Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1862-12-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 décembre 1862 15 décembre 1862
Description : 1862/12/15 (A7,N156). 1862/12/15 (A7,N156).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62033101
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/07/2012
386 L'ISTHME DE SUEZ,
c'était le seuil d'El-Guisr, d'une élévation allant jusqu'à
20 mètres au-dessus du niveau de la mer, et d'une
étendue de 14 kilomètres. C'était là que nous atten-
daient nos contradicteurs ; c'était là que le projet
devait être convaincu d'impuissance ; c'était là que,
au milieu d'un désert aride, refusant tout aux be-
soins de l'homme, sous des chaleurs formidables, sous
l'invasion des sables, sous les coups du khamsin, nous
devions avoir à remplir un véritable tonneau des
Danaïdes et à voir mourir d'épuisement, de soif et
de faim les infortunés travailleurs qu'on entraînait
à cette folle entreprise. Nos adversaires , en effet,
avaient bien jugé le côté faible de l'armure. Si de
graves difficultés étaient à surmonter, c'était bien
sur ces lieux éloignés, désolés, isolés, sans ressources,
et formant le point culminant de toute la ligne.
Pourtant tous ces obstacles ont été vaincus ; ils l'ont
été avec un bonheur, une rapidité, un succès qui a
excédé toutes les attentes. Malgré tant de prédic-
tions sinistres, sur ce champ de bataille du travail,
au sein de ces solitudes immémoriales, l'humanité
n'a rien eu à regretter. Le khamsina soufflé et n'a pas
laissé de traces. Ces sables qui devaient couler sur
la tête des travailleurs se sont dressés en berges
solides et compactes. A l'heure qu'il est, la Méditerra-
née atteint le lac Timsah, comme les eaux de
Timsah se sont précédemment mêlées quatre fois aux
eaux de la mer Rouge.
Voilà ce que le Times annonçait au monde par son
télégramme du 28 novembre, et voilà ce que nous
pensions qu'avec le monde entier il accueillerait
comme la preuve acquise du peu de fondement de
ses craintes ou de ses espérances.
C'est justement en face de cet événement, le len-
demain de son télégramme publié le 28, c'est le
29 novembre que le Times se met à écrire un article
pour déclarer à l'Angleterre et à l'Europe que le
canal de Suez est une œuvre impossible et insensée.
N'est-ce point là, comme nous le disions au début,
pousser jusqu'à l'excès la passion des thèses excen-
triques ?
Rendons toutefois justice à l'écrivain. Il est lui-
même assez embarrassé de son rôle, et en lisant son
exorde nous nous sommes involontairement rappelé
ce cri échappé à la pudeur de Phcdre :
Ciel ! que vais-je lui dire et par où commencer !
Il commence en effet par nous apprendre que le
Nil et l'isthme sont deux merveilles placées en
Egypte; que le Nil est la vie du peuple égyptien;
que c'est lui qui féconde le sol ; que sans lui ce sol
serait stérile; que l'isthme est une simple langue de
terre qui sépare l'Orient de l'Occident; que ses sables
et ses marécages sont l'obstacle qui empêche la
jonction des deux mers, truismes que nous n'avons
certes aucun intérêt à contester, et que le Times pou-
vait épargner à l'érudition de ses lecteurs,* quelque
modeste qu'il la suppose.
Et notre confrère finit à peu près comme il a com-
mencé. Après nous avoir au début enseigné tant de
choses neuves sur l'Égypte, il nous en révèle dans sa
péroraison de non moins neuves sur l'Inde. L'Inde est
géographiquement dans une position curieuse à
méditer. Elle n'est pas étrangère aux complications
du monde. Les Anglais ont fondé un grand empire
dans cette Péninsule. C'est une phase étrange de
l'histoire, et M. de Lesseps ne peut pas grand'chose
pour la troubler.
Tout cela e&t très-vrai et nous n'avons certes point
à dire le contraire. Mais en quoi tout cela touche-t-il
à la possibilité d'établir un canal navigable entre la
mer Rouge et la Méditerranée?
Pénétrons jusqu'au fait cependant, et cherchons à
démêler dans cette abondance un peu vide les argu-
ments du Times.
Selon lui, le canal entre les deux mers est imprati-
cable parce que les Pharaons ne l'ont pas exécuté et
n'ont pas teulé de l'exécuter. Ils avaient à leur dispo-
sition une population des plus denses, dominée par un
corps de prêtres les plus habiles et sous la loi de si
excellents systèmes qu'ils équivalaient à une véritable
organisation du travail. L'excellence du système des
Pharaons est encore une thèse assez hardie sous laplume
du Times. Ignore-t-il les centaines de milliers de vic-
times qu'a coûté la construction des Pyramides? Ne
sait-il pas que l'exécution du grand canal de Nécos
a coûté à ce souverain 120,000 hommes, et comment
peut-il à la fuis admirer un système qui a produit de
tels résultats et se récrier contre le mode de recru-
tement des travailleurs pour le canal actuel, lorsque
par ce moyen l'immense travail de la tranchée d'El-
Guisr a été accompli dans des conditions qui laissent
loin derrière elles les proportions de mortalité consta-
tée non-seulement dans les entreprises antérieures de
l'Egypte, mais encore dans tous les grands travaux
publics exécutés en Europe?
Toutefois, quelle est maintenant la valeur de l'ar-
gument? Le canal de la Méditerranée à Timsah est
impraticable parce que les Pharaons n'ont pas pu
ou voulu l'entreprendre : en ce moment il est entre-
pris et il est exécuté. Les eaux de la Méditerranée
sont dans le bassin de Timsah. Ce que les temps an-
ciens n'osaient pas essayer, le siècle moderne l'a exé-
cuté. La tranchée que les Pharaons n'ont pasfaite, elle
s'est faite sous Mohammed-Saïd; et en présence du
fait, l'objection du Times ne signifie rien, sinon que
les Pharaons, qu'il estime si haut, ont été dépassés
et vaincus. Ne pourrait-il point conserver quelque
c'était le seuil d'El-Guisr, d'une élévation allant jusqu'à
20 mètres au-dessus du niveau de la mer, et d'une
étendue de 14 kilomètres. C'était là que nous atten-
daient nos contradicteurs ; c'était là que le projet
devait être convaincu d'impuissance ; c'était là que,
au milieu d'un désert aride, refusant tout aux be-
soins de l'homme, sous des chaleurs formidables, sous
l'invasion des sables, sous les coups du khamsin, nous
devions avoir à remplir un véritable tonneau des
Danaïdes et à voir mourir d'épuisement, de soif et
de faim les infortunés travailleurs qu'on entraînait
à cette folle entreprise. Nos adversaires , en effet,
avaient bien jugé le côté faible de l'armure. Si de
graves difficultés étaient à surmonter, c'était bien
sur ces lieux éloignés, désolés, isolés, sans ressources,
et formant le point culminant de toute la ligne.
Pourtant tous ces obstacles ont été vaincus ; ils l'ont
été avec un bonheur, une rapidité, un succès qui a
excédé toutes les attentes. Malgré tant de prédic-
tions sinistres, sur ce champ de bataille du travail,
au sein de ces solitudes immémoriales, l'humanité
n'a rien eu à regretter. Le khamsina soufflé et n'a pas
laissé de traces. Ces sables qui devaient couler sur
la tête des travailleurs se sont dressés en berges
solides et compactes. A l'heure qu'il est, la Méditerra-
née atteint le lac Timsah, comme les eaux de
Timsah se sont précédemment mêlées quatre fois aux
eaux de la mer Rouge.
Voilà ce que le Times annonçait au monde par son
télégramme du 28 novembre, et voilà ce que nous
pensions qu'avec le monde entier il accueillerait
comme la preuve acquise du peu de fondement de
ses craintes ou de ses espérances.
C'est justement en face de cet événement, le len-
demain de son télégramme publié le 28, c'est le
29 novembre que le Times se met à écrire un article
pour déclarer à l'Angleterre et à l'Europe que le
canal de Suez est une œuvre impossible et insensée.
N'est-ce point là, comme nous le disions au début,
pousser jusqu'à l'excès la passion des thèses excen-
triques ?
Rendons toutefois justice à l'écrivain. Il est lui-
même assez embarrassé de son rôle, et en lisant son
exorde nous nous sommes involontairement rappelé
ce cri échappé à la pudeur de Phcdre :
Ciel ! que vais-je lui dire et par où commencer !
Il commence en effet par nous apprendre que le
Nil et l'isthme sont deux merveilles placées en
Egypte; que le Nil est la vie du peuple égyptien;
que c'est lui qui féconde le sol ; que sans lui ce sol
serait stérile; que l'isthme est une simple langue de
terre qui sépare l'Orient de l'Occident; que ses sables
et ses marécages sont l'obstacle qui empêche la
jonction des deux mers, truismes que nous n'avons
certes aucun intérêt à contester, et que le Times pou-
vait épargner à l'érudition de ses lecteurs,* quelque
modeste qu'il la suppose.
Et notre confrère finit à peu près comme il a com-
mencé. Après nous avoir au début enseigné tant de
choses neuves sur l'Égypte, il nous en révèle dans sa
péroraison de non moins neuves sur l'Inde. L'Inde est
géographiquement dans une position curieuse à
méditer. Elle n'est pas étrangère aux complications
du monde. Les Anglais ont fondé un grand empire
dans cette Péninsule. C'est une phase étrange de
l'histoire, et M. de Lesseps ne peut pas grand'chose
pour la troubler.
Tout cela e&t très-vrai et nous n'avons certes point
à dire le contraire. Mais en quoi tout cela touche-t-il
à la possibilité d'établir un canal navigable entre la
mer Rouge et la Méditerranée?
Pénétrons jusqu'au fait cependant, et cherchons à
démêler dans cette abondance un peu vide les argu-
ments du Times.
Selon lui, le canal entre les deux mers est imprati-
cable parce que les Pharaons ne l'ont pas exécuté et
n'ont pas teulé de l'exécuter. Ils avaient à leur dispo-
sition une population des plus denses, dominée par un
corps de prêtres les plus habiles et sous la loi de si
excellents systèmes qu'ils équivalaient à une véritable
organisation du travail. L'excellence du système des
Pharaons est encore une thèse assez hardie sous laplume
du Times. Ignore-t-il les centaines de milliers de vic-
times qu'a coûté la construction des Pyramides? Ne
sait-il pas que l'exécution du grand canal de Nécos
a coûté à ce souverain 120,000 hommes, et comment
peut-il à la fuis admirer un système qui a produit de
tels résultats et se récrier contre le mode de recru-
tement des travailleurs pour le canal actuel, lorsque
par ce moyen l'immense travail de la tranchée d'El-
Guisr a été accompli dans des conditions qui laissent
loin derrière elles les proportions de mortalité consta-
tée non-seulement dans les entreprises antérieures de
l'Egypte, mais encore dans tous les grands travaux
publics exécutés en Europe?
Toutefois, quelle est maintenant la valeur de l'ar-
gument? Le canal de la Méditerranée à Timsah est
impraticable parce que les Pharaons n'ont pas pu
ou voulu l'entreprendre : en ce moment il est entre-
pris et il est exécuté. Les eaux de la Méditerranée
sont dans le bassin de Timsah. Ce que les temps an-
ciens n'osaient pas essayer, le siècle moderne l'a exé-
cuté. La tranchée que les Pharaons n'ont pasfaite, elle
s'est faite sous Mohammed-Saïd; et en présence du
fait, l'objection du Times ne signifie rien, sinon que
les Pharaons, qu'il estime si haut, ont été dépassés
et vaincus. Ne pourrait-il point conserver quelque
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.94%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.94%.
- Collections numériques similaires Thématique : ingénierie, génie civil Thématique : ingénierie, génie civil /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCthèm02"Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp11" Corpus : ports et travaux maritimes Corpus : ports et travaux maritimes /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp16"
- Auteurs similaires Desplaces Ernest Desplaces Ernest /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Desplaces Ernest" or dc.contributor adj "Desplaces Ernest")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 10/24
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k62033101/f10.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k62033101/f10.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k62033101/f10.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k62033101
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k62033101
Facebook
Twitter