Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1861-08-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 août 1861 15 août 1861
Description : 1861/08/15 (A6,N124). 1861/08/15 (A6,N124).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203277v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/06/2012
210 L'ISTHME DE SUEZ,
ser le crâne ou à lui traverser le cœur. Quand une
panthère n'est pas tuée sur le coup, elle devient fu-
rieuse et se jette sur celui qui l'a frappée. M. Bom-
boîmel a failli lui-même être victime d'une bête
qu'il n'avait fait que blesser.
Un jour, impatienté des longues nuits de veille
qu'il avait déjà passées à l'affût, il avait adressé à
son saint patron cette fatale prière : « 0 saint Hu-
bert, fais que j'arrive à l'abordage avec une panthère
ou un lion blessé; ce jour-là sera le plus beau de ma
vie! » L'intrépide chasseur est bientôt exaucé. Au
premier affût où il se place, la panthère plus prompte
que la foudre, tombe sur la chèvre et l'emporte
comme une souris. La panthère se présente à 3 mè-
tres de lui, sans qu'il puisse distinguer ni la -queue
ni fa tête. Il tire à tout hasard au milieu de la masse
noire : la bête tombe en se ruant sur la chèvre et en
poussant des cris rauques etfeffrayants ; il lui avait
brisé les deux pattes de devant.
Uninstant repasse. M. Bombonnel la croyantmorte,
sort de son buisson. Mais à peine la panthère l'a-t-
elle aperçu qu'ellese double sur ses pattes de derrière,
se jette sur lui et le culbute comme aurait fait une
locomotive. Elle cherche à l'étrangler. See premiers
coups sont amortis par un capuchon qui retombe sur
le cou du chasseur. Elle finit par lui prendre la tête
et l'emboîte tout entière dans sa large gueule. Réu-
nissant alors tout ce qui lui reste de force, M. Bom-
bonnel la serre par le cou, en élevant les mains pour
se dégager de sa mâchoire. Il soulève si vigoureu-
sement la panthère, qu'elle glisse sur lui; et ne pou-
vant se retenir sur ses deux pattes de devant qui
sont brisées, elle roule au fond d'un ravin.
M. Bombonnel put alors se relever; mais il n'était
plus en état de retourner sur ses jambes à Alger. Le
médecin qui le soigna et parvint à le sauver dressa
le procès-verbal de ses blessures : il en avait cinq à
la main gauche, huit au bras, quatre à la tête lais-
sant l'os frontal à découvert, dix au visage; il avait
en outre les os du nez brisés et cinq dents enlevées.
Aussitôt relevé de sa maladie, la première démarche
de M. Bombonnel fut de se rendre à l'église de Bab-
Azoum pour remercier Dieu et assister à une messe
en l'honneur de saint Hubert.
L'expérience l'avait convaincu de ce que lui avaient
plusieurs fois affirmé les Arabes, qu'il n'y avait pas
moyen de lutter corps à corps avec une panthère, et
qu'on ne saurait apporter trop de prudence dans cette
chasse : aussi ne voulait-il point avoir de compagnon
de -chassé. Les Arabes ne le gênaient jamais sous ce
rapport, et s'empressaient d'attacher sa chèvre avant
le coucher du soleil, pour ne revenir qu'au jour.
Une fois, des chasseurs d'Alger, mécontents de son
refus, voulurent le précéder. Us avaient loué un che-
- val et une voiture, puis ils étaient partis emportant
pour appât l'un une chèvre, l'autre un chevreau, le
troisième un cochon de lait. A peine avaient-ils atta-
ché leur cheval au premier buisson venu pour s'en-
foncer dans la broussaille, que la panthère, attirée
par les cris des animaux domestiques, sort du bois,
et, trouvant le cheval sur sa route, ne va pas cher-
cher plus loin son souper. Sans.prendre la peine de
le dételer, elle lui mange le poitrail et s'en retourne
silencieusement comme elle était venue. Après l'avoir
longtemps attendue, les trois chasseurs retournèrent
à leur équipage. Ce fut pour eux une grande mysti-
fication. Ils en furent réduits à regagner pédestre-
ment la ville et à payer le cheval au double de sa
valeur.
Cependant l'inflexibilité de M. Bombonnel céda un
peu plus tard devant les instances que lui fit un
voyageur allemand en faveur de sa jeune femme.
Elle venait de parcourir l'Europe, entière; sa curio-
sité n'était pas encore satisfaite : elle voulait assister
à une chasse à la panthère. Ni les fatigues qu'il fal-
lait éprouver, ni le silence et l'immobilité absolus
qu'il fallait observer pendant des nuits entières, ne
l'avaient effrayée. Enfin, elle avait promis de donner
10,000 francs aux pauvres si M. Bombonnel voulait
bien tuer une panthère sous ses yeux. La belle dame,
qui, pour ne scandaliser personne, s'était déguisée
en chasseur pendant plusieurs nuits d'affût fut fidèle
au programme; elle ne bougea point, malgré les
insectes qui l'assiégeaient, malgré les souris qui, lui
partant des jambes, venaient se promener sur sa tête.
Son courage, malheureusement pour les pauvres,
s'épuisa en pure perte : aucune panthère ne voulut
se présenter devant la noble étrangère, et il lui ial-
lut, regagner Alger, pour ne pas trop abuser de la
complaisance de son mari.
Du reste, toutes les nuits que passait M. Bombon-
nel n'étaient pas aussi monotones qu'on peut le sup-
poser. Observateur très-attentif, il avait souvent
d'intéressantes études de moeurs à faire, car il lui
passait sous les yeux des animaux de toutes espèces.
Un jour qu'il était à l'anùt dans un jardin d'un
plan un peu incliné, il vit un chacal couper la tige
d'une pastèque et la tirer par la queue. Après plu-
sieurs efforts infructueux pour lui faire remonter le
talus, la queue vint à se détacher. Le chacal en ap-
pela un autre à son aide. Mais la pastèque finissait
toujours par retomber. L'un des larrons imagina
alors de la serrer entre ses pattes, et l'autre prenant
son compagnon par les dents, parvint a le faire re-
monter comme un traîneau jusqu'en haut du talus.
Le livre de M. Bombonnel est rempli de peintures
de mœurs arabes très-saisissantes. Rien n'est eurieux
comme les réceptions qui lui sont faites : autant elles
sont froides quand on ne le connaît] pas, autant
elles ont d'fefitrain quand il a révélé son savoir-faire
en délivrant les tribus des panthères qui ravageaient
leurs troupeaux. Souvent les Arabes se réunissent
ser le crâne ou à lui traverser le cœur. Quand une
panthère n'est pas tuée sur le coup, elle devient fu-
rieuse et se jette sur celui qui l'a frappée. M. Bom-
boîmel a failli lui-même être victime d'une bête
qu'il n'avait fait que blesser.
Un jour, impatienté des longues nuits de veille
qu'il avait déjà passées à l'affût, il avait adressé à
son saint patron cette fatale prière : « 0 saint Hu-
bert, fais que j'arrive à l'abordage avec une panthère
ou un lion blessé; ce jour-là sera le plus beau de ma
vie! » L'intrépide chasseur est bientôt exaucé. Au
premier affût où il se place, la panthère plus prompte
que la foudre, tombe sur la chèvre et l'emporte
comme une souris. La panthère se présente à 3 mè-
tres de lui, sans qu'il puisse distinguer ni la -queue
ni fa tête. Il tire à tout hasard au milieu de la masse
noire : la bête tombe en se ruant sur la chèvre et en
poussant des cris rauques etfeffrayants ; il lui avait
brisé les deux pattes de devant.
Uninstant repasse. M. Bombonnel la croyantmorte,
sort de son buisson. Mais à peine la panthère l'a-t-
elle aperçu qu'ellese double sur ses pattes de derrière,
se jette sur lui et le culbute comme aurait fait une
locomotive. Elle cherche à l'étrangler. See premiers
coups sont amortis par un capuchon qui retombe sur
le cou du chasseur. Elle finit par lui prendre la tête
et l'emboîte tout entière dans sa large gueule. Réu-
nissant alors tout ce qui lui reste de force, M. Bom-
bonnel la serre par le cou, en élevant les mains pour
se dégager de sa mâchoire. Il soulève si vigoureu-
sement la panthère, qu'elle glisse sur lui; et ne pou-
vant se retenir sur ses deux pattes de devant qui
sont brisées, elle roule au fond d'un ravin.
M. Bombonnel put alors se relever; mais il n'était
plus en état de retourner sur ses jambes à Alger. Le
médecin qui le soigna et parvint à le sauver dressa
le procès-verbal de ses blessures : il en avait cinq à
la main gauche, huit au bras, quatre à la tête lais-
sant l'os frontal à découvert, dix au visage; il avait
en outre les os du nez brisés et cinq dents enlevées.
Aussitôt relevé de sa maladie, la première démarche
de M. Bombonnel fut de se rendre à l'église de Bab-
Azoum pour remercier Dieu et assister à une messe
en l'honneur de saint Hubert.
L'expérience l'avait convaincu de ce que lui avaient
plusieurs fois affirmé les Arabes, qu'il n'y avait pas
moyen de lutter corps à corps avec une panthère, et
qu'on ne saurait apporter trop de prudence dans cette
chasse : aussi ne voulait-il point avoir de compagnon
de -chassé. Les Arabes ne le gênaient jamais sous ce
rapport, et s'empressaient d'attacher sa chèvre avant
le coucher du soleil, pour ne revenir qu'au jour.
Une fois, des chasseurs d'Alger, mécontents de son
refus, voulurent le précéder. Us avaient loué un che-
- val et une voiture, puis ils étaient partis emportant
pour appât l'un une chèvre, l'autre un chevreau, le
troisième un cochon de lait. A peine avaient-ils atta-
ché leur cheval au premier buisson venu pour s'en-
foncer dans la broussaille, que la panthère, attirée
par les cris des animaux domestiques, sort du bois,
et, trouvant le cheval sur sa route, ne va pas cher-
cher plus loin son souper. Sans.prendre la peine de
le dételer, elle lui mange le poitrail et s'en retourne
silencieusement comme elle était venue. Après l'avoir
longtemps attendue, les trois chasseurs retournèrent
à leur équipage. Ce fut pour eux une grande mysti-
fication. Ils en furent réduits à regagner pédestre-
ment la ville et à payer le cheval au double de sa
valeur.
Cependant l'inflexibilité de M. Bombonnel céda un
peu plus tard devant les instances que lui fit un
voyageur allemand en faveur de sa jeune femme.
Elle venait de parcourir l'Europe, entière; sa curio-
sité n'était pas encore satisfaite : elle voulait assister
à une chasse à la panthère. Ni les fatigues qu'il fal-
lait éprouver, ni le silence et l'immobilité absolus
qu'il fallait observer pendant des nuits entières, ne
l'avaient effrayée. Enfin, elle avait promis de donner
10,000 francs aux pauvres si M. Bombonnel voulait
bien tuer une panthère sous ses yeux. La belle dame,
qui, pour ne scandaliser personne, s'était déguisée
en chasseur pendant plusieurs nuits d'affût fut fidèle
au programme; elle ne bougea point, malgré les
insectes qui l'assiégeaient, malgré les souris qui, lui
partant des jambes, venaient se promener sur sa tête.
Son courage, malheureusement pour les pauvres,
s'épuisa en pure perte : aucune panthère ne voulut
se présenter devant la noble étrangère, et il lui ial-
lut, regagner Alger, pour ne pas trop abuser de la
complaisance de son mari.
Du reste, toutes les nuits que passait M. Bombon-
nel n'étaient pas aussi monotones qu'on peut le sup-
poser. Observateur très-attentif, il avait souvent
d'intéressantes études de moeurs à faire, car il lui
passait sous les yeux des animaux de toutes espèces.
Un jour qu'il était à l'anùt dans un jardin d'un
plan un peu incliné, il vit un chacal couper la tige
d'une pastèque et la tirer par la queue. Après plu-
sieurs efforts infructueux pour lui faire remonter le
talus, la queue vint à se détacher. Le chacal en ap-
pela un autre à son aide. Mais la pastèque finissait
toujours par retomber. L'un des larrons imagina
alors de la serrer entre ses pattes, et l'autre prenant
son compagnon par les dents, parvint a le faire re-
monter comme un traîneau jusqu'en haut du talus.
Le livre de M. Bombonnel est rempli de peintures
de mœurs arabes très-saisissantes. Rien n'est eurieux
comme les réceptions qui lui sont faites : autant elles
sont froides quand on ne le connaît] pas, autant
elles ont d'fefitrain quand il a révélé son savoir-faire
en délivrant les tribus des panthères qui ravageaient
leurs troupeaux. Souvent les Arabes se réunissent
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