Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1861-09-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 septembre 1861 01 septembre 1861
Description : 1861/09/01 (A6,N125). 1861/09/01 (A6,N125).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62032788
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
276 L'ISTHME DE SUEZ,
Par moments, un éclair dans ses yeux durs et froids
S'allume. Mais d'où vient qu'il pâlit quelquefois?
Il est jeune, sa main porte le double glaive :
Il est Émir, Iman ! Il peut tout ce qu'il rêve ;
Où sont-ils ses rivaux, leurs soldats' et leurs tours?
Demandez à la mer, aux sables, aux vautours !
Il renverse, il relève, il brise, il crée, il fonde,
Il pèse tout entier sur chaque point du monde !
Bornant sa joie à voir les peuples endormis,
Il triomphe en lui-même, il règne sans amis,
Et son impitoyable et longue ingratitude
Autour de sa grandeur a fait la solitude !
Ce silence lui plaît, rien dont il soit troublé.
Regardez, cependant : le despote a tremblé !
Il tremble : il n'est plus sûr de l'effroi qu'il inspire;
Il cherche un homme, un bras, pour sauver son empire;
Mais il fit mettre à mort son plus cher lieutenant (1),
Qui donc affrontera sa faveur maintenant?
Il tremble : le réveil des nations commence,
Et Thaleb, un rebelle, arme une flotte immense.
Le canal, que la main des rois égyptiens
Creusa jusqu'à Colzum, depuis les temps anciens,
Par la mer Érythrée unissant les deux mondes,
Conduit dans le désert le Nil aux eaux fécondes (2) ;
Deux vaisseaux, sans remplir son lit large et profond,
A la rame, à la voile, y vogueraient de front (3) ;
Toute une flotte enfin peut, en un jour néfaste,
Partant de Patumos, aborder à Bubaste.
Le Khalife le sait, et, plus près du péril,
Croit toujours voir Thaleb remonter jusqu'au Nil 1
Que faire ? Les terreurs l'assiègent sans relâche !
Ce fourbe, ce cruel, ce superbe est un lâche !
— « Oh 1 soyez maudits tous, crie alors le tyran,
Soyez maudits, Nécos, Ptolémée et Trajan,
Dont l'art funeste, aux flots ménageant ce passage,
Dérangea dans ses plans la nature plus sage ?
Vous ne saviez donc point, par l'orgueil égarés,
Que l'on domine mieux des peuples séparés;
Que les sables, les monts, naturelles frontières,
Nous servent de remparts, leur servant de barrières,
Et que vous désarmiez les princes à venir,
Rois paternels, rois fous qu'on s'obstine à bénir! »
Il dit, mais l'impuissance est au fond de sa rage ;
Et tous ses conseillers, faible et vil entourage,
N'ont pas même un avis utile ou hasardeux,
Quand un vieillard, un Juif, s'avance au milieu d'eux :
— « Maître, si le récit qu'on m'a fait est fidèle,
Tu crains que le canal ne profite au rebelle ?
(1) Abou-Moslem.
(2) Le canal des anciens unissait indirectement la mer Rouge
(Érythrée) à la Méditerranée ; il commençait à Bubaste, empruntait
l'eau du Nil, et de là se dirigeait vers la mer Rouge, où il se je-
tait, à Patumos, dans le golfe de Colzum.
(3) Hérodote.
— Il est vrai : je ne puis, sans un retard fatal,
M'en emparer.
— Fais mieux : supprime le canal (1) !
Je sais comment le Nil, arrêté dans sa course,
De ce canal maudit est devenu la source ;
Du travail des anciens j'ai surpris le secret,
J'ai retrouvé leurs plans ; ordonne ! Je suis prêt,
Et, pour aider le fleuve à servir ta querelle,
Je lui rendrai bientôt sa pente naturelle.
— Eh bien ! j'y consens, Juif. N'épargne rien, d'ailleurs ;
Choisis les ouvriers toi-même, et les meilleurs;
De ma dette c'est toi qui fixeras la somme.
— Maître, pour te servir, tout est possible à l'homme. »
11 partit. Du succès le Khalife doutait ;
Sa promesse, pourtant, le Juif l'exécutait.
L'eau du canal décrut le long des quais superbes,
Le courant vers la mer coucha les hautes herbes,
Puis la vase parut, et bientôt l'on put voir
Ce qui reste d'un fleuve : un lit fétide et noir !
Le sable désormais, reprenant son domaine,
Va lenlement couvrir cette grande œuvre humaine.
Le Juif revient joyeux, se croyant en faveur;
Al-Mansour, cependant, satisfait, mais rêveur,
Se dit: Il Par Mahomet! ce Juif est bien habile 1
Mais l'âme d'un tel homme est vénale et mobile,
Mes ennemis pourraient l'acheter à leur tour. »
C'est pourquoi, sans trahir sa promesse, Al-Mansour,
Lorsque vint le savant présenter sa requête,
Après l'avoir payé, lui fit trancher la tête.
II.
Le vice-roi d'Egypte.
Le désert ! l'horizon d'une morne rougeur,
Prison sans murs qui marche avec le voyageur !
Point d'arbres, un sol noir, quelque vautour qui plane,
L'hyène qui, de loin, guette la caravane,
Et parfois le simoun, horrible et furieux,
Soulevant l'Océan des sables jusqu'aux cieux 1
Ici rien n'aime l'homme et rien ne le redoute,
Rien ne distrait les yeux, rien ne charme la route.
Cependant, en ce lieu fatal et désolé
L'homme régnait jadis. Il s'en est exilé 1
Mais on retrouve encor, sous la ronce et le sable,
D'un travail merveilleux la trace ineffaçable,
Et dans le lit du fleuve abandonné, souvent,
Le pâtre libyen vient s'abriter du vent.
Ces deux hommes qui vont dans cette solitude,
Quels sont-ils ? — L'un est jeune et de noble attitude,
(1) Le khalife Al-Mansour, en effet, fit combler le canal de Suez,
en 775, pour empêcher Thaleb d'attaquer l'Égypte et de recevoir
des secours d'hommes et de vivres. (Voir Makrysy, Commentaires
sur l'Égypte.)
Par moments, un éclair dans ses yeux durs et froids
S'allume. Mais d'où vient qu'il pâlit quelquefois?
Il est jeune, sa main porte le double glaive :
Il est Émir, Iman ! Il peut tout ce qu'il rêve ;
Où sont-ils ses rivaux, leurs soldats' et leurs tours?
Demandez à la mer, aux sables, aux vautours !
Il renverse, il relève, il brise, il crée, il fonde,
Il pèse tout entier sur chaque point du monde !
Bornant sa joie à voir les peuples endormis,
Il triomphe en lui-même, il règne sans amis,
Et son impitoyable et longue ingratitude
Autour de sa grandeur a fait la solitude !
Ce silence lui plaît, rien dont il soit troublé.
Regardez, cependant : le despote a tremblé !
Il tremble : il n'est plus sûr de l'effroi qu'il inspire;
Il cherche un homme, un bras, pour sauver son empire;
Mais il fit mettre à mort son plus cher lieutenant (1),
Qui donc affrontera sa faveur maintenant?
Il tremble : le réveil des nations commence,
Et Thaleb, un rebelle, arme une flotte immense.
Le canal, que la main des rois égyptiens
Creusa jusqu'à Colzum, depuis les temps anciens,
Par la mer Érythrée unissant les deux mondes,
Conduit dans le désert le Nil aux eaux fécondes (2) ;
Deux vaisseaux, sans remplir son lit large et profond,
A la rame, à la voile, y vogueraient de front (3) ;
Toute une flotte enfin peut, en un jour néfaste,
Partant de Patumos, aborder à Bubaste.
Le Khalife le sait, et, plus près du péril,
Croit toujours voir Thaleb remonter jusqu'au Nil 1
Que faire ? Les terreurs l'assiègent sans relâche !
Ce fourbe, ce cruel, ce superbe est un lâche !
— « Oh 1 soyez maudits tous, crie alors le tyran,
Soyez maudits, Nécos, Ptolémée et Trajan,
Dont l'art funeste, aux flots ménageant ce passage,
Dérangea dans ses plans la nature plus sage ?
Vous ne saviez donc point, par l'orgueil égarés,
Que l'on domine mieux des peuples séparés;
Que les sables, les monts, naturelles frontières,
Nous servent de remparts, leur servant de barrières,
Et que vous désarmiez les princes à venir,
Rois paternels, rois fous qu'on s'obstine à bénir! »
Il dit, mais l'impuissance est au fond de sa rage ;
Et tous ses conseillers, faible et vil entourage,
N'ont pas même un avis utile ou hasardeux,
Quand un vieillard, un Juif, s'avance au milieu d'eux :
— « Maître, si le récit qu'on m'a fait est fidèle,
Tu crains que le canal ne profite au rebelle ?
(1) Abou-Moslem.
(2) Le canal des anciens unissait indirectement la mer Rouge
(Érythrée) à la Méditerranée ; il commençait à Bubaste, empruntait
l'eau du Nil, et de là se dirigeait vers la mer Rouge, où il se je-
tait, à Patumos, dans le golfe de Colzum.
(3) Hérodote.
— Il est vrai : je ne puis, sans un retard fatal,
M'en emparer.
— Fais mieux : supprime le canal (1) !
Je sais comment le Nil, arrêté dans sa course,
De ce canal maudit est devenu la source ;
Du travail des anciens j'ai surpris le secret,
J'ai retrouvé leurs plans ; ordonne ! Je suis prêt,
Et, pour aider le fleuve à servir ta querelle,
Je lui rendrai bientôt sa pente naturelle.
— Eh bien ! j'y consens, Juif. N'épargne rien, d'ailleurs ;
Choisis les ouvriers toi-même, et les meilleurs;
De ma dette c'est toi qui fixeras la somme.
— Maître, pour te servir, tout est possible à l'homme. »
11 partit. Du succès le Khalife doutait ;
Sa promesse, pourtant, le Juif l'exécutait.
L'eau du canal décrut le long des quais superbes,
Le courant vers la mer coucha les hautes herbes,
Puis la vase parut, et bientôt l'on put voir
Ce qui reste d'un fleuve : un lit fétide et noir !
Le sable désormais, reprenant son domaine,
Va lenlement couvrir cette grande œuvre humaine.
Le Juif revient joyeux, se croyant en faveur;
Al-Mansour, cependant, satisfait, mais rêveur,
Se dit: Il Par Mahomet! ce Juif est bien habile 1
Mais l'âme d'un tel homme est vénale et mobile,
Mes ennemis pourraient l'acheter à leur tour. »
C'est pourquoi, sans trahir sa promesse, Al-Mansour,
Lorsque vint le savant présenter sa requête,
Après l'avoir payé, lui fit trancher la tête.
II.
Le vice-roi d'Egypte.
Le désert ! l'horizon d'une morne rougeur,
Prison sans murs qui marche avec le voyageur !
Point d'arbres, un sol noir, quelque vautour qui plane,
L'hyène qui, de loin, guette la caravane,
Et parfois le simoun, horrible et furieux,
Soulevant l'Océan des sables jusqu'aux cieux 1
Ici rien n'aime l'homme et rien ne le redoute,
Rien ne distrait les yeux, rien ne charme la route.
Cependant, en ce lieu fatal et désolé
L'homme régnait jadis. Il s'en est exilé 1
Mais on retrouve encor, sous la ronce et le sable,
D'un travail merveilleux la trace ineffaçable,
Et dans le lit du fleuve abandonné, souvent,
Le pâtre libyen vient s'abriter du vent.
Ces deux hommes qui vont dans cette solitude,
Quels sont-ils ? — L'un est jeune et de noble attitude,
(1) Le khalife Al-Mansour, en effet, fit combler le canal de Suez,
en 775, pour empêcher Thaleb d'attaquer l'Égypte et de recevoir
des secours d'hommes et de vivres. (Voir Makrysy, Commentaires
sur l'Égypte.)
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