Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1861-01-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 janvier 1861 15 janvier 1861
Description : 1861/01/15 (A6,N110). 1861/01/15 (A6,N110).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203263t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/06/2012
22 L'ISTHME DE SUEZ,
» Heureusement les vaincus, après la défaite, ne se
sont pas avisés de compter les vainqueurs; et l'on avait
dû prévoir qu'il en serait ainsi, tout comme on était
sûr que nos soldats, de leur côté et par un sentiment
absolument contraire, ne se donneraient pas la peine de
compter l'ennemi avant le combat. Nous voyons là quel-
que chose de plus qu'une explication, nous y trouvons
la justification même de cette entreprise habilement
préparée, résolûment conduite et merveilleusement
terminée.
» Ici commence la question chinoise : appelons-la par
son nom ; une question de plus ou de moins n'est pas
pour nous effrayer.
» Dans la défaite d'une innombrable armée par une
poignée d'hommes; dans l'humiliation d'un souverain,
a le Fils du Ciel, » presque un dieu pour ses peuples,
nous avons voulu voir autre chose qu'un succès pure-
ment militaire. Une force immatérielle , non moins
puissante et plus infaillible que celle des armes les
plus meurtrières , combattait dans les rangs des alliés
dont elle faisait la confiance, en portant le trouble dans
les rangs ennemis : la force morale , irrésistible, des
races supérieures, que caractérisait dernièrement d'une
façon saisissante un de nos jeunes correspondants de la
marine expéditionnaire : « Le Chinois ne supporte pas
en face le regard de l'Européen ; il semble subir en sa
présence l'espèce de fascination qu'exercent certains oi-
seaux de proie sur les animaux timides. » C'est dans
cette supériorité, constatée avec éclat par la guerre,
consacrée par la paix de Pékin, qu'il convient, selon
nous, de trouver les motifs et de chercher les consé-
quences de l'expéiition de Chine. A ce point de vue la
question s'agrandit dans des proportions progressives
incalculables.
» Si le jour est enfin venu où un voyageur européen,
un barbare de la veille, missionnaire ou marchand,
savant, artiste, ou flâneur, parti des rives de la Seine,
pourra librement arriver aux bords de la Newa en pas -
sant par Pékin ; si le Céleste-Empire avec ses cinq cents
millions d'habitants, avec ses riches produits et son
immense consommation, est bien véritablement ouvert
désormais aux pacifiques entreprises du commerce et
de la civilisation du vieux monde ; si, en un mot, la
large brèche faite à la grande muraille et par laquelle
ont passé nos soldats ne doit plus se refermer, nous
assistons, on ne saurait s'y méprendre, à l'un des plus
grands événements des temps modernes, quelque chose
comme la découverte de l'Amérique au xvc siècle.
» Le besoin le plus impérieux, les tendances les plus
jalouses des vieilles sociétés, soit ambition ou nécessité,
soit l'une et l'autre, peu importe, semblent être dans
l'ordre moral l'expansion de leurs idées, dans l'ordre
matériel le placement de leurs produits. Est-ce à dire
qu'idées et produits soient également bons pour l'ex-
portation? Nous ne le pensons pas. Il y a telle idée
française, comme telle marchandise anglaise, que le
peuple chinois ferait bien de frapper de prohibition.
Mais le peuple chinois, dira-t-on, représente, lui aussi,
une vieille société ayant sa civilisation toute faite,
raffinée jusqu'à la corruption la plus avancée, ses idées
très-arrêtées sur toutes choses et très-entêtées, on le
sait ; il occupe une immense contrée , riche par elle-
même et non dépourvue d'industrie; supérieur en nom-
bre au peuple tout entier de la vieille Europe, s'il n'était
pas disposé à se laisser convaincre qu'il a tort , et si,
changeant de rôle , il allait essayer de nous prouver
qu'il a raison et tenter de nous chinoiser ? Pour notre
part, nous répondrions volontiers : Pourquoi pas ? Tout
n'est peut-être pas mauvais en Chine, et nous n'ose-
rions dire que tout est bon chez nous ; mais l'inquié-
tude ne nous viendrait pas sur l'issue de la lutte. Ce ne
sont pas les Chinois qui déteindront sur nous ; ce sont
eux, race inférieure, vieux enfants, imitateurs serviles,
qui subiront notre empreinte, bonne ou mauvaise. C'est
là l'écueil et c'est là la grandeur du rôle qui nous est
réservé vis-à-vis de tant de millions d'hommes.
» Prenons garde, au début surtout, de compromettre
notre prestige. A la duplicité et à la ruse opposons la
franchise et la vérité. Dans l'échange des relations de
toute nature, privées ou publiques, politiques ou com-
merciales, soyons défiants si la prudence le commande,
mais ne trompons jamais. C'est par les qualités qu'ils
n'ont pas que nous dominerons les Chinois, comme on
étonne et séduit quelquefois les sauvages par l'humanité,
l'honnêteté, l'honneur, véritables secrets de toute su-
périorité morale. La science et l'industrie, qui ne vien-
nent qu'après, feront le reste.
» Si nous sommes parfois encore dupes de notre bonne
foi, et nous le serons certainement, n'y renonçons pas
pour cela. Nous avons oublié d'ajouter la patience aux
vertus nécessaires à l'oeuvre qui va commencer. La force
visible, représentée par une occupation militaire quel-
conque et par une division navale imposante, restera
un souvenir utile et un avertissement sérieux au profit
de la justice et du droit. Que le traité de Pékin soit exé-
cuté complètement pendant quelques années, et la Chine
est acquise au monde ; ce n'est plus qu'une question de
temps.
» Si dans cette lutte pacifique la supériorité eu sg et
du caractère européens ne devait pas suffire, n'aurions-
nous pas encore de notre côté la toute-puissance du
christianisme comparé aux idolâtries asiatiques, la cha-
rité à opposer à la barbarie? Nous avons lu dans les
premiers récits officiels que le 26 octobre, aussitôt après
la prise de Pékin, la croix avait été arborée sur l'église
des missions catholiques : arborée est bien, en effet,
le mot qui convient. La croix est un emblème et un
signe de ralliement tout comme un drapeau ; mais un
drapeau dont la couleur et la forme ne changent jamais.
La croix est le signe le plus répandu, le plus incontesté
de la force expansive des nations chrétiennes. Nous
l'avons rencontrée à tous les coins du monde glorieu-
sement portée par nos missionnaires, glorieusement
protégée par nos marins et nos soldats. Nous aimons à
la voir, en ce moment plus que jamais , se dresser à
côté du drapeau de la France , en Syrie comme en
Chine , se prêtant l'une à l'autre un mutuel appui.
» Il ne manque pas de gens qui supprimeraient vo-
lontiers les missions, la marine et les colonies, sous
prétexte de concentrer en Europe toutes les forces de
la France, qui vous disent sérieusement : « Laissez la
1
» Heureusement les vaincus, après la défaite, ne se
sont pas avisés de compter les vainqueurs; et l'on avait
dû prévoir qu'il en serait ainsi, tout comme on était
sûr que nos soldats, de leur côté et par un sentiment
absolument contraire, ne se donneraient pas la peine de
compter l'ennemi avant le combat. Nous voyons là quel-
que chose de plus qu'une explication, nous y trouvons
la justification même de cette entreprise habilement
préparée, résolûment conduite et merveilleusement
terminée.
» Ici commence la question chinoise : appelons-la par
son nom ; une question de plus ou de moins n'est pas
pour nous effrayer.
» Dans la défaite d'une innombrable armée par une
poignée d'hommes; dans l'humiliation d'un souverain,
a le Fils du Ciel, » presque un dieu pour ses peuples,
nous avons voulu voir autre chose qu'un succès pure-
ment militaire. Une force immatérielle , non moins
puissante et plus infaillible que celle des armes les
plus meurtrières , combattait dans les rangs des alliés
dont elle faisait la confiance, en portant le trouble dans
les rangs ennemis : la force morale , irrésistible, des
races supérieures, que caractérisait dernièrement d'une
façon saisissante un de nos jeunes correspondants de la
marine expéditionnaire : « Le Chinois ne supporte pas
en face le regard de l'Européen ; il semble subir en sa
présence l'espèce de fascination qu'exercent certains oi-
seaux de proie sur les animaux timides. » C'est dans
cette supériorité, constatée avec éclat par la guerre,
consacrée par la paix de Pékin, qu'il convient, selon
nous, de trouver les motifs et de chercher les consé-
quences de l'expéiition de Chine. A ce point de vue la
question s'agrandit dans des proportions progressives
incalculables.
» Si le jour est enfin venu où un voyageur européen,
un barbare de la veille, missionnaire ou marchand,
savant, artiste, ou flâneur, parti des rives de la Seine,
pourra librement arriver aux bords de la Newa en pas -
sant par Pékin ; si le Céleste-Empire avec ses cinq cents
millions d'habitants, avec ses riches produits et son
immense consommation, est bien véritablement ouvert
désormais aux pacifiques entreprises du commerce et
de la civilisation du vieux monde ; si, en un mot, la
large brèche faite à la grande muraille et par laquelle
ont passé nos soldats ne doit plus se refermer, nous
assistons, on ne saurait s'y méprendre, à l'un des plus
grands événements des temps modernes, quelque chose
comme la découverte de l'Amérique au xvc siècle.
» Le besoin le plus impérieux, les tendances les plus
jalouses des vieilles sociétés, soit ambition ou nécessité,
soit l'une et l'autre, peu importe, semblent être dans
l'ordre moral l'expansion de leurs idées, dans l'ordre
matériel le placement de leurs produits. Est-ce à dire
qu'idées et produits soient également bons pour l'ex-
portation? Nous ne le pensons pas. Il y a telle idée
française, comme telle marchandise anglaise, que le
peuple chinois ferait bien de frapper de prohibition.
Mais le peuple chinois, dira-t-on, représente, lui aussi,
une vieille société ayant sa civilisation toute faite,
raffinée jusqu'à la corruption la plus avancée, ses idées
très-arrêtées sur toutes choses et très-entêtées, on le
sait ; il occupe une immense contrée , riche par elle-
même et non dépourvue d'industrie; supérieur en nom-
bre au peuple tout entier de la vieille Europe, s'il n'était
pas disposé à se laisser convaincre qu'il a tort , et si,
changeant de rôle , il allait essayer de nous prouver
qu'il a raison et tenter de nous chinoiser ? Pour notre
part, nous répondrions volontiers : Pourquoi pas ? Tout
n'est peut-être pas mauvais en Chine, et nous n'ose-
rions dire que tout est bon chez nous ; mais l'inquié-
tude ne nous viendrait pas sur l'issue de la lutte. Ce ne
sont pas les Chinois qui déteindront sur nous ; ce sont
eux, race inférieure, vieux enfants, imitateurs serviles,
qui subiront notre empreinte, bonne ou mauvaise. C'est
là l'écueil et c'est là la grandeur du rôle qui nous est
réservé vis-à-vis de tant de millions d'hommes.
» Prenons garde, au début surtout, de compromettre
notre prestige. A la duplicité et à la ruse opposons la
franchise et la vérité. Dans l'échange des relations de
toute nature, privées ou publiques, politiques ou com-
merciales, soyons défiants si la prudence le commande,
mais ne trompons jamais. C'est par les qualités qu'ils
n'ont pas que nous dominerons les Chinois, comme on
étonne et séduit quelquefois les sauvages par l'humanité,
l'honnêteté, l'honneur, véritables secrets de toute su-
périorité morale. La science et l'industrie, qui ne vien-
nent qu'après, feront le reste.
» Si nous sommes parfois encore dupes de notre bonne
foi, et nous le serons certainement, n'y renonçons pas
pour cela. Nous avons oublié d'ajouter la patience aux
vertus nécessaires à l'oeuvre qui va commencer. La force
visible, représentée par une occupation militaire quel-
conque et par une division navale imposante, restera
un souvenir utile et un avertissement sérieux au profit
de la justice et du droit. Que le traité de Pékin soit exé-
cuté complètement pendant quelques années, et la Chine
est acquise au monde ; ce n'est plus qu'une question de
temps.
» Si dans cette lutte pacifique la supériorité eu sg et
du caractère européens ne devait pas suffire, n'aurions-
nous pas encore de notre côté la toute-puissance du
christianisme comparé aux idolâtries asiatiques, la cha-
rité à opposer à la barbarie? Nous avons lu dans les
premiers récits officiels que le 26 octobre, aussitôt après
la prise de Pékin, la croix avait été arborée sur l'église
des missions catholiques : arborée est bien, en effet,
le mot qui convient. La croix est un emblème et un
signe de ralliement tout comme un drapeau ; mais un
drapeau dont la couleur et la forme ne changent jamais.
La croix est le signe le plus répandu, le plus incontesté
de la force expansive des nations chrétiennes. Nous
l'avons rencontrée à tous les coins du monde glorieu-
sement portée par nos missionnaires, glorieusement
protégée par nos marins et nos soldats. Nous aimons à
la voir, en ce moment plus que jamais , se dresser à
côté du drapeau de la France , en Syrie comme en
Chine , se prêtant l'une à l'autre un mutuel appui.
» Il ne manque pas de gens qui supprimeraient vo-
lontiers les missions, la marine et les colonies, sous
prétexte de concentrer en Europe toutes les forces de
la France, qui vous disent sérieusement : « Laissez la
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