Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1864-05-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 mai 1864 01 mai 1864
Description : 1864/05/01 (A9,N189). 1864/05/01 (A9,N189).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203320d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/05/2012
228 L'ISTHME DE SUEZ.
d'étudier et de faire des règlements. On m'avait ex-
posé une foule de doctrines. Je n'ai jamais aimé les
doctrines avant la pratique. (Rires approbatifs.)
Nos travailleurs vivent suivant leurs religions, les
Orientaux, suivant la loi musulmane, les étrangers,
suivant la loi de leur pays. Il était fort difficile,
dans un désert si éloigné du monde civilisé, de sa-
voir ce que deviendraient ces populations composées
de gens qui n'avaient peut-être pas tous des anté-
cédents irréprochables. (Rires.)
Un Parisien, qui était chargé de diriger quinze
cents Grecs, avait, un jour de payement, mis do
l'or sur sa table ; cet or, dont vient de si bien parler
M. Wolowski dans son discours sur rétablissement
de la monnaie, fut une cause de désordre. Ces Grec?,
en le voyant, n'avaient pu s'empêcher de se jeter
dessus comme sur une proie. N'ayant aucune police,
aucune autorité à invoquer, mon Parisien passa là-
dessus, mais, grâce à son énergie et à l'autorité per-
sonnelle qu'il a su conquérir, il est parvenu à main-
tenir ces quinze cents hommes sous ses ordres et à
se faire restituer les sommes détournées. S'il y a
des pierres à enlever, un travail difficile à faire, on
envoie l'escouade des Grecs, qui est très-intelligente
et qui s'est très-bien conduite depuis ce méfait. (Rires
et applaudissements.)
Eh bien, cet exemple m'a prouvé que dans une
population de travailleurs il ne faut que deux choses :
expulser celui qui ne veut pas travailler, laisser par-
tir celui qui n'a pas envie de rester. J'ai suivi le
principe de la liberté, et depuis cinq ans nous n'a-
vons pas eu à nous en plaindre. (Bravo! Bravo!)
Mais il faut remarquer que nous avons placé au
milieu des agglomérations de travailleurs des mi-
nistres de leur religion, des popes pour les Grecs,
des imans pour les musulmans, des prêtres pour les
chrétiens. C'est ainsi que mon ancien professeur de
philosophie a été nommé curé à Ismaïlia, et prati-
que la philosophie dans l'isthme, tout en prêchant
les saints dogmes de notre religion. (Rires et applau-
dissements.)
Nous avons maintenu les populations qui sont ve-
nues à nous, sans un commissaire de police, sans un
gendarme, sans un sergent de ville. (Bravo! bravo!
bruyants applaudissements.) J'ai souvent voyagé seul,
ou avec un simple domestique arabe, la nuit comme
le jour, et jamais je n'ai eu la moindre crainte, ni
couru le moindre danger. Tout le monde vit là dans
la plus parfaite harmonie.
Je vois ici à côté de moi un ingénieur qui arrive
de l'isthme, qui vient de parcourir tout le pays, et
je crois qu'il est d'accord avec moi, sur la sécurité
qui existe au milieu du désert sans autorité d'au-
cune espèce. (Très-bien! très-bien!) Seulement, il y
a le travail, car là où il n'y a pas le travail, on ne
peut vivre en sécurité. (Bravo! bravo! applaudisse-
ments.)
Une fois que la ville de Port-Saïd a été fondée,
nous avons commencé, après y avoir établi des ate-
liers, à exécuter de grands travaux dans le lac
Menzaleh. Le lac Menzaleh a 44 kilomètres de
Port-Saïd à Kantara. Il était très-difficile, au milieu
des inondations de ce lac, qui laisse des dépôts de
limon, de pratiquer un chenal suffisant pour y in-
troduire des drag-ues Il y a des endroits où l'eau
est si peu profonde, qu'elle ne peut même pas porter
un radeau.
Il fallait que les hommes vinssent s'enfoncer dans
la vase, et que, ramassant la boue avec leurs mains,
la serrant contre leur poitrine, ils la portassent à
droite et à gauche pour former des bourrelets. De
cette boue remuée sous le ciel brûlant de l'Egypte
s'exhalait une odeur d'hydrogène sulfuré insuppor-
table ; mais ce qu'il y a de remarquable, c'est que la
salure des eaux du lac est telle, que ses émanations
n'ont pas été dangereuses pour la santé des hommes.
Nous avons eu le bonheur de ne pas avoir plus de
malades que dans les autres localités. -J'ai souvent
passé des journées, même en plein été, au milieu de
ces travaux, et je n'en ai pas souffert. Du reste, les
pêcheurs du lac Menzaleh, population saine et vi-
goureuse, sont accoutumés à placer les filets de pê-
che et à pousser leurs barques dans les bas-fonds, en
marchant dans le lac avec de l'eau jusqu'à la cein-
ture. La Bible dit que le lac Menzaleh était le vivier
des Pharaons.
Je dois avouer que le premier chenal à travers le
lac Menzaleh était pour moi le point le plus difficile
de notre travail, et c'est là que je craignais, non
pas l'impossibilité, mais d'immenses obstacles; et
lorsque, dans les journaux anglais, on disait que
nous tentions un travail impossible, et qu'on par-
lait de la navigation de la mer Rouge, des sables,
et de tant d'autres objections, dont je montrerai
tout à l'heure le peu de valeur, on ne songeait pas
à nous opposer ce qui était l'objet constant de nos
préoccupations, le passage à travers le lac Menza-
leh, qui n'aurait pu être exécuté sous un climat
autre que celui 'Je l'Egypte, parce que, si cette
masse molle n'avait pas été séchée par le soleil aus-
sitôt que placée en forme de digue, il n'y avait au-
cun moyen connu dans l'art de l'ingénieur pour
triompher de ce formidable obstacle. Là était la
vraie difficulté de l'entreprise, et personne ne son-
geait à nous attaquer sur ce point.
Au fur et à mesure qu'on parvenait à former de
chaque côté de l'étroit chenal de simples bourrelets,
on faisait glisser au milieu un radeau plat, et avec
d'étudier et de faire des règlements. On m'avait ex-
posé une foule de doctrines. Je n'ai jamais aimé les
doctrines avant la pratique. (Rires approbatifs.)
Nos travailleurs vivent suivant leurs religions, les
Orientaux, suivant la loi musulmane, les étrangers,
suivant la loi de leur pays. Il était fort difficile,
dans un désert si éloigné du monde civilisé, de sa-
voir ce que deviendraient ces populations composées
de gens qui n'avaient peut-être pas tous des anté-
cédents irréprochables. (Rires.)
Un Parisien, qui était chargé de diriger quinze
cents Grecs, avait, un jour de payement, mis do
l'or sur sa table ; cet or, dont vient de si bien parler
M. Wolowski dans son discours sur rétablissement
de la monnaie, fut une cause de désordre. Ces Grec?,
en le voyant, n'avaient pu s'empêcher de se jeter
dessus comme sur une proie. N'ayant aucune police,
aucune autorité à invoquer, mon Parisien passa là-
dessus, mais, grâce à son énergie et à l'autorité per-
sonnelle qu'il a su conquérir, il est parvenu à main-
tenir ces quinze cents hommes sous ses ordres et à
se faire restituer les sommes détournées. S'il y a
des pierres à enlever, un travail difficile à faire, on
envoie l'escouade des Grecs, qui est très-intelligente
et qui s'est très-bien conduite depuis ce méfait. (Rires
et applaudissements.)
Eh bien, cet exemple m'a prouvé que dans une
population de travailleurs il ne faut que deux choses :
expulser celui qui ne veut pas travailler, laisser par-
tir celui qui n'a pas envie de rester. J'ai suivi le
principe de la liberté, et depuis cinq ans nous n'a-
vons pas eu à nous en plaindre. (Bravo! Bravo!)
Mais il faut remarquer que nous avons placé au
milieu des agglomérations de travailleurs des mi-
nistres de leur religion, des popes pour les Grecs,
des imans pour les musulmans, des prêtres pour les
chrétiens. C'est ainsi que mon ancien professeur de
philosophie a été nommé curé à Ismaïlia, et prati-
que la philosophie dans l'isthme, tout en prêchant
les saints dogmes de notre religion. (Rires et applau-
dissements.)
Nous avons maintenu les populations qui sont ve-
nues à nous, sans un commissaire de police, sans un
gendarme, sans un sergent de ville. (Bravo! bravo!
bruyants applaudissements.) J'ai souvent voyagé seul,
ou avec un simple domestique arabe, la nuit comme
le jour, et jamais je n'ai eu la moindre crainte, ni
couru le moindre danger. Tout le monde vit là dans
la plus parfaite harmonie.
Je vois ici à côté de moi un ingénieur qui arrive
de l'isthme, qui vient de parcourir tout le pays, et
je crois qu'il est d'accord avec moi, sur la sécurité
qui existe au milieu du désert sans autorité d'au-
cune espèce. (Très-bien! très-bien!) Seulement, il y
a le travail, car là où il n'y a pas le travail, on ne
peut vivre en sécurité. (Bravo! bravo! applaudisse-
ments.)
Une fois que la ville de Port-Saïd a été fondée,
nous avons commencé, après y avoir établi des ate-
liers, à exécuter de grands travaux dans le lac
Menzaleh. Le lac Menzaleh a 44 kilomètres de
Port-Saïd à Kantara. Il était très-difficile, au milieu
des inondations de ce lac, qui laisse des dépôts de
limon, de pratiquer un chenal suffisant pour y in-
troduire des drag-ues Il y a des endroits où l'eau
est si peu profonde, qu'elle ne peut même pas porter
un radeau.
Il fallait que les hommes vinssent s'enfoncer dans
la vase, et que, ramassant la boue avec leurs mains,
la serrant contre leur poitrine, ils la portassent à
droite et à gauche pour former des bourrelets. De
cette boue remuée sous le ciel brûlant de l'Egypte
s'exhalait une odeur d'hydrogène sulfuré insuppor-
table ; mais ce qu'il y a de remarquable, c'est que la
salure des eaux du lac est telle, que ses émanations
n'ont pas été dangereuses pour la santé des hommes.
Nous avons eu le bonheur de ne pas avoir plus de
malades que dans les autres localités. -J'ai souvent
passé des journées, même en plein été, au milieu de
ces travaux, et je n'en ai pas souffert. Du reste, les
pêcheurs du lac Menzaleh, population saine et vi-
goureuse, sont accoutumés à placer les filets de pê-
che et à pousser leurs barques dans les bas-fonds, en
marchant dans le lac avec de l'eau jusqu'à la cein-
ture. La Bible dit que le lac Menzaleh était le vivier
des Pharaons.
Je dois avouer que le premier chenal à travers le
lac Menzaleh était pour moi le point le plus difficile
de notre travail, et c'est là que je craignais, non
pas l'impossibilité, mais d'immenses obstacles; et
lorsque, dans les journaux anglais, on disait que
nous tentions un travail impossible, et qu'on par-
lait de la navigation de la mer Rouge, des sables,
et de tant d'autres objections, dont je montrerai
tout à l'heure le peu de valeur, on ne songeait pas
à nous opposer ce qui était l'objet constant de nos
préoccupations, le passage à travers le lac Menza-
leh, qui n'aurait pu être exécuté sous un climat
autre que celui 'Je l'Egypte, parce que, si cette
masse molle n'avait pas été séchée par le soleil aus-
sitôt que placée en forme de digue, il n'y avait au-
cun moyen connu dans l'art de l'ingénieur pour
triompher de ce formidable obstacle. Là était la
vraie difficulté de l'entreprise, et personne ne son-
geait à nous attaquer sur ce point.
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chaque côté de l'étroit chenal de simples bourrelets,
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