Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1864-06-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 juin 1864 15 juin 1864
Description : 1864/06/15 (A9,N192). 1864/06/15 (A9,N192).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203323n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/05/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 275
augmenter en proportion. La population n'est évidemment
pas suffisante pour les terrains que l'on pourrait exploiter,
et par conséquent la main-d'œuvre doit être payée cher.
Mais je crains qu'en plaidant si chaudement la cause des
indigènes, le gouvernement égyptien n'ait surtout en vue
la sienne propre; je crois qu'occupés à la récolte du coton,
ces hommes lui rapporteraient plus qu'ils ne gagnent dans
l'isthme ; je ne sais trop si eux-mêmes en seraient plus
riches.
» C'est un spectacle pittoresque que cette paye au désert.
Les hommes tous accroupis avaient été rangés par groupes
de dix, formant un cercle autour du payeur; en avant de
chaque groupe se tenait le cheik ou personnage principal
de sa petite brigade.
» Le Magasin avance aux ouvriers, contre des bons des
cheiks, tous les vivres dont ils peuvent avoir besoin pen-
dant la durée de leur séjour sur le chantier. Le prix en
est retenu au moment de la paye. Le contingent dont il
s'agit avait pris peu de chose. Les hommes s'étaient sans
doute nourris de provisions apportées par eux ou achetées
directement au village arabe. La dépense totale des deux
cent cinquante-cinq homme? pendant vingt-cinq jours de
travail avait été de 30 fr. à peine, et la somme à toucher
par eux était de 4,1607 fr. 10 c., ou 18 fr. 06. par homme.
» Je retrouve ces chiffres sur une feuille de mon carnet,
sur laquelle je m'étais amusé à faire le calcul en même
temps que le payeur.
» Chacun des groupes reçut par conséquent 180 fr. 60 c.
que Veffendi ou interprète faisait tomber pièce par pièce
dans le manteau d'un des hommes , en comptant à haute
voix et en arabe. La somme était en or anglais, et l'ap-
point en pièces de 20 centimes.
» On voit que toutes les précautions sont prises pour que
la répartition ait lieu honnêtement, et que chaque homme
sache bien ce que son cheik doit lui remettre. Je n'oserais
jurer pourtant que quelques-uns ne soient lésés. Il est mal-
heureusement impossible d'avoir assez de petite monnaie
pour payer individuellement une pareille masse d'hommes;
et il me semble difficile de faire la paye d'une manière plus
simple et plus avantageuse pour tous. »
M. L'ABBÉ GIBON.
Nos correspondances d'Alexandrie nous ont ap-
porté une pénible nouvelle. M. l'abbé Gibon, aumô-
nier de la Compagnie, est mort à Ismaïlia dans les
derniers jours du mois d'avril, des suites d'une an-
cienne maladie pulmonaire.
Depuis plus de deux ans et demi, M. l'abbé Gibon
habitait l'isthme, prodiguant à la colonie européenne
du désert les consolations ou les encouragements.
Vivant de la vie des travailleurs, longtemps sous la
tente comme eux, il avait su non pas seulement faire
respecter son caractère sacré, mais encore se faire
aimer de tous par sa bienveillance, par son indul-
gence, par l'aménité de ses relations. C'est une perte
douloureuse pour la Compagnie, douloureuse surtout
pour tous ceux qui ont connu l'abbé Gibon.
Nous nous serions fait un pieux devoir de reiracer à
grands traits la vie de l'abbé Gibon ; mais cette tâche
vient d'être trop bien remplie par M. le marquis de
Raigecourt, ancien pair de France, et ami personnel
de l'abbé Gibon, pour que nous fassions autre chose
que joindre nos plus sincères regrets à ceux qu'ex-
prime mieux que nous' ne saurions le faire nous-
même M. de Raigecourt, par la lettre que nous pu-
blions ci-dessous.
ERNEST DESPLACES.
« Aix-les-Bains, 2 juin 1864.
» Monsieur le rédacteur,
» Je viens de recevoir à Aix la douloureuse nouvelle de
la mort de mon regrettable ami M. l'abbé Gibon, au-
mônier de la Compagnie dans l'isthme. Vous vous ré-
serviez sans doute de consacrer quelques lignes de re-
grets à ce vaillant soldat du Christ mort sur la brèche.
Permettez-moi donc, quoique je n'aie aucune note sous
les yeux, de vous rappeler quelques détails sur la vie
et particulièrement sur les dernières années de mon
ami.
» Hippolyte Gibon devait avoir soixante-deux on
soixante-trois ans. Élève, à ce que je crois, de l'École
normale, il était entré à l'Université et avait été plu-
sieurs années professeur de philosophie au collége Sta-
nislas. Doué d'une grande activité, d'une prodigieuse
facilité de travail, père d'une nombreuse famille, il
avait dû se procurer pour élever cette famille d'autres
ressources que celles trop médiocres fournies par les
appointements modestes d'un professeur. Il avait en
conséquence accepté l'éducation d'un certain nombre
d'enfants que leurs parents tenaient à faire élever d'une
manière solide et chrétienne. Mon fils était un de ces
jeunes gens privilégiés qui trouvaient réunis chez
M. Gibon tous les avantages de l'éducation de famille
et de l'éducation publique. Mme Gibon et son excellente
sœur, qui s'était entièrement vouée à elle, veillaient
avec un soin tout maternel sur les petits enfants, dont
quelques-uns privés de leur mère trouvaient dans cette
maison tous les soins, toute la tendresse qu'ils au-
raient pu avoir chez leurs parents, tandis que d'un
autre côté ils recevaient une solide instruction , qui
les préparait utilement au baccalauréat et aux écoles
spéciales.
» Au bout de quelques années, M. Gibon, pour se
vouer plus exclusivement à l'éducation de ses élèves,
dont le nombre augmentait, renonça au professorat.
Mais 1848 arriva. Les parents, effrayés, retirèrent leurs
enfants. M. Gibon fut obligé d'aller chercher à l'étran-
ger une existence que la France paraissait lui refuser.
Il accepta une place de professeur à Varsovie. La Pro-
vidence frappait à coups redoublés sur cette existence
que j'avais vue si heureuse et si entourée de considé-
ration. Pendant son séjour a Varsovie, Mme Gibon, ce
modèle des mères de famille, qui était restée à Paris
pour veiller à l'éducation de ses filles, était enlevée à
l'affection de son mari, sans que celui-ci put arriver
pour recevoir son dernier adieu.
augmenter en proportion. La population n'est évidemment
pas suffisante pour les terrains que l'on pourrait exploiter,
et par conséquent la main-d'œuvre doit être payée cher.
Mais je crains qu'en plaidant si chaudement la cause des
indigènes, le gouvernement égyptien n'ait surtout en vue
la sienne propre; je crois qu'occupés à la récolte du coton,
ces hommes lui rapporteraient plus qu'ils ne gagnent dans
l'isthme ; je ne sais trop si eux-mêmes en seraient plus
riches.
» C'est un spectacle pittoresque que cette paye au désert.
Les hommes tous accroupis avaient été rangés par groupes
de dix, formant un cercle autour du payeur; en avant de
chaque groupe se tenait le cheik ou personnage principal
de sa petite brigade.
» Le Magasin avance aux ouvriers, contre des bons des
cheiks, tous les vivres dont ils peuvent avoir besoin pen-
dant la durée de leur séjour sur le chantier. Le prix en
est retenu au moment de la paye. Le contingent dont il
s'agit avait pris peu de chose. Les hommes s'étaient sans
doute nourris de provisions apportées par eux ou achetées
directement au village arabe. La dépense totale des deux
cent cinquante-cinq homme? pendant vingt-cinq jours de
travail avait été de 30 fr. à peine, et la somme à toucher
par eux était de 4,1607 fr. 10 c., ou 18 fr. 06. par homme.
» Je retrouve ces chiffres sur une feuille de mon carnet,
sur laquelle je m'étais amusé à faire le calcul en même
temps que le payeur.
» Chacun des groupes reçut par conséquent 180 fr. 60 c.
que Veffendi ou interprète faisait tomber pièce par pièce
dans le manteau d'un des hommes , en comptant à haute
voix et en arabe. La somme était en or anglais, et l'ap-
point en pièces de 20 centimes.
» On voit que toutes les précautions sont prises pour que
la répartition ait lieu honnêtement, et que chaque homme
sache bien ce que son cheik doit lui remettre. Je n'oserais
jurer pourtant que quelques-uns ne soient lésés. Il est mal-
heureusement impossible d'avoir assez de petite monnaie
pour payer individuellement une pareille masse d'hommes;
et il me semble difficile de faire la paye d'une manière plus
simple et plus avantageuse pour tous. »
M. L'ABBÉ GIBON.
Nos correspondances d'Alexandrie nous ont ap-
porté une pénible nouvelle. M. l'abbé Gibon, aumô-
nier de la Compagnie, est mort à Ismaïlia dans les
derniers jours du mois d'avril, des suites d'une an-
cienne maladie pulmonaire.
Depuis plus de deux ans et demi, M. l'abbé Gibon
habitait l'isthme, prodiguant à la colonie européenne
du désert les consolations ou les encouragements.
Vivant de la vie des travailleurs, longtemps sous la
tente comme eux, il avait su non pas seulement faire
respecter son caractère sacré, mais encore se faire
aimer de tous par sa bienveillance, par son indul-
gence, par l'aménité de ses relations. C'est une perte
douloureuse pour la Compagnie, douloureuse surtout
pour tous ceux qui ont connu l'abbé Gibon.
Nous nous serions fait un pieux devoir de reiracer à
grands traits la vie de l'abbé Gibon ; mais cette tâche
vient d'être trop bien remplie par M. le marquis de
Raigecourt, ancien pair de France, et ami personnel
de l'abbé Gibon, pour que nous fassions autre chose
que joindre nos plus sincères regrets à ceux qu'ex-
prime mieux que nous' ne saurions le faire nous-
même M. de Raigecourt, par la lettre que nous pu-
blions ci-dessous.
ERNEST DESPLACES.
« Aix-les-Bains, 2 juin 1864.
» Monsieur le rédacteur,
» Je viens de recevoir à Aix la douloureuse nouvelle de
la mort de mon regrettable ami M. l'abbé Gibon, au-
mônier de la Compagnie dans l'isthme. Vous vous ré-
serviez sans doute de consacrer quelques lignes de re-
grets à ce vaillant soldat du Christ mort sur la brèche.
Permettez-moi donc, quoique je n'aie aucune note sous
les yeux, de vous rappeler quelques détails sur la vie
et particulièrement sur les dernières années de mon
ami.
» Hippolyte Gibon devait avoir soixante-deux on
soixante-trois ans. Élève, à ce que je crois, de l'École
normale, il était entré à l'Université et avait été plu-
sieurs années professeur de philosophie au collége Sta-
nislas. Doué d'une grande activité, d'une prodigieuse
facilité de travail, père d'une nombreuse famille, il
avait dû se procurer pour élever cette famille d'autres
ressources que celles trop médiocres fournies par les
appointements modestes d'un professeur. Il avait en
conséquence accepté l'éducation d'un certain nombre
d'enfants que leurs parents tenaient à faire élever d'une
manière solide et chrétienne. Mon fils était un de ces
jeunes gens privilégiés qui trouvaient réunis chez
M. Gibon tous les avantages de l'éducation de famille
et de l'éducation publique. Mme Gibon et son excellente
sœur, qui s'était entièrement vouée à elle, veillaient
avec un soin tout maternel sur les petits enfants, dont
quelques-uns privés de leur mère trouvaient dans cette
maison tous les soins, toute la tendresse qu'ils au-
raient pu avoir chez leurs parents, tandis que d'un
autre côté ils recevaient une solide instruction , qui
les préparait utilement au baccalauréat et aux écoles
spéciales.
» Au bout de quelques années, M. Gibon, pour se
vouer plus exclusivement à l'éducation de ses élèves,
dont le nombre augmentait, renonça au professorat.
Mais 1848 arriva. Les parents, effrayés, retirèrent leurs
enfants. M. Gibon fut obligé d'aller chercher à l'étran-
ger une existence que la France paraissait lui refuser.
Il accepta une place de professeur à Varsovie. La Pro-
vidence frappait à coups redoublés sur cette existence
que j'avais vue si heureuse et si entourée de considé-
ration. Pendant son séjour a Varsovie, Mme Gibon, ce
modèle des mères de famille, qui était restée à Paris
pour veiller à l'éducation de ses filles, était enlevée à
l'affection de son mari, sans que celui-ci put arriver
pour recevoir son dernier adieu.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.93%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.93%.
- Collections numériques similaires Thématique : ingénierie, génie civil Thématique : ingénierie, génie civil /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCthèm02"Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp11" Corpus : ports et travaux maritimes Corpus : ports et travaux maritimes /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp16"
- Auteurs similaires Desplaces Ernest Desplaces Ernest /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Desplaces Ernest" or dc.contributor adj "Desplaces Ernest")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 11/16
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6203323n/f11.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6203323n/f11.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6203323n/f11.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6203323n
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6203323n
Facebook
Twitter