Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1864-01-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 janvier 1864 15 janvier 1864
Description : 1864/01/15 (A9,N182). 1864/01/15 (A9,N182).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62033138
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/05/2012
éè L'ISTHME DE ÔIÏE2,
démenti a été rétorqué par un si grand nombre de
preuves arrivées de tous côtés, même de la part de
témoins anglais, que les trois avocats de cet agent
égyptien ont dû reèonnaitre implicitement la vérité
de ce fait, qui détruit le but de leur argumentation ;
car si la corvée est légale pour les uns, comment
serait-elle illégale pour les autres?
» Afin de dissimuler cette contradiction manifeste, la
consultation allègue qu'il y a une grande différence
entre une corvée momentanée, requise pour défendre
le pays contre un fléau accidentel, et une corvée per-
manente mise au service d'une entreprise d'intérêt privé.
Il est difficile de donner une plus mauvaise raison à
l'appui d'une mauvaise cause. Ne parlons pas des acci-
dents exceptionnels qui ne prouvent rien, mais de la
règle normale et constante. Les légistes parisiens pen-
sent-ils que la corvée du curage des canaux de l'Egypte,
qui dure depuis trois ou quatre mille ans, est plus
momentanée que la corvée du canal de Suez, qui ne doit
durer que cinq ou six ans? Et s'ils croient qu'il est juste
et nécessaire d'employer ce travail obligatoire à entre-
tenir perpétuellement des canaux d'irrigation ou de
navigation intérieure de médiocre importance, dont des
cantonniers spéciaux pourraient aussi bien prendre soin,
pourquoi trouvent-ils injuste et déraisonnable qu'on
applique ce même système de travail public à une en-
treprise cent fois plus importante, qui ne peut être
accomplie que par un effort exceptionnel, à l'ouverture
d'une nouvelle voie de communication interocéanique
qui doit décupler la prospérité de l'Égypte, en faisant
de ce pays la grande route et l'entrepôt du commerce
universel, l'Angleterre de l'Orient ?
» C'est cet immense résultat que Nubar-Pacha appelle
une affaire d'intérêt privé, et même d'intérêt étranger.
Nous attribuons ce mot à l'agent égyptien, car il nous
est impossible d'admettre que trois avocats français
aient pu répéter sciemment cette subtilité orientale, qui
ne mérite même pas de réponse. Cela ne doit pas plus
se discuter que la lubie d'un économiste qui prétendrait
que la création du réseau des chemins de fer français
n'est qu'uce entreprise d'intérêt particulier, parce que ses
différentes lignes ont été exécutées et sont exploitées
par des Compagnies particulières, comme celle de
Suez, qui ont obtenu la jouissance temporaire de ces
voies ferrées avec des subventions de l'État, en rem-
boursement de leurs frais de construction.
» Mais qu'avons-nous besoin de prouver l'existence et
la légalité de la corvée égyptienne? Le sultan, le vice-
roi, Nubar-Pacha et ses trois avocats qui nient ces faits,
prennent eux-mêmes la peine de contredire leur propre
thèse de la manière la plus formelle, en proposant de
substituer une nouvelle corvée de 6,000 ouvriers à 2 francs
par tête à la corvée actuellement employée à 1 franc
par tête.
» À moins de vouloir ici chicaner misérablement sur
les mots, il est impossible de ne pas reconnaître que
cette modification des termes du contrat ne porte que
sur le nombre des hommes, et le chiffre de leurs
salaires. sans rien changer absolument au principe
même de la corvée. En effet, Ismaïl-Pacha offre de
fournir lui-même, comme son prédécesseur, un contin-
gent d'ouvriers égyptiens, qui ne travailleront pas
plus volontiers au désert, pour la nouvelle paie que
pour l'ancienne, déjà beaucoup plus forte que la jour-
née ordinaire des terrassiers indigènes.
» C'est que les pauvres fellahs, maintenus depuis des
siècles dans une ignorance profonda et le plus dur ser-
vage par leurs tyrans provinciaux, sont absolument
incapables de comprendre les immenses avantages
qu'ils peuvent retirer du percement de l'isthme de
Suez, pour leur bien-être et leur liberté. De sorte qu'ils
préfèrent suivre la routine ordinaire de leurs travaux
agricoles chez eux, si mal rétribués qu'ils soient, plu-
tôt que d'aller courir au loin après un salaire plus
élevé, dont les exactions des cheicks les dépouilleraient
promptement.
» Un des derniers numéros du journal VIsihme de
Suez donne une idée très-juste de cet état de choses et
de la précieuse liberté dont les avocats libéraux de
Nubar-Pacha veulent conserver la jouissance aux fel-
lahs. Il a publié le rapport d'un agent français de la
Compagnie, qui raconte les démarches qu'il a dû faire
pour forcer un cheick de village à relâcher un fellah,
fermier d'une des concessions de terre du canal d'eau
douce, enlevé par ordre de ce chef arabe et retenu aux
ceps depuis plusieurs jours, malgré les réclamations de
sa famille. Pour toute raison de cet acte arbitraire, le
tyranneau musulman répondait au Français :
» — Cet homme n'a pas le droit de quitter sa glèbe;
il est de mon village, donc il est à moi.
» — Combien l'as-tu acheté, répliquait l'agent de la
Compagnie, pour oser prétendre que cet homme est ta
propriété ?
» Et toute la population du village, présente à l'au-
dience, d'applaudir à cette riposte; si bien que le cheick,
intimidé par ces manifestations et la fermeté de son in-
terlocuteur, finit par rendre son prisonnier, qui se hâta
de retourner sur les terres de la Compagnie, où il était
certain de trouver, mieux que partout ailleurs, bien-être
et liberté.
» C'est ainsi que l'entreprise du canal de Suez op-
prime les travailleurs égyptiens, et que la loi, les usages
musulmans protègent leur indépendance personnelle !
» La vérité est que cette glorieuse création n'est pas
seulement la plus grande œuvre d'intérêt matériel qu'il
soit possible d'accomplir, pour l'Égypte et pour le monde
ancien, dont elle doit rapprocher les races et faciliter
les communications, c'est encore le plus puissant ins-
trument du progrès moral de la liberté et de la civili-
sation de l'Orient. Le seul fait de l'influence et des exem-
ples des nombreux agents de la Compagnie présents
sur l'isthme de Suez, suffit, pour relâcher, dans toutes
les provinces environnantes, les liens de la servitude,
et les milliers d'ouvriers, amenés malgré eux sur les
chantiers du canal, restent volontairement comme fer-
miers des terres de la Compagnie, ou repartent imbus
de nouvelles idées libérales qu'ils répandent ensuite peu
à peu dans leurs villages.
» C'est précisément là ce qui irrite la plupart des ex-
démenti a été rétorqué par un si grand nombre de
preuves arrivées de tous côtés, même de la part de
témoins anglais, que les trois avocats de cet agent
égyptien ont dû reèonnaitre implicitement la vérité
de ce fait, qui détruit le but de leur argumentation ;
car si la corvée est légale pour les uns, comment
serait-elle illégale pour les autres?
» Afin de dissimuler cette contradiction manifeste, la
consultation allègue qu'il y a une grande différence
entre une corvée momentanée, requise pour défendre
le pays contre un fléau accidentel, et une corvée per-
manente mise au service d'une entreprise d'intérêt privé.
Il est difficile de donner une plus mauvaise raison à
l'appui d'une mauvaise cause. Ne parlons pas des acci-
dents exceptionnels qui ne prouvent rien, mais de la
règle normale et constante. Les légistes parisiens pen-
sent-ils que la corvée du curage des canaux de l'Egypte,
qui dure depuis trois ou quatre mille ans, est plus
momentanée que la corvée du canal de Suez, qui ne doit
durer que cinq ou six ans? Et s'ils croient qu'il est juste
et nécessaire d'employer ce travail obligatoire à entre-
tenir perpétuellement des canaux d'irrigation ou de
navigation intérieure de médiocre importance, dont des
cantonniers spéciaux pourraient aussi bien prendre soin,
pourquoi trouvent-ils injuste et déraisonnable qu'on
applique ce même système de travail public à une en-
treprise cent fois plus importante, qui ne peut être
accomplie que par un effort exceptionnel, à l'ouverture
d'une nouvelle voie de communication interocéanique
qui doit décupler la prospérité de l'Égypte, en faisant
de ce pays la grande route et l'entrepôt du commerce
universel, l'Angleterre de l'Orient ?
» C'est cet immense résultat que Nubar-Pacha appelle
une affaire d'intérêt privé, et même d'intérêt étranger.
Nous attribuons ce mot à l'agent égyptien, car il nous
est impossible d'admettre que trois avocats français
aient pu répéter sciemment cette subtilité orientale, qui
ne mérite même pas de réponse. Cela ne doit pas plus
se discuter que la lubie d'un économiste qui prétendrait
que la création du réseau des chemins de fer français
n'est qu'uce entreprise d'intérêt particulier, parce que ses
différentes lignes ont été exécutées et sont exploitées
par des Compagnies particulières, comme celle de
Suez, qui ont obtenu la jouissance temporaire de ces
voies ferrées avec des subventions de l'État, en rem-
boursement de leurs frais de construction.
» Mais qu'avons-nous besoin de prouver l'existence et
la légalité de la corvée égyptienne? Le sultan, le vice-
roi, Nubar-Pacha et ses trois avocats qui nient ces faits,
prennent eux-mêmes la peine de contredire leur propre
thèse de la manière la plus formelle, en proposant de
substituer une nouvelle corvée de 6,000 ouvriers à 2 francs
par tête à la corvée actuellement employée à 1 franc
par tête.
» À moins de vouloir ici chicaner misérablement sur
les mots, il est impossible de ne pas reconnaître que
cette modification des termes du contrat ne porte que
sur le nombre des hommes, et le chiffre de leurs
salaires. sans rien changer absolument au principe
même de la corvée. En effet, Ismaïl-Pacha offre de
fournir lui-même, comme son prédécesseur, un contin-
gent d'ouvriers égyptiens, qui ne travailleront pas
plus volontiers au désert, pour la nouvelle paie que
pour l'ancienne, déjà beaucoup plus forte que la jour-
née ordinaire des terrassiers indigènes.
» C'est que les pauvres fellahs, maintenus depuis des
siècles dans une ignorance profonda et le plus dur ser-
vage par leurs tyrans provinciaux, sont absolument
incapables de comprendre les immenses avantages
qu'ils peuvent retirer du percement de l'isthme de
Suez, pour leur bien-être et leur liberté. De sorte qu'ils
préfèrent suivre la routine ordinaire de leurs travaux
agricoles chez eux, si mal rétribués qu'ils soient, plu-
tôt que d'aller courir au loin après un salaire plus
élevé, dont les exactions des cheicks les dépouilleraient
promptement.
» Un des derniers numéros du journal VIsihme de
Suez donne une idée très-juste de cet état de choses et
de la précieuse liberté dont les avocats libéraux de
Nubar-Pacha veulent conserver la jouissance aux fel-
lahs. Il a publié le rapport d'un agent français de la
Compagnie, qui raconte les démarches qu'il a dû faire
pour forcer un cheick de village à relâcher un fellah,
fermier d'une des concessions de terre du canal d'eau
douce, enlevé par ordre de ce chef arabe et retenu aux
ceps depuis plusieurs jours, malgré les réclamations de
sa famille. Pour toute raison de cet acte arbitraire, le
tyranneau musulman répondait au Français :
» — Cet homme n'a pas le droit de quitter sa glèbe;
il est de mon village, donc il est à moi.
» — Combien l'as-tu acheté, répliquait l'agent de la
Compagnie, pour oser prétendre que cet homme est ta
propriété ?
» Et toute la population du village, présente à l'au-
dience, d'applaudir à cette riposte; si bien que le cheick,
intimidé par ces manifestations et la fermeté de son in-
terlocuteur, finit par rendre son prisonnier, qui se hâta
de retourner sur les terres de la Compagnie, où il était
certain de trouver, mieux que partout ailleurs, bien-être
et liberté.
» C'est ainsi que l'entreprise du canal de Suez op-
prime les travailleurs égyptiens, et que la loi, les usages
musulmans protègent leur indépendance personnelle !
» La vérité est que cette glorieuse création n'est pas
seulement la plus grande œuvre d'intérêt matériel qu'il
soit possible d'accomplir, pour l'Égypte et pour le monde
ancien, dont elle doit rapprocher les races et faciliter
les communications, c'est encore le plus puissant ins-
trument du progrès moral de la liberté et de la civili-
sation de l'Orient. Le seul fait de l'influence et des exem-
ples des nombreux agents de la Compagnie présents
sur l'isthme de Suez, suffit, pour relâcher, dans toutes
les provinces environnantes, les liens de la servitude,
et les milliers d'ouvriers, amenés malgré eux sur les
chantiers du canal, restent volontairement comme fer-
miers des terres de la Compagnie, ou repartent imbus
de nouvelles idées libérales qu'ils répandent ensuite peu
à peu dans leurs villages.
» C'est précisément là ce qui irrite la plupart des ex-
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.92%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.92%.
- Collections numériques similaires Thématique : ingénierie, génie civil Thématique : ingénierie, génie civil /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCthèm02"Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp11" Corpus : ports et travaux maritimes Corpus : ports et travaux maritimes /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp16"
- Auteurs similaires Desplaces Ernest Desplaces Ernest /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Desplaces Ernest" or dc.contributor adj "Desplaces Ernest")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 26/32
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k62033138/f26.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k62033138/f26.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k62033138/f26.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k62033138
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k62033138
Facebook
Twitter