Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1864-01-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 janvier 1864 15 janvier 1864
Description : 1864/01/15 (A9,N182). 1864/01/15 (A9,N182).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62033138
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/05/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 53
plaidoyer qui, même au point de vue où l'affaire est
présentée, paraissent blesser le bon sens et la justice;
» Ce qui frappe tout d'abord, à la première lecture de
la consultation, les personnes un peu familiarisées avec
les hommes et les choses de l'Orient, c'est que les sa-
vants avocats du gouvernement égyptien semblent
connaître beaucoup mieux le Code Napoléon que le
véritable état social de leurs clients.
» Nous ne savons encore jusqu'à quel point Nubar-
Pacha a pu abuser la conscience de ses conseillers par
les artifices des chancelleries turques, en dénaturant
les faits, en tronquant les pièces officielles, comme on
en accuse ce représentant d'Ismaïl-Pacha; mais il est
bien certain que l'ignorance de la situation du pays,
théâtre du litige soumis à leur appréciation, a fait com-
mettre à ces légistes une grave méprise qui compromet
la base même de leur argumentation. Ils ont appliqué
aux lois turques, aux hatti-sheriff tombés en désuétude
avant d'avoir été mis en pratique, aux protocoles, aux
contrats de l'administration désordonnée de l'Orient, la
même rigueur d'interprétation littérale que s'il s'agis-
sait de la législation précise de la France ou des actes
réguliers de notre administration. Pire encore que cela !
toutes les fois que, dans les pièces officielles turques,
qui n'ont de signification sérieuse que suivant le caprice
du maître, il y a un mot vague ou équivoque, les avo-
cats parisiens en forcent le sens en faveur du souverain
contre le simple particulier.
» C'est ainsi que ces habiles légistes chicanent avec
une merveilleuse subtilité sur les pouvoirs exclusifs que
Saïd-Pacha concéda à M. de Lesseps et les droits exclusifs
qu'Ismaïl-Pacha lui conteste. C'est ainsi que leur esprit
ingénieux et libéral décide que, dans une association
conclue entre un simple particulier et un souverain
absolu, celui-ci, principal auteur de tous les actes, prin-
cipal bénéficiaire de tous les avantages de la Société,
doit être exonéré de toute la responsabilité, rejetée ex-
clusivement sur l'autre associé. C'est ainsi encore que ces
honorables illustrations du barreau parisien ont fondé
leur plus puissante argumentation sur le texte du hatti-
mayoum qui garantissait, selon eux, la liberté invio-
lable des bien-aimés sujets du sultan. Nous souhaitons
de meilleures garanties à la liberté de ces avocats trop
confiants, dont la consultation philanthropique a dû faire
bien rire dans leurs barbes ces bons Turcs humanitaires
des divans du Caire et de Constantinople.
» Comment peut-on ignorer à ce point que, en dépit
de toutes les promesses, des traités et des parades cons-
titutionnelles des sultans, l'empire turc n'a encore d'autre
loi que le Coran et le caprice des càdis ou des pachas ;
que la corvée et même la servitude existent en fait dans
toute la Turquie, aussi réellement que l'infâme escla-
vage des femmes, vendues en plein marché comme du
bétail de harem.
» Et ce sont ces fantômes de lois dérisoires, dont les
prétendus législateurs de l'Orient sont les premiers à se
moquer, que des avocats français prendraient pour règle
absolue de leurs décisions contre les intérêts de leurs
compatriotes, contre la plus glorieuse entreprise de la
civilisation, contre le bon sens et la justice crimineUe !
Cela n'est pas possible.
» On a évidemment surpris leur loyauté ; autrement
ils auraient jugé le procès pendant entre le pacha d'É, -
gypte et la Compagnie du canal de Suez, comme tout
le monde le juge, comme on doit juger des contesta-
tions semblables dans tous les pays où l'absence des lois
ne permet pas de fixer clairement le droit légal de
chaque partie, c'est-à-dire d'après la loi suprême de
l'équité naturelle et de la bonne foi.
D Envisagée de la sorte, la question apparaît dans
toute sa clarté, malgré les chicanes et les fourberies
asiatiques au moyen desquelles on s'efforce de l'obscur-
cir. Examinons d'abord à ce point de vue le prétexte
de la querelle : nous verrons ensuite ce que sont les
conditions de l'arrangement proposé par les organisa-
teurs de ce colossal chantage anglo-turc.
» Ainsi que nous l'avons déjà expliqué, l'unique fon-
dement du procès suscité à M. de Lesseps, c'est la
clause inobservée de la sanction du traité de conces-
sion du canal de Suez par le sultan. Cette stipulation
était-elle une condition essentielle et résolutoire du
contrat, ou une simple formule de déférence du vassal
envers le suzerain. Les traités qui assurent à la famille
de Méhémet-Ali la souveraineté administrative de l'É-
gypte font-ils réellement, dans leur texte original, une
obligation stricte de cette autorisation préalable pour
une entreprise d'administration intérieure ? Toutes ces
questions sont au moins fort douteuses, même sous la
forme et avec les solutions que leur donnent les avo-
cats de Nubar-Pacha. Mais sans attendre les éclaircis-
sements que donneront à ce sujet les défenseurs de
M. de Lesseps, il y a dès à présent une vérité manifeste :
c'est que si cette clause du contrat a été mal interpré-
tée ou violée, la faute en est surtout, en est même
tout entière au pacha d'Egypte. En effet, ce prince sa-
vait bien mieux que le directeur français du canal de
Suez, quel devait être le véritable sens de la réserve
des droits du sultan, et quels étaient ses devoirs de
vassalité vis-à-vis de son suzerain; il avait tout pou-
voir et qualité pour réclamer et obtenir la sanction
nécessaire ; il pouvait seul permettre ou arrêter les tra-
vaux soumis à cette autorisation. Et néanmoins, sans
tenir compte de rien, il a fait procéder au percement
de l'isthme ; et mieux encore, il a voulu activer extra-
ordinairement les travaux de cette entreprise, en quin-
tuplant, par un décret spécial et tout spontané de son
gouvernement, le nombre des ouvriers qu'il fournissait
lui-même.
» Ce dernier fait de l'initiative personnelle du pacha
ne peut être nié, puisque c'est la consultation même
obtenue par Nubar-Pacha, qui atteste, en termes ex-
près, que « le traité de concession du canal n'obligeait
D pas le vice-roi à mettre aux ordres de la Compagnie
» les 20 ou 25,000 travailleurs qu'il a bien voulu lui
» accorder par un acte de son propre gouvernement. »
» En présence de cet aveu si formel de complicité
volontaire et principale, comment trois graves avocats
français peuvent-ils venir déclarer à la face du monde
plaidoyer qui, même au point de vue où l'affaire est
présentée, paraissent blesser le bon sens et la justice;
» Ce qui frappe tout d'abord, à la première lecture de
la consultation, les personnes un peu familiarisées avec
les hommes et les choses de l'Orient, c'est que les sa-
vants avocats du gouvernement égyptien semblent
connaître beaucoup mieux le Code Napoléon que le
véritable état social de leurs clients.
» Nous ne savons encore jusqu'à quel point Nubar-
Pacha a pu abuser la conscience de ses conseillers par
les artifices des chancelleries turques, en dénaturant
les faits, en tronquant les pièces officielles, comme on
en accuse ce représentant d'Ismaïl-Pacha; mais il est
bien certain que l'ignorance de la situation du pays,
théâtre du litige soumis à leur appréciation, a fait com-
mettre à ces légistes une grave méprise qui compromet
la base même de leur argumentation. Ils ont appliqué
aux lois turques, aux hatti-sheriff tombés en désuétude
avant d'avoir été mis en pratique, aux protocoles, aux
contrats de l'administration désordonnée de l'Orient, la
même rigueur d'interprétation littérale que s'il s'agis-
sait de la législation précise de la France ou des actes
réguliers de notre administration. Pire encore que cela !
toutes les fois que, dans les pièces officielles turques,
qui n'ont de signification sérieuse que suivant le caprice
du maître, il y a un mot vague ou équivoque, les avo-
cats parisiens en forcent le sens en faveur du souverain
contre le simple particulier.
» C'est ainsi que ces habiles légistes chicanent avec
une merveilleuse subtilité sur les pouvoirs exclusifs que
Saïd-Pacha concéda à M. de Lesseps et les droits exclusifs
qu'Ismaïl-Pacha lui conteste. C'est ainsi que leur esprit
ingénieux et libéral décide que, dans une association
conclue entre un simple particulier et un souverain
absolu, celui-ci, principal auteur de tous les actes, prin-
cipal bénéficiaire de tous les avantages de la Société,
doit être exonéré de toute la responsabilité, rejetée ex-
clusivement sur l'autre associé. C'est ainsi encore que ces
honorables illustrations du barreau parisien ont fondé
leur plus puissante argumentation sur le texte du hatti-
mayoum qui garantissait, selon eux, la liberté invio-
lable des bien-aimés sujets du sultan. Nous souhaitons
de meilleures garanties à la liberté de ces avocats trop
confiants, dont la consultation philanthropique a dû faire
bien rire dans leurs barbes ces bons Turcs humanitaires
des divans du Caire et de Constantinople.
» Comment peut-on ignorer à ce point que, en dépit
de toutes les promesses, des traités et des parades cons-
titutionnelles des sultans, l'empire turc n'a encore d'autre
loi que le Coran et le caprice des càdis ou des pachas ;
que la corvée et même la servitude existent en fait dans
toute la Turquie, aussi réellement que l'infâme escla-
vage des femmes, vendues en plein marché comme du
bétail de harem.
» Et ce sont ces fantômes de lois dérisoires, dont les
prétendus législateurs de l'Orient sont les premiers à se
moquer, que des avocats français prendraient pour règle
absolue de leurs décisions contre les intérêts de leurs
compatriotes, contre la plus glorieuse entreprise de la
civilisation, contre le bon sens et la justice crimineUe !
Cela n'est pas possible.
» On a évidemment surpris leur loyauté ; autrement
ils auraient jugé le procès pendant entre le pacha d'É, -
gypte et la Compagnie du canal de Suez, comme tout
le monde le juge, comme on doit juger des contesta-
tions semblables dans tous les pays où l'absence des lois
ne permet pas de fixer clairement le droit légal de
chaque partie, c'est-à-dire d'après la loi suprême de
l'équité naturelle et de la bonne foi.
D Envisagée de la sorte, la question apparaît dans
toute sa clarté, malgré les chicanes et les fourberies
asiatiques au moyen desquelles on s'efforce de l'obscur-
cir. Examinons d'abord à ce point de vue le prétexte
de la querelle : nous verrons ensuite ce que sont les
conditions de l'arrangement proposé par les organisa-
teurs de ce colossal chantage anglo-turc.
» Ainsi que nous l'avons déjà expliqué, l'unique fon-
dement du procès suscité à M. de Lesseps, c'est la
clause inobservée de la sanction du traité de conces-
sion du canal de Suez par le sultan. Cette stipulation
était-elle une condition essentielle et résolutoire du
contrat, ou une simple formule de déférence du vassal
envers le suzerain. Les traités qui assurent à la famille
de Méhémet-Ali la souveraineté administrative de l'É-
gypte font-ils réellement, dans leur texte original, une
obligation stricte de cette autorisation préalable pour
une entreprise d'administration intérieure ? Toutes ces
questions sont au moins fort douteuses, même sous la
forme et avec les solutions que leur donnent les avo-
cats de Nubar-Pacha. Mais sans attendre les éclaircis-
sements que donneront à ce sujet les défenseurs de
M. de Lesseps, il y a dès à présent une vérité manifeste :
c'est que si cette clause du contrat a été mal interpré-
tée ou violée, la faute en est surtout, en est même
tout entière au pacha d'Egypte. En effet, ce prince sa-
vait bien mieux que le directeur français du canal de
Suez, quel devait être le véritable sens de la réserve
des droits du sultan, et quels étaient ses devoirs de
vassalité vis-à-vis de son suzerain; il avait tout pou-
voir et qualité pour réclamer et obtenir la sanction
nécessaire ; il pouvait seul permettre ou arrêter les tra-
vaux soumis à cette autorisation. Et néanmoins, sans
tenir compte de rien, il a fait procéder au percement
de l'isthme ; et mieux encore, il a voulu activer extra-
ordinairement les travaux de cette entreprise, en quin-
tuplant, par un décret spécial et tout spontané de son
gouvernement, le nombre des ouvriers qu'il fournissait
lui-même.
» Ce dernier fait de l'initiative personnelle du pacha
ne peut être nié, puisque c'est la consultation même
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près, que « le traité de concession du canal n'obligeait
D pas le vice-roi à mettre aux ordres de la Compagnie
» les 20 ou 25,000 travailleurs qu'il a bien voulu lui
» accorder par un acte de son propre gouvernement. »
» En présence de cet aveu si formel de complicité
volontaire et principale, comment trois graves avocats
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