
Il véritable amour de soi et l'amour social sont la même
Il chose; c'est l'égoïsme d'Élisabeth, de Cromwell, de
» Guillaume III et de Chatham ; c'est l'égoïsme qui a eu
» pour résultat l'accroissement du bonheur et de l'indé-
» pendance de toute la famille européenne. »
# La grande importance attachée à cette concession en
faveur d'une Compagnie principalement française est,
nous le supposons, fondée sur les droits territoriaux et
le droit de se fortifier sur la ligne du canal, auxquels pré-
tend la Compagnie ; on en conclut que ce serait un re-
tranchement pour l'emploi des troupes françaises et
l'extension graduelle de la puissance française. On fait
observer de plus qu'il serait inconséquent aussi bien que
déloyal de permettre que la Turquie fût maîtrisée au-
jourd'hui par la pression tyrannique des autres puis-
sances étrangères, lorsque nous avons fait la guerre
pour la défendre d'une semblable pression en 1854.
Or, quant à ce dernier point, il est digne de remarquer
qu'il y a une entière différence entre soutenir la Turquie
dans un refus qui serait parfaitement spontané et résolu
de sa part, ou d'arracher d'elle, au profit de l'Angle-
terre, l'engagement qu'elle opposerait ce refus. La pre-
mière de ces positions serait défendre un allié dans le
plein exercice de sa prérogative ; la seconde, c'est lui
appliquer exactement, dans un sens opposé, la même
espèce de pression que nous reprochons à la France
d'exercer. S'il est contraire aux principes de demander
l'assentiment de la Turquie à un projet de cette sorte,
il est également illégitime de lui demander son veto
sur ce projet. Si la crise de la semaine dernière, à
Constantinople, a été rapportée véritablement dans les
journaux : « Fuad Pacha confessa qu'il avait pris,
» envers l'Angleterre, l'engagement formel de refuser
» l'autorisation au projet du canal. » Est-ce là ce qu'en-
tend notre confrère par soutenir un allié dans l'exer-
cice de son .libre arbitre et de sa juste prérogative.
N'est ce pas plutôt une tentative de notre part pour
limiter cette prérogative, conformément à nos desseins,
juste comme la France essaie de la limiter dans la me-
sure des siens.
» Sur l'autre point, quelle que soit la légitimité de
l'objection présentée par la Turquie ou l'Angleterre au
projet tel qu'il est maintenant, accordant absolument
un territoire et le droit de fortifier ce territoire à une
Compagnie principalement française, objection fort na-
turelle , nous ne voyons point pourtant qu'elle doive
le moins du monde impliquer une politique irréconci-
liablement hostile à l'égard du projet lui-même. Pour-
quoi sont faits les diplomates, si ce n'est pour établir
les distinctions, pour reconnaître la justice de ce qui
est juste, et repousser seulement les injustes éléments
des demandes qu'ils examinent ? Il y a, certes, matière
à des négociations et à des conditions spéciales dans la
question de savoir jusqu'à quel point la Compagnie de
Suez, en recevant la permission d'exécuter son projet,
pourrait, en même temps, posséder des priviléges mili-
taires. Il est possible de prendre des garanties contre
l'abus de ces pouvoirs ; il est possible de supprimer tout
pouvoir qui serait susceptible d'abus, et si c'était tout ce
que l'Angleterre demandait, elle aurait une cause si évi-
demment juste qu'il serait impossible de résister à ses
réclamations. Si, au lieu d'extorquer des promesses gé-
nérales et d'opposer une résistance absolue à cette fan-
taisie du gouvernement français, l'Angleterre soutenait
simplement la Porte dans sa demande de telles condi-
tions rigoureuses quant aux droits militaires, ou de
telles garanties collectives de la part de toutes les
grandes puissances, qu'elles fussent capables de préve-
nir toute expansion des droits de la Compagnie du ca-
nal en intervention d'un État souverain, personne ne
pourrait lui résister ! Mais combien il est pervers et
maladroit d'engager la discussion sur la question gé-
nérale du canal, au lieu de la placer sur la question
spéciale des limites du pouvoir militaire, si elle en a,
que la Compagnie sera autorisée à exercer. Est-ce le
premier cas dans lequel une Compagnie étrangère au-
rait obtenu une concession de terres du gouvernement
ottoman pour un semblable but? N'y a t-il pas en ce
moment une Compagnie anglaise travaillant activement
à construire un chemin de fer entre Smyrne et Aïdin,
et un autre entre le Danube et le port de Kustendjé ?
A-t-on considéré dans l'un et l'autre cas, qu'une con
destinées. Le rêve de Napoléon 1er, qu'on n'a jamais
permis à la France de réaliser par invasion ou agres-
sion ouverte, le serait pour Napoléon III d'une manière
plus tortueuse et plus respectable, à l'aide de M. de
Lesseps. Telle est l'opinion au moins de quelques-uns
de nos hommes d'Etat et d'un de nos confrères. Citons
ses paroles :
« Commercialement le canal de Suez ne signifie rien
» que la ruine et la confusion des dupes de M. de Les-
» seps ; mais politiquement ce projet, du moment qu'il
» aura obtenu la sanction du sultan, signifiera la réa-
» lisation de ces desseins ambitieux sur l'Egypte qui, à
>■ différentes époques de la monarchie française, ont
» été renouvelés avec persistance, desseins conçus non
« pour la première fois lorsque le fondateur de la dy-
» nastie actuelle guida ses soldats en Orient, pas plus
» qu'ils ne furent totalement abandonnés lorsque les
» fines trames ourdies par les intrigues diplomatiques
» et l'astuce de M. Thiers furent mises si impitoyable-
» ment en pièces par lord Palmerston, il y adix-neufans.
» Qu'il s'agisse de nos intérêts et que nous entendions
» les défendre fermement, c'est la pure vérité ; mais il
» n'est pas moins vrai que les intérêts que nous défen-
» dons sont, bien considérés, ceux des États indépen-
Il dants, ceux du droit international, ceux de la mora-
» lité internationale, nous n'hésitons pas même à ajouter
» ceux de la civilisation européenne. Le projet du canal
» de Suez se présente à nous sous le même jour qu'une
» saisie flibustière de Cuba par les États-Unis, ou qu'une
Il autre occupation russe des provinces danubiennes.
» Juste comme nous nous opposerions à toute tentative
» de "cette espèce, indépendamment de nos intérêts dans
» les Indes occidentales ou dans la mer Noire ; juste
» comme nous nous sentirions autorisés de protester, de
» résister contre de semblables tentatives et de les en-
» traver et déjouer si c'était en notre pouvoir : de même
» nous nous opposons à l'exécution du projet du canal
» de Suez. Ce peut être de l'égoïsme ; mais s'il en est
» ainsi, tout ce que nous pouvons dire, c'est qu'en po-
» litique nationale comme en conduite individuelle, le
Il véritable amour de soi et l'amour social sont la même
Il chose; c'est l'égoïsme d'Élisabeth, de Cromwell, de
» Guillaume III et de Chatham ; c'est l'égoïsme qui a eu
» pour résultat l'accroissement du bonheur et de l'indé-
» pendance de toute la famille européenne. »
# La grande importance attachée à cette concession en
faveur d'une Compagnie principalement française est,
nous le supposons, fondée sur les droits territoriaux et
le droit de se fortifier sur la ligne du canal, auxquels pré-
tend la Compagnie ; on en conclut que ce serait un re-
tranchement pour l'emploi des troupes françaises et
l'extension graduelle de la puissance française. On fait
observer de plus qu'il serait inconséquent aussi bien que
déloyal de permettre que la Turquie fût maîtrisée au-
jourd'hui par la pression tyrannique des autres puis-
sances étrangères, lorsque nous avons fait la guerre
pour la défendre d'une semblable pression en 1854.
Or, quant à ce dernier point, il est digne de remarquer
qu'il y a une entière différence entre soutenir la Turquie
dans un refus qui serait parfaitement spontané et résolu
de sa part, ou d'arracher d'elle, au profit de l'Angle-
terre, l'engagement qu'elle opposerait ce refus. La pre-
mière de ces positions serait défendre un allié dans le
plein exercice de sa prérogative ; la seconde, c'est lui
appliquer exactement, dans un sens opposé, la même
espèce de pression que nous reprochons à la France
d'exercer. S'il est contraire aux principes de demander
l'assentiment de la Turquie à un projet de cette sorte,
il est également illégitime de lui demander son veto
sur ce projet. Si la crise de la semaine dernière, à
Constantinople, a été rapportée véritablement dans les
journaux : « Fuad Pacha confessa qu'il avait pris,
» envers l'Angleterre, l'engagement formel de refuser
» l'autorisation au projet du canal. » Est-ce là ce qu'en-
tend notre confrère par soutenir un allié dans l'exer-
cice de son .libre arbitre et de sa juste prérogative.
N'est ce pas plutôt une tentative de notre part pour
limiter cette prérogative, conformément à nos desseins,
juste comme la France essaie de la limiter dans la me-
sure des siens.
» Sur l'autre point, quelle que soit la légitimité de
l'objection présentée par la Turquie ou l'Angleterre au
projet tel qu'il est maintenant, accordant absolument
un territoire et le droit de fortifier ce territoire à une
Compagnie principalement française, objection fort na-
turelle , nous ne voyons point pourtant qu'elle doive
le moins du monde impliquer une politique irréconci-
liablement hostile à l'égard du projet lui-même. Pour-
quoi sont faits les diplomates, si ce n'est pour établir
les distinctions, pour reconnaître la justice de ce qui
est juste, et repousser seulement les injustes éléments
des demandes qu'ils examinent ? Il y a, certes, matière
à des négociations et à des conditions spéciales dans la
question de savoir jusqu'à quel point la Compagnie de
Suez, en recevant la permission d'exécuter son projet,
pourrait, en même temps, posséder des priviléges mili-
taires. Il est possible de prendre des garanties contre
l'abus de ces pouvoirs ; il est possible de supprimer tout
pouvoir qui serait susceptible d'abus, et si c'était tout ce
que l'Angleterre demandait, elle aurait une cause si évi-
demment juste qu'il serait impossible de résister à ses
réclamations. Si, au lieu d'extorquer des promesses gé-
nérales et d'opposer une résistance absolue à cette fan-
taisie du gouvernement français, l'Angleterre soutenait
simplement la Porte dans sa demande de telles condi-
tions rigoureuses quant aux droits militaires, ou de
telles garanties collectives de la part de toutes les
grandes puissances, qu'elles fussent capables de préve-
nir toute expansion des droits de la Compagnie du ca-
nal en intervention d'un État souverain, personne ne
pourrait lui résister ! Mais combien il est pervers et
maladroit d'engager la discussion sur la question gé-
nérale du canal, au lieu de la placer sur la question
spéciale des limites du pouvoir militaire, si elle en a,
que la Compagnie sera autorisée à exercer. Est-ce le
premier cas dans lequel une Compagnie étrangère au-
rait obtenu une concession de terres du gouvernement
ottoman pour un semblable but? N'y a t-il pas en ce
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et un autre entre le Danube et le port de Kustendjé ?
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