Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1861-03-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 mars 1861 01 mars 1861
Description : 1861/03/01 (A6,N113). 1861/03/01 (A6,N113).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62032662
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/06/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 79
1ère, à un mouvement irréfléchi dont il se repent bien-
tôt après, il est très-fréquent de voir les époux s'accor-
der de nouveau et se remettre en ménage quelques
jours après leur séparation, grâce à d'officieuses inter-
ventions de part et d'autre.
A Djeddah ces scènes conjugales qui amènent des sé-
parations violentes, suivies bientôt après de racommo-
dages plus ou moins durables et sincères, sont d'une
fréquence telle, que c'est à douter du moindre bon sens
chez d'aussi inconstants époux. Le Djeddaïen, quoique
assez flegmatique de sa nature, se contient difficile-
ment une fois qu'il est emporté par la colère ; aussi, en
fait de divorce, de la menace à l'exécution il n'y a pour
lui qu'un pas, et dès qu'il a prononcé la fatale formule
de la répudiation, il met incontinent et séance tenante
sa malheureuse femme littéralement à la porte avec
son bahut et ses hardes, et la laisse se débrouiller toute
seule pour se retirer chez ses parents. Il est vrai de
dire que cette colère conjugale ne tient pas longtemps,
et rarement il arrive qu'il ne reprenne pas sa femme au
bout de quelques jours, soit qu'il cède alors à la rai-
son et aux conseils de ses parents et amis, soit que l'at-
tachement ou plutôt la force de l'habitude le porte de
lui-même à revenir sur sa première résolution.
Je dois à la vérité de dire aussi que ces fréquentes et
éclatantes répudiations ne s'observent que dans la
classe ouvrière, et rarement ou presque jamais dans la
classe aisée et des notables. J'ai pour voisin un certain
brave homme au caractère acariâtre qui, depuis dix-
huit mois que je suis à Djeddah, en est à la sixième
répudiation de sa même femme, sans compter celles qui
ont eu lieu précédemment et sans porter préjudice à
celles qui les suivront sans doute encore. Les cris et
les invectives de toutes sortes que se jettaient mutuelle-
ment à la tête ces deux types d'époux atrabilaires et
emportés, et qui habitent à toucher ma maison, me
forçaient malgré moi d'assister à leurs débats conju-
gaux, et je compte au nombre de mes bonnes œuvres
d'être parvenu à les réconcilier deux ou trois fois par
l'intermédiaire de mon domestique. Ceux qui pâtissent
le plus de cette incroyable facilité avec laquelle le mu-
sulman divorce, sont évidemment les enfants qui nais-
sent de mariages aussi peu durables. La législation
musulmane établit pourtant qu'en cas de divorce, c'est
à la mère répudiée qu'est dévolu le soin d'élever les
enfants en bas âge, moyennant une pension alimentaire
que le père est tenu de lui faire jusqu'à l'époque où il
lui est donné de les retirer auprès de lui.
Des décès et des funérailles. — Vous ne sauriez vous ima-
giner avec quelle promptitude les morts, ou plutôt ceux
réputés comme tels, sont, à Djeddah, enlevés de leur
maison pour être portés en terre. A peine un malade
ferme-t-il les yeux qu'on le croit déjà trépassé et qu'un
concert de cris et de lamentations, à rendre mourants
les mieux portants, annonce à tout le quartier le deuil
de la famille ; le malade ne serait-il qu'évanoui que
ces cris perçants, le bruit qui se fait aussitôt autour de
lui et la foule qui l'entoure à l'étouffer, seraient plus
que suffisants pour le faire réellement passer à trépas.
Jamais un médecin n'est appelé pour constater la mort ;
aussi bien ce serait chose impossible, puisqu'il n'y a
ici en fait de médecin, pour ne pas parler des empi-
riques indigènes, qu'un seul officier de santé, ancien
élève de chirurgie, qui est en même temps le médecin,
le chirurgien et le pharmacien de la garnison turque
de la ville. C'est donc uniquement l'entourage du ma-
lade qui décide s'il a cessé de vivre et s'il faut procé-
der aux funérailles, grave responsabilité qui n'effraye
nullement ces individus qui souvent peuvent être in-
duits à prendre une simple syncope, une léthargie plus
ou moins prolongée pour une mort véritable. Pour ma
part, il m'est arrivé deux fois déjà de sauver peut-être
de l'affreux supplice d'être enterrés vivants deux pau-
vres diables, mes voisins, qui semblaient offrir les ap-
parences de la mort, mais qui étaient encore parfaite-
ment en vie. Je n'eus besoin pour cela faire que d'é-
loigner la foule de parents et d'amis qui entourait le
lit du malade, de débarrasser celui-ci des vêtements qui
pouvaient le gêner, de le coucher sur un plan horizon-
tal au lieu de le tenir assis, comme je le trouvai, et
de lui faire respirer de l'eau de Cologne très-forte.
Comme vous le pensez bien, je fus proclamé de suite
le plus habile hakim de la cité ; les bénédictions tom-
bèrent donc sur ma tête, et depuis lors il ne se passe
guère de semaine qu'on ne m'envoie prier de donner
quelques gouttes de cette eau merveilleuse pour faire
ressusciter des morts, si bien que ma provision de parfu-
merie y a passé en entier. L'ombre de Jean-Marie Farina
a dû en tressaillir de joie et d'orgueil.
Ceci vous donnera une idée de ce que je vous disais
de la promptitude avec laquelle les malades indigènes
passent de leur lit dans le fond d'une fosse creusée à la
hâte, et vous n'hésiterez pas à reconnaître avec moi
que bien de ces malheureux ont dû être enterrés vi-
vants, surtout en temps d'épidémies, quand par exemple
le choléra sévit à Djeddah ou à la Mecque,'aux époques
à peu près périodiques des pèlerinages.
Ordinairement, il ne se passe guère plus de trois à
quatre heures entre le moment de la mort, réelle ou
apparente, et celui où le corps est porté au cimetière.
Bien heureux sont les malades qui sont censés morts dans
le courant de la nuit; ceux-là, du moins, ont la chance
de revenir de plus loin, car les portes de la ville ne
s'ouvrant qu'au jour, ils ont le temps de sortir de leur
léthargie, s'ils ne sont que dans cet état, avant qu'on
ne les ait mis sous troisjpieds de terre.
Quoi qu'il en soit, dès :qu'on croit être sûr qu'une
personne est morte, on va prévenir le Beïk-el-mol, admi-
nistration qui rappelle un peu celle de nos curatelles
aux successions vacantes, et qui peut seule autoriser les
inhumations. — Si le mort appartient à une famille ai-
sée, c'est celle-ci qui fait tous les frais des funérailles ;
s'il est pauvre ou s'il est étranger à la ville, c'est le
Beïk-el-mol qui pourvoit à ces dépenses et qui s'en rem-
bourse sur la vente de la succession du défunt, le reli-
quat devant être gardé en dépôt pour être tenu à la
disposition des héritiers. Il va sans dire que si le mort
laisse en ville même des individus aptes à hériter de
lui, le Beïk-el-mol n'intervient pas dans le règlement
de la succession, sauf les cas, pourtant, où la loi attri-
bue à cette administration une part dans l'héritage. —
De toutes façons, un décès doit toujours lui être déclaré,
1ère, à un mouvement irréfléchi dont il se repent bien-
tôt après, il est très-fréquent de voir les époux s'accor-
der de nouveau et se remettre en ménage quelques
jours après leur séparation, grâce à d'officieuses inter-
ventions de part et d'autre.
A Djeddah ces scènes conjugales qui amènent des sé-
parations violentes, suivies bientôt après de racommo-
dages plus ou moins durables et sincères, sont d'une
fréquence telle, que c'est à douter du moindre bon sens
chez d'aussi inconstants époux. Le Djeddaïen, quoique
assez flegmatique de sa nature, se contient difficile-
ment une fois qu'il est emporté par la colère ; aussi, en
fait de divorce, de la menace à l'exécution il n'y a pour
lui qu'un pas, et dès qu'il a prononcé la fatale formule
de la répudiation, il met incontinent et séance tenante
sa malheureuse femme littéralement à la porte avec
son bahut et ses hardes, et la laisse se débrouiller toute
seule pour se retirer chez ses parents. Il est vrai de
dire que cette colère conjugale ne tient pas longtemps,
et rarement il arrive qu'il ne reprenne pas sa femme au
bout de quelques jours, soit qu'il cède alors à la rai-
son et aux conseils de ses parents et amis, soit que l'at-
tachement ou plutôt la force de l'habitude le porte de
lui-même à revenir sur sa première résolution.
Je dois à la vérité de dire aussi que ces fréquentes et
éclatantes répudiations ne s'observent que dans la
classe ouvrière, et rarement ou presque jamais dans la
classe aisée et des notables. J'ai pour voisin un certain
brave homme au caractère acariâtre qui, depuis dix-
huit mois que je suis à Djeddah, en est à la sixième
répudiation de sa même femme, sans compter celles qui
ont eu lieu précédemment et sans porter préjudice à
celles qui les suivront sans doute encore. Les cris et
les invectives de toutes sortes que se jettaient mutuelle-
ment à la tête ces deux types d'époux atrabilaires et
emportés, et qui habitent à toucher ma maison, me
forçaient malgré moi d'assister à leurs débats conju-
gaux, et je compte au nombre de mes bonnes œuvres
d'être parvenu à les réconcilier deux ou trois fois par
l'intermédiaire de mon domestique. Ceux qui pâtissent
le plus de cette incroyable facilité avec laquelle le mu-
sulman divorce, sont évidemment les enfants qui nais-
sent de mariages aussi peu durables. La législation
musulmane établit pourtant qu'en cas de divorce, c'est
à la mère répudiée qu'est dévolu le soin d'élever les
enfants en bas âge, moyennant une pension alimentaire
que le père est tenu de lui faire jusqu'à l'époque où il
lui est donné de les retirer auprès de lui.
Des décès et des funérailles. — Vous ne sauriez vous ima-
giner avec quelle promptitude les morts, ou plutôt ceux
réputés comme tels, sont, à Djeddah, enlevés de leur
maison pour être portés en terre. A peine un malade
ferme-t-il les yeux qu'on le croit déjà trépassé et qu'un
concert de cris et de lamentations, à rendre mourants
les mieux portants, annonce à tout le quartier le deuil
de la famille ; le malade ne serait-il qu'évanoui que
ces cris perçants, le bruit qui se fait aussitôt autour de
lui et la foule qui l'entoure à l'étouffer, seraient plus
que suffisants pour le faire réellement passer à trépas.
Jamais un médecin n'est appelé pour constater la mort ;
aussi bien ce serait chose impossible, puisqu'il n'y a
ici en fait de médecin, pour ne pas parler des empi-
riques indigènes, qu'un seul officier de santé, ancien
élève de chirurgie, qui est en même temps le médecin,
le chirurgien et le pharmacien de la garnison turque
de la ville. C'est donc uniquement l'entourage du ma-
lade qui décide s'il a cessé de vivre et s'il faut procé-
der aux funérailles, grave responsabilité qui n'effraye
nullement ces individus qui souvent peuvent être in-
duits à prendre une simple syncope, une léthargie plus
ou moins prolongée pour une mort véritable. Pour ma
part, il m'est arrivé deux fois déjà de sauver peut-être
de l'affreux supplice d'être enterrés vivants deux pau-
vres diables, mes voisins, qui semblaient offrir les ap-
parences de la mort, mais qui étaient encore parfaite-
ment en vie. Je n'eus besoin pour cela faire que d'é-
loigner la foule de parents et d'amis qui entourait le
lit du malade, de débarrasser celui-ci des vêtements qui
pouvaient le gêner, de le coucher sur un plan horizon-
tal au lieu de le tenir assis, comme je le trouvai, et
de lui faire respirer de l'eau de Cologne très-forte.
Comme vous le pensez bien, je fus proclamé de suite
le plus habile hakim de la cité ; les bénédictions tom-
bèrent donc sur ma tête, et depuis lors il ne se passe
guère de semaine qu'on ne m'envoie prier de donner
quelques gouttes de cette eau merveilleuse pour faire
ressusciter des morts, si bien que ma provision de parfu-
merie y a passé en entier. L'ombre de Jean-Marie Farina
a dû en tressaillir de joie et d'orgueil.
Ceci vous donnera une idée de ce que je vous disais
de la promptitude avec laquelle les malades indigènes
passent de leur lit dans le fond d'une fosse creusée à la
hâte, et vous n'hésiterez pas à reconnaître avec moi
que bien de ces malheureux ont dû être enterrés vi-
vants, surtout en temps d'épidémies, quand par exemple
le choléra sévit à Djeddah ou à la Mecque,'aux époques
à peu près périodiques des pèlerinages.
Ordinairement, il ne se passe guère plus de trois à
quatre heures entre le moment de la mort, réelle ou
apparente, et celui où le corps est porté au cimetière.
Bien heureux sont les malades qui sont censés morts dans
le courant de la nuit; ceux-là, du moins, ont la chance
de revenir de plus loin, car les portes de la ville ne
s'ouvrant qu'au jour, ils ont le temps de sortir de leur
léthargie, s'ils ne sont que dans cet état, avant qu'on
ne les ait mis sous troisjpieds de terre.
Quoi qu'il en soit, dès :qu'on croit être sûr qu'une
personne est morte, on va prévenir le Beïk-el-mol, admi-
nistration qui rappelle un peu celle de nos curatelles
aux successions vacantes, et qui peut seule autoriser les
inhumations. — Si le mort appartient à une famille ai-
sée, c'est celle-ci qui fait tous les frais des funérailles ;
s'il est pauvre ou s'il est étranger à la ville, c'est le
Beïk-el-mol qui pourvoit à ces dépenses et qui s'en rem-
bourse sur la vente de la succession du défunt, le reli-
quat devant être gardé en dépôt pour être tenu à la
disposition des héritiers. Il va sans dire que si le mort
laisse en ville même des individus aptes à hériter de
lui, le Beïk-el-mol n'intervient pas dans le règlement
de la succession, sauf les cas, pourtant, où la loi attri-
bue à cette administration une part dans l'héritage. —
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