Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1861-12-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 décembre 1861 15 décembre 1861
Description : 1861/12/15 (A6,N132). 1861/12/15 (A6,N132).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203285d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
396 L'ISTHME DE SUEZ,
campagne prochaine, qui va s'ouvrir en novem-
bre.
» Je viens, encore une fois, de quitter le désert
pour me rendre à Alexandrie, et j'ai parcouru toute
la ligne des travaux attentivement et par étapes,
pour pouvoir rendre compte de ce qui s'y passait au
médecin en chef; ce ne sera donc que de visu et
nullement par des on dit que je te parlerai.
» J'ai quitté le seuil d'El-Guisr (mon campement
depuis le mois de mai), le 17 septembre, à 4 heures
du soir, pour me rendre à Alexandrie, à travers la
vallée de Gessen. Laissant à ma gauche la rigole d'eau
douce, les ruines de Rhamsès et les traces de l'ancien
canal dont les berges sont encore, malgré les siècles,
parfaitement conservées. J'arrivai à 9 heures sur les
bords du lac Maxama, qui n'est autre chose qu'un
vaste bassin naturel, véritable déversoir destiné à
recevoir le trop plein du Nil par les canaux de Za-
gazig et les deux canaux de l'Ouadée. Je couchai
dans la maison des ingénieurs et le lendemain, 18, au
point du jour, je suivais le tracé du canal d'eau douce,
et en une heure j'étais au campement de Tel-el-Ro-
tabé à la pointe de l'Ouadée, où commencent les cultu-
res et où finit le désert. C'est un peu plus haut de
Tel-el-Rotabé et tout près de Salsalamont que le canal
d'eau douce vient prendre son eau du canal de l'Oua-
dée ; je ne sais si le tracé que je t'envoie te donnera
une idée juste de la chose, mais vous pouvez con-
sulter la carte de l'isthme récemment publiée et vous
y trouverez les détails parfaitement rendus. Je sé-
journai peu à Tel-el-Rotabé et me rendis à Tel-el-Ke-
bir, beau village où se trouve un des palais du
vice-roi, qui fut bâti par Mehemet-Ali, et que jamais
prince n'a habité ; vaste grange sans luxe et sans
faste, qui donnerait aux étrangers une bien triste
idée du confortable et de la splendeur des princes
d'Orient. Je laissai passer la forte chaleur en m'instal-
lant au café maure, sous une treille, supportée par
de larges colonnes en granit, après mon frugal
déjeuner et après avoir fumé mon cigare ; il était
midi, le soleil dardait d'aplomb et il n'y avait pas
moyen de se remettre en route; nos dromadaires
couchés et harnachés seraient bien partis, mais nos
chameliers ne s'en souciaient guère ni moi non plus,
franchement.
» Il faisait bon à l'ombre et je me résignai à pren-
dre patience en faisant une bonne sieste. Je me
réveillai à 2 heures ; mais j'avais compté sans les
habitants du village : mon domestique avait eu la
maladresse de dire aux curieux, il y en a partout,
que j'étais Vakin-bachi, le médecin de la-Compagnie.
Dans un instant les galeries du café furent envahies
par tout ce qu'il y avait de borgnes, boiteux, lépreux
et malades de toute sorte à une lieue à la ronde ; force
fut de m'exécuter, et je donnai de bonne grâce mes
consultations ; mais ils voulaient des médicaments,
ce que je ne pouvais leur donner, et malgré moi ces
pauvres gens se retirèrent à moitié satisfaits, me
laissant comme témoignage de leur reconnaissance
des régimes de dattes, des bananes, des raisins, dont
je fis don à mes chameliers, ravis de cette bonne au-
baine. Puisque je te parle de nos chameliers, que je
te fasse part de leur costume tout à fait uniforme :
il se compose d'un large pantalon blanc, d'une che-
mise aux larges manches, d'un gilet de couleur bleue,
d'une grande tunique rayée blanc et marron foncé,
ouverte sur le côté, au sommet, pour laisser passer
les bras; c'est l'abaye, vêtement dont l'origine remonte
à la plus haute antiquité et que portaient les anciens
patriarches. Pour coiffure, un tarbouch et la couffié,
large mouchoir en soie et coton rayé et à couleurs
brillantes, à franges et à glands, qu'ils placent car-
rément sur la tête et qu'ils fixent au moyen d'une
corde à nœuds coulants, en poil de chameau, autour
de la tête. Les bouts de la couffié qui retombent sur
la figure et le cou, les abritent des rayons du soleil,
et par leur agitation continuelle, en fouettant l'air,
les rafraîchissent un peu. C'est, je crois, la coiffure
par excellence dans ce pays-là, et tous les Européens
finissent par l'adopter. A 3 heures nous nous mettions
en route pour arriver à 6 heures à Zagazig où je
couchai. Le lendemain matin le chemin de fer m'em-
porta vers Alexandrie. Je descendis à l'hôtel d'Angle-
terre et c'est de là que je t'écris, mes croisées ou-
vertes, mes yeux vers la mer ; je cause avec toi, mon
cher Charles, comme si tu étais là à me toucher la
main, franchissant par la pensée cette immense nappe
d'eau qui nous sépare, et qu'il me tarde de franchir
de nouveau en réalité, pour me rapprocher de ceux
que j'aime et qui me sont chers.
» Ma lettre, à partir de ce moment, peut être con-
sidérée comme la suite de celle que j'ai adressée au
Cercle : tu verras qu'elle s'y rattache par bien des
points et qu'elle la complète : je serai heureux si elle
te satisfait et si elle répond d'une manière précise
aux questions que tu me poses. Tu peux dire à ceux
qui en doutent encore que l'entreprise du percement
de l'isthme de Suez n'est pas une chimère, que ce
sera une vérité : que la Compagnie redouble d'efforts
pour atteindre son but malgré les difficultés réelles
qui existent et les tracasseries incessantes auxquelles
elle est en butte. L'administration se complète, le per-
sonnel augmente en raison des nouveaux besoins que
l'augmentation des points nouveaux que l'on occupe
nécessitent.
» On vient de créer une intendance générale char-
gée des vivres, approvisionnements et transports :
c'est une charge de moins pour l'administration des
travaux, qui a déjà maintenant assez à faire ; c'est
un intendant militaire, M. Angot, qui est à la tête
de cette intendance, dont les rouages vont se mettre
en mouvement. La campagne nouvelle qui va s'ou-
campagne prochaine, qui va s'ouvrir en novem-
bre.
» Je viens, encore une fois, de quitter le désert
pour me rendre à Alexandrie, et j'ai parcouru toute
la ligne des travaux attentivement et par étapes,
pour pouvoir rendre compte de ce qui s'y passait au
médecin en chef; ce ne sera donc que de visu et
nullement par des on dit que je te parlerai.
» J'ai quitté le seuil d'El-Guisr (mon campement
depuis le mois de mai), le 17 septembre, à 4 heures
du soir, pour me rendre à Alexandrie, à travers la
vallée de Gessen. Laissant à ma gauche la rigole d'eau
douce, les ruines de Rhamsès et les traces de l'ancien
canal dont les berges sont encore, malgré les siècles,
parfaitement conservées. J'arrivai à 9 heures sur les
bords du lac Maxama, qui n'est autre chose qu'un
vaste bassin naturel, véritable déversoir destiné à
recevoir le trop plein du Nil par les canaux de Za-
gazig et les deux canaux de l'Ouadée. Je couchai
dans la maison des ingénieurs et le lendemain, 18, au
point du jour, je suivais le tracé du canal d'eau douce,
et en une heure j'étais au campement de Tel-el-Ro-
tabé à la pointe de l'Ouadée, où commencent les cultu-
res et où finit le désert. C'est un peu plus haut de
Tel-el-Rotabé et tout près de Salsalamont que le canal
d'eau douce vient prendre son eau du canal de l'Oua-
dée ; je ne sais si le tracé que je t'envoie te donnera
une idée juste de la chose, mais vous pouvez con-
sulter la carte de l'isthme récemment publiée et vous
y trouverez les détails parfaitement rendus. Je sé-
journai peu à Tel-el-Rotabé et me rendis à Tel-el-Ke-
bir, beau village où se trouve un des palais du
vice-roi, qui fut bâti par Mehemet-Ali, et que jamais
prince n'a habité ; vaste grange sans luxe et sans
faste, qui donnerait aux étrangers une bien triste
idée du confortable et de la splendeur des princes
d'Orient. Je laissai passer la forte chaleur en m'instal-
lant au café maure, sous une treille, supportée par
de larges colonnes en granit, après mon frugal
déjeuner et après avoir fumé mon cigare ; il était
midi, le soleil dardait d'aplomb et il n'y avait pas
moyen de se remettre en route; nos dromadaires
couchés et harnachés seraient bien partis, mais nos
chameliers ne s'en souciaient guère ni moi non plus,
franchement.
» Il faisait bon à l'ombre et je me résignai à pren-
dre patience en faisant une bonne sieste. Je me
réveillai à 2 heures ; mais j'avais compté sans les
habitants du village : mon domestique avait eu la
maladresse de dire aux curieux, il y en a partout,
que j'étais Vakin-bachi, le médecin de la-Compagnie.
Dans un instant les galeries du café furent envahies
par tout ce qu'il y avait de borgnes, boiteux, lépreux
et malades de toute sorte à une lieue à la ronde ; force
fut de m'exécuter, et je donnai de bonne grâce mes
consultations ; mais ils voulaient des médicaments,
ce que je ne pouvais leur donner, et malgré moi ces
pauvres gens se retirèrent à moitié satisfaits, me
laissant comme témoignage de leur reconnaissance
des régimes de dattes, des bananes, des raisins, dont
je fis don à mes chameliers, ravis de cette bonne au-
baine. Puisque je te parle de nos chameliers, que je
te fasse part de leur costume tout à fait uniforme :
il se compose d'un large pantalon blanc, d'une che-
mise aux larges manches, d'un gilet de couleur bleue,
d'une grande tunique rayée blanc et marron foncé,
ouverte sur le côté, au sommet, pour laisser passer
les bras; c'est l'abaye, vêtement dont l'origine remonte
à la plus haute antiquité et que portaient les anciens
patriarches. Pour coiffure, un tarbouch et la couffié,
large mouchoir en soie et coton rayé et à couleurs
brillantes, à franges et à glands, qu'ils placent car-
rément sur la tête et qu'ils fixent au moyen d'une
corde à nœuds coulants, en poil de chameau, autour
de la tête. Les bouts de la couffié qui retombent sur
la figure et le cou, les abritent des rayons du soleil,
et par leur agitation continuelle, en fouettant l'air,
les rafraîchissent un peu. C'est, je crois, la coiffure
par excellence dans ce pays-là, et tous les Européens
finissent par l'adopter. A 3 heures nous nous mettions
en route pour arriver à 6 heures à Zagazig où je
couchai. Le lendemain matin le chemin de fer m'em-
porta vers Alexandrie. Je descendis à l'hôtel d'Angle-
terre et c'est de là que je t'écris, mes croisées ou-
vertes, mes yeux vers la mer ; je cause avec toi, mon
cher Charles, comme si tu étais là à me toucher la
main, franchissant par la pensée cette immense nappe
d'eau qui nous sépare, et qu'il me tarde de franchir
de nouveau en réalité, pour me rapprocher de ceux
que j'aime et qui me sont chers.
» Ma lettre, à partir de ce moment, peut être con-
sidérée comme la suite de celle que j'ai adressée au
Cercle : tu verras qu'elle s'y rattache par bien des
points et qu'elle la complète : je serai heureux si elle
te satisfait et si elle répond d'une manière précise
aux questions que tu me poses. Tu peux dire à ceux
qui en doutent encore que l'entreprise du percement
de l'isthme de Suez n'est pas une chimère, que ce
sera une vérité : que la Compagnie redouble d'efforts
pour atteindre son but malgré les difficultés réelles
qui existent et les tracasseries incessantes auxquelles
elle est en butte. L'administration se complète, le per-
sonnel augmente en raison des nouveaux besoins que
l'augmentation des points nouveaux que l'on occupe
nécessitent.
» On vient de créer une intendance générale char-
gée des vivres, approvisionnements et transports :
c'est une charge de moins pour l'administration des
travaux, qui a déjà maintenant assez à faire ; c'est
un intendant militaire, M. Angot, qui est à la tête
de cette intendance, dont les rouages vont se mettre
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