Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1864-06-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 juin 1864 01 juin 1864
Description : 1864/06/01 (A9,N191). 1864/06/01 (A9,N191).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62033227
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/05/2012
262 L'ISTHME DE SUEZ,
étions en voyage, on parlait au Caire d'une embus-
cade préparée sur la rive droite, vers le désert de
Korosko; on annonça même la mort du vice-roi et
de tous ceux qui l'accompagnaient, mais le hasard
nous fit heureusement passer de l'autre côté.
A notre retour en Egypte, nous apprlmes que
les esprits étaient calmés en Angleterre à l'endroit
du canal, et que le rapport de la commission inter-
nationale avait produit là, comme sur le continent,
une très-favorable impression.
Il fut convenu que j'irais affronter les meetings
britanniques. Je partis de Londres en avril 1857, en
compagnie d'un négociant anglais, mon ancien ami,
M. Daniel-Adolphe Lang'e ; nous cheminions, comme
des gens qui vont de ville en ville vendre leur mar-
chandise, avec des cartes colossales, des plans, des
volumes, des brochures, des prospectus. Nous fîmes,
en quarante-cinq jours, vingt-deux grands meetings
dans les principales villes des trois royaumes. Le
premier meeting, dans la grande salle de la Bourse,
dont les portes étaient ouvertes sur la place publi-
que, eut lieu au centre maritime et commercial le
plus important, à Liverpool. Comme je ne connais-
sais personne dans la réunion, je m'attendais à des
objections et à des apostrophes ; pas du tout, l'on
m'accueillit avec une bienveillance unanime, et je
fus fort étonné de ne pas rencontrer une seule op-
position. Chaque fois que je voyais quelqu'un s'a-
vancer, avec une figure animée, pour prendre la
parole, je croyais que j'allais avoir affaire à un
adversaire. Au contraire, c'était un orateur de
bonne volonté qui me faisait des compliments et me
remerciait. On me demandait si j'avais dans mon
entreprise une connexion avec le gouvernement fran-
çais. Je répondais : « No connexion with the french
government. Je suis un simple citoyen, mon projet
est indépendant de tout gouvernement; je défends
et je soutiens devant le public mes seuls intérêts. »
Alors, il y avait enthousiasme. On m'applaudissait.
Si en France vous vous avisiez de dire au public :
« Je viens défendre mes intérêts », le public ne ferait
aucune attention à vous; mais en Angleterre, un
homme qui vient plaider pour ses intérêts person-
nels est toujours écouté. L'égoïsme de chacun s'é-
veille et croit sa propre cause engagée dans celle
de l'orateur. Je ne juge pas la différence des mœurs
des deux pays, je la constate.
Mon premier soin, en arrivant dans une ville, était
d'aller trouver le lord-maire ou le personnage le
plus important de la localité pour lui offrir la pré-
sidence du meeting. Il acceptait sans hésiter et se
chargeait lui-même, souvent à ses frais, de faire
publier les avis et de me procurer le local de la
réunion; je choisissais ensuite le secrétaire et j'allais
voir les rédacteurs de tous les journaux. Je leur
demandais de venir à la réunion; je ne les priais
pas d'écrire en faveur de mon entreprise, mais de la
discuter même dans un sens contraire à mes inté-
rêts, si telle était leur opinion. Tous m'offraient
gracieusement leurs services, et je dois dire qu'ils
me les ont rendus sans aucune rémunération.
Il faut vraiment rendre hommage à ce concours
empressé et à cette hospitalité en faveur d'un étran-
ger qui vient communiquer ses Idées au public et se
soumettre à son jugement.
Les choses se sont passées de la même manière
dans les vingt-deux meetings qui suivirent en An-
gleterre, en Irlande et en Écosse celui de Liverpool,
et où les résolutions les plus généreuses et les plus
favorables à l'accomplissement du projet du canal de
Suez furent adoptées à l'unanimité.
Lord Palmerston s'émut de ces démonstrations; et
lorsqu'il vit que sous ses yeux mêmes, à Londres,
un grand meeting, auquel il avait inutilement cher-
ché à mettre obstacle, avait eu le même résultat que
dans les provinces, il comprit que le moment était
venu pour lui de se prononcer, de manière à arrêter
un élan moral qui surtout pouvait se convertir en
concours financier. En conséquence, il prononça au
Parlement des discours dont le but était de détourner
les capitaux anglais de l'entreprise ; il s'emporta
jusqu'à l'injure, et ses violences furent telles qu'elles
soulevèrent l'indignation publique sur le continent.
Nos conseils généraux, les chambres de commerce de
France, d'Allemagne, d'Italie et d'Espagne protestè-
rent contre le langage du premier ministre de l'An-
gleterre.
L'hostilité du gouvernement anglais provoqua dès
lors un résultat tout à fait contraire à celui que
voulait obtenir lord Palmerston. Il fortifia et popu-
larisa l'entreprise sur tout le continent. Je recueillis
des témoignages éclatants de la disposition générale
des esprits en me rendant à Constantinople par
l'Italie, l'Allemagne, l'Autriche et la Grèce. L'illustre
baron de Bruck, ministre des finances, les principaux
personnages de la cour de Vienne, les hauts fonc-
tionnaires du gouvernement, des généraux, des
magistrats, des banquiers, les directeurs des chemins
de fer se réunirent dans un banquet où des allocu-
tions chaleureuses furent prononcées en faveur du
canal de Suez.
Fortifié par de telles manifestations, je fus très-
bien accueilli à Constantinople. Lord Derby venait
de succéder à lord Palmerston, et déjà l'influence
exigeante de lord Stratford commençait à gêner les
ministres ottomans. Réchid-Pacha désirait se rap-
procher de l'ambassadeur de France.
La réconciliation s'était opérée, et le grand vizir
avait déjà annoncé qu'il allait faire envoyer au vice-
étions en voyage, on parlait au Caire d'une embus-
cade préparée sur la rive droite, vers le désert de
Korosko; on annonça même la mort du vice-roi et
de tous ceux qui l'accompagnaient, mais le hasard
nous fit heureusement passer de l'autre côté.
A notre retour en Egypte, nous apprlmes que
les esprits étaient calmés en Angleterre à l'endroit
du canal, et que le rapport de la commission inter-
nationale avait produit là, comme sur le continent,
une très-favorable impression.
Il fut convenu que j'irais affronter les meetings
britanniques. Je partis de Londres en avril 1857, en
compagnie d'un négociant anglais, mon ancien ami,
M. Daniel-Adolphe Lang'e ; nous cheminions, comme
des gens qui vont de ville en ville vendre leur mar-
chandise, avec des cartes colossales, des plans, des
volumes, des brochures, des prospectus. Nous fîmes,
en quarante-cinq jours, vingt-deux grands meetings
dans les principales villes des trois royaumes. Le
premier meeting, dans la grande salle de la Bourse,
dont les portes étaient ouvertes sur la place publi-
que, eut lieu au centre maritime et commercial le
plus important, à Liverpool. Comme je ne connais-
sais personne dans la réunion, je m'attendais à des
objections et à des apostrophes ; pas du tout, l'on
m'accueillit avec une bienveillance unanime, et je
fus fort étonné de ne pas rencontrer une seule op-
position. Chaque fois que je voyais quelqu'un s'a-
vancer, avec une figure animée, pour prendre la
parole, je croyais que j'allais avoir affaire à un
adversaire. Au contraire, c'était un orateur de
bonne volonté qui me faisait des compliments et me
remerciait. On me demandait si j'avais dans mon
entreprise une connexion avec le gouvernement fran-
çais. Je répondais : « No connexion with the french
government. Je suis un simple citoyen, mon projet
est indépendant de tout gouvernement; je défends
et je soutiens devant le public mes seuls intérêts. »
Alors, il y avait enthousiasme. On m'applaudissait.
Si en France vous vous avisiez de dire au public :
« Je viens défendre mes intérêts », le public ne ferait
aucune attention à vous; mais en Angleterre, un
homme qui vient plaider pour ses intérêts person-
nels est toujours écouté. L'égoïsme de chacun s'é-
veille et croit sa propre cause engagée dans celle
de l'orateur. Je ne juge pas la différence des mœurs
des deux pays, je la constate.
Mon premier soin, en arrivant dans une ville, était
d'aller trouver le lord-maire ou le personnage le
plus important de la localité pour lui offrir la pré-
sidence du meeting. Il acceptait sans hésiter et se
chargeait lui-même, souvent à ses frais, de faire
publier les avis et de me procurer le local de la
réunion; je choisissais ensuite le secrétaire et j'allais
voir les rédacteurs de tous les journaux. Je leur
demandais de venir à la réunion; je ne les priais
pas d'écrire en faveur de mon entreprise, mais de la
discuter même dans un sens contraire à mes inté-
rêts, si telle était leur opinion. Tous m'offraient
gracieusement leurs services, et je dois dire qu'ils
me les ont rendus sans aucune rémunération.
Il faut vraiment rendre hommage à ce concours
empressé et à cette hospitalité en faveur d'un étran-
ger qui vient communiquer ses Idées au public et se
soumettre à son jugement.
Les choses se sont passées de la même manière
dans les vingt-deux meetings qui suivirent en An-
gleterre, en Irlande et en Écosse celui de Liverpool,
et où les résolutions les plus généreuses et les plus
favorables à l'accomplissement du projet du canal de
Suez furent adoptées à l'unanimité.
Lord Palmerston s'émut de ces démonstrations; et
lorsqu'il vit que sous ses yeux mêmes, à Londres,
un grand meeting, auquel il avait inutilement cher-
ché à mettre obstacle, avait eu le même résultat que
dans les provinces, il comprit que le moment était
venu pour lui de se prononcer, de manière à arrêter
un élan moral qui surtout pouvait se convertir en
concours financier. En conséquence, il prononça au
Parlement des discours dont le but était de détourner
les capitaux anglais de l'entreprise ; il s'emporta
jusqu'à l'injure, et ses violences furent telles qu'elles
soulevèrent l'indignation publique sur le continent.
Nos conseils généraux, les chambres de commerce de
France, d'Allemagne, d'Italie et d'Espagne protestè-
rent contre le langage du premier ministre de l'An-
gleterre.
L'hostilité du gouvernement anglais provoqua dès
lors un résultat tout à fait contraire à celui que
voulait obtenir lord Palmerston. Il fortifia et popu-
larisa l'entreprise sur tout le continent. Je recueillis
des témoignages éclatants de la disposition générale
des esprits en me rendant à Constantinople par
l'Italie, l'Allemagne, l'Autriche et la Grèce. L'illustre
baron de Bruck, ministre des finances, les principaux
personnages de la cour de Vienne, les hauts fonc-
tionnaires du gouvernement, des généraux, des
magistrats, des banquiers, les directeurs des chemins
de fer se réunirent dans un banquet où des allocu-
tions chaleureuses furent prononcées en faveur du
canal de Suez.
Fortifié par de telles manifestations, je fus très-
bien accueilli à Constantinople. Lord Derby venait
de succéder à lord Palmerston, et déjà l'influence
exigeante de lord Stratford commençait à gêner les
ministres ottomans. Réchid-Pacha désirait se rap-
procher de l'ambassadeur de France.
La réconciliation s'était opérée, et le grand vizir
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