Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1861-01-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 janvier 1861 15 janvier 1861
Description : 1861/01/15 (A6,N110). 1861/01/15 (A6,N110).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203263t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/06/2012
30 L'ISTHME DE SUEZ,
indispensable aux dépenses de leur pèlerinage; d'autres,
plus patients et comptant sur des bénéfices plus avan-
tageux, préfèrent transporter leurs marchandises à la
Mecque ou bien encore à Médine où les Arabes de l'in-
térieur viennent plus particulièrement s'approvisionner
des objets nécessaires à leur consommation et à leurs
usages; si bien que, dans l'un et dans l'autre cas,
Djeddah, Médine et la Mecque prennent à cette époque
la physionomie de grandes foires animées où les pro-
duits de toutes les contrées se sont donné rendez-vous,
Une fois le pèlerinage du saint temple de la Mecque
achevé, ainsi que la visite traditionnelle et pieuse au
tombeau du prophète à Médine, toute cette population
flottante) véritable macédoine humaine, quitte le Hedjaz
et regagne ses foyers, retrempée ainsi au foyer du
plus ardent fanatisme.
L'exaltation religieuse des pèlerins qui rentrent dans
leur patrie, exaltation qui se communique si rapide-
ment à leurs coreligionnaires, est à coup sûr l'élément
le plus puissant de discorde et de division que les effets
incessants de la civilisation ne pourront détruire de
longtemps encore, tant il est considérable et vivace,
par cela même qu'il prend naissance dans un principe
religieux immuable, comme la religion elle-même:
l'aversion de, tout ce qui n'est point musulman. Ou peut
dire, sans se tromper de beaucoup, que ces pèlerins sont
autant de missionnaires propagandistes de l'intolérance
orientale, qui, rentrés chez eux, ravivent par leurs dis-
cours exaltés, le récit de leurs fatigues et le tableau
des scènes merveilleuses de la religion dont ils ont été
les témoins, le zèle et la foi de leurs compatriotes , re-
froidis par la mollesse ou l'inertie de la vie musulmane.
— Ne serait-ce pas là l'une des causes permanentes de
ces violentes oppositions que rencontre le gouverne-
ment ottoman à ses sages idées de réforme, —des doulou-
reuses catastrophes de la Syrie, — de la sanglante insur-
rection des Indes anglaises,— des troubles qui ont éclaté
dans les Indes néerlandaises, — des soulèvements sou-
vent renouvelés de certaines de nos tribus algérienues,
des haines profondes et implacables, enfin, qui animent
es populations marocaines à l'égard des chrétiens?.,
Cependant, ce grand mouvement de retour des
pèlerins dans leurs foyers ne se fait point, sans qu'au
moment du départ bon nombre d'entre eux ne man-
quent à l'appel, victimes des excès de leurs fatigues et
de leurs privations, victimes surtout, pour les habitants
des pays froids en particulier, des atroces chaleurs d'un
climat de feu; d'autres, presque aussi malheureux,
voyant leurs ressources épuisées et se sentant souf-
frants et malades, restent à la Mecque, à Médine ou
à Djeddah, pour y vivre de la charité publique, et aug-
mentent ainsi le nombre, déjà prodigieusement grand,
des mendiants indigènes.
Vous aurez remarqué que la race juive n'entre pour
rien dans le dénombrement de la population de Djeddah ;
c'est qu'en effet, il n'y a pas un seul Israélite ici. —
Vers la fin du siècle dernier, tous ceux d'entre eux qui
habitaient la ville de Djeddah, ou plutôt qui y étaient
tolérés, en furent chassés par le grand chérif Serour,
et depuis lors aucun de leurs coreligionnaires n'y est
revenu. Cette colonie, qui, dit-on, était assez nombreuse,
fut expulsée à cause de son inconduite et se retira pres-
que en entier dans la principauté de Sanâ, au sud de
l'Arabie, où les juifs sont encore en grand nombre et
où ils vivent assez tranquilles, tolérés et protégés par
les musulmans de la contrée, comme le sont les tribus
juives qui vivent dans l'intérieur de l'empire du Maroc.
Dans cette contrée de Sanâ, si riche et si peu connue
des Européens, la race israéiite est aborigène et des-
cend des anciennes tribus juives qui peuplaient autre-
fois, à l'époque de la gentilité arabe, le Hedjaz et le
Yémen. A mesure que la nouvelle religion, dont Ma-
homet venait de jeter si audacieusement et si habile-
ment les bases, prenait de profondes racines dans le
pays et que la nouvelle foi était embrassée par les Ara-
bes, répudiant ainsi, par conviction ou par crainte, leurs
anciennes erreurs et leur antique paganisme, àmesure
que les premières conquêtes des musulmans étendaient
progressivement au loin les limites de l'empire nais-
sant, les juifs, beaucoup plus nombreux que les chré-
tiens, disparurent de la contrée, soit qu'ils aient été dé-
truits par le fer, soit qu'ils se soient convertis à l'isla-
misme, soit enfin qu'ils aient émigré en masses au
nord et à l'est vers la Palestine et la Syrie, ou qu'ils se
soient réfugiés dans les pays montagneux du sud de la
péninsule.
Quant aux tribus chrétiennes', elles disparurent
également dans l'immense mouvement de prosélytisme
musulman qui se produisit en Arabie, aux premières
années de la mission de Mahomet. Une partie d'entre
elles, comme beaucoup de juifs, se convertit à la nou-
velle religion, le reste dut acheter le droit de conserver
sa croyance religieuse en se soumettant à un tribut ;
mais à quelque temps de là, ces derniers débris furent
contraints d'opter entre l'abjuration et la conversion
d'une part, et l'émigration et 1 expatriation de l'autre:
elles choisirent ce dernier parti. On cite, entre autres,
la population chrétienne de la ville de Nadjeran, dans le
Yémen, qui, sous le califat d'Omar, fut forcée de quit-
ter ses foyers et de se transporter en Syrie et dans la
Mésopotamie, où des terres devaient lui être données en
dédommagement de l'expatriation qu'elle dut subir.
Ce fut vraisemblablement à la même époque que les
juifs de Khaybar, au nord de Yatreb, devenue la ville de
Médine depuis que Mahomet s'y était réfugié en fuyant
de la Mecque, durent s'exiler de ce canton. En pres-
crivant ces mesures de rigueur à l'égard des juifs et
des chrétiens, et en tenant rigidement la main a leur
stricte application, le khalife Omar. avait à cœur d'ac-
complir la volonté exprimée par le prophète mourant :
« Ne laissez pas, avait-il dit, subsister deux religions en
Arabie (1).»
Nadjeran fut la seule ville de l'Arabie, je crois, où la
population, après avoir été païenne en totalité, était
partagée au temps de Mahomet en chrétiens et en mu.
sulmans, les uns et les autres très-nombreux. La con-
version d'une partie des habitants au christianisme re-
monterait, suivant Baronius, au temps de la mission
envoyée dans le Yémen par l'empereur Constance, fils
du grand Constantin (vers l'an 3ih). Cette opinion pa
(1) Essai sur Vhistoire des Arabes ava,;t l'islamisme, par
M. Gaussin de Pcrceval. Tome III, page hkk.
indispensable aux dépenses de leur pèlerinage; d'autres,
plus patients et comptant sur des bénéfices plus avan-
tageux, préfèrent transporter leurs marchandises à la
Mecque ou bien encore à Médine où les Arabes de l'in-
térieur viennent plus particulièrement s'approvisionner
des objets nécessaires à leur consommation et à leurs
usages; si bien que, dans l'un et dans l'autre cas,
Djeddah, Médine et la Mecque prennent à cette époque
la physionomie de grandes foires animées où les pro-
duits de toutes les contrées se sont donné rendez-vous,
Une fois le pèlerinage du saint temple de la Mecque
achevé, ainsi que la visite traditionnelle et pieuse au
tombeau du prophète à Médine, toute cette population
flottante) véritable macédoine humaine, quitte le Hedjaz
et regagne ses foyers, retrempée ainsi au foyer du
plus ardent fanatisme.
L'exaltation religieuse des pèlerins qui rentrent dans
leur patrie, exaltation qui se communique si rapide-
ment à leurs coreligionnaires, est à coup sûr l'élément
le plus puissant de discorde et de division que les effets
incessants de la civilisation ne pourront détruire de
longtemps encore, tant il est considérable et vivace,
par cela même qu'il prend naissance dans un principe
religieux immuable, comme la religion elle-même:
l'aversion de, tout ce qui n'est point musulman. Ou peut
dire, sans se tromper de beaucoup, que ces pèlerins sont
autant de missionnaires propagandistes de l'intolérance
orientale, qui, rentrés chez eux, ravivent par leurs dis-
cours exaltés, le récit de leurs fatigues et le tableau
des scènes merveilleuses de la religion dont ils ont été
les témoins, le zèle et la foi de leurs compatriotes , re-
froidis par la mollesse ou l'inertie de la vie musulmane.
— Ne serait-ce pas là l'une des causes permanentes de
ces violentes oppositions que rencontre le gouverne-
ment ottoman à ses sages idées de réforme, —des doulou-
reuses catastrophes de la Syrie, — de la sanglante insur-
rection des Indes anglaises,— des troubles qui ont éclaté
dans les Indes néerlandaises, — des soulèvements sou-
vent renouvelés de certaines de nos tribus algérienues,
des haines profondes et implacables, enfin, qui animent
es populations marocaines à l'égard des chrétiens?.,
Cependant, ce grand mouvement de retour des
pèlerins dans leurs foyers ne se fait point, sans qu'au
moment du départ bon nombre d'entre eux ne man-
quent à l'appel, victimes des excès de leurs fatigues et
de leurs privations, victimes surtout, pour les habitants
des pays froids en particulier, des atroces chaleurs d'un
climat de feu; d'autres, presque aussi malheureux,
voyant leurs ressources épuisées et se sentant souf-
frants et malades, restent à la Mecque, à Médine ou
à Djeddah, pour y vivre de la charité publique, et aug-
mentent ainsi le nombre, déjà prodigieusement grand,
des mendiants indigènes.
Vous aurez remarqué que la race juive n'entre pour
rien dans le dénombrement de la population de Djeddah ;
c'est qu'en effet, il n'y a pas un seul Israélite ici. —
Vers la fin du siècle dernier, tous ceux d'entre eux qui
habitaient la ville de Djeddah, ou plutôt qui y étaient
tolérés, en furent chassés par le grand chérif Serour,
et depuis lors aucun de leurs coreligionnaires n'y est
revenu. Cette colonie, qui, dit-on, était assez nombreuse,
fut expulsée à cause de son inconduite et se retira pres-
que en entier dans la principauté de Sanâ, au sud de
l'Arabie, où les juifs sont encore en grand nombre et
où ils vivent assez tranquilles, tolérés et protégés par
les musulmans de la contrée, comme le sont les tribus
juives qui vivent dans l'intérieur de l'empire du Maroc.
Dans cette contrée de Sanâ, si riche et si peu connue
des Européens, la race israéiite est aborigène et des-
cend des anciennes tribus juives qui peuplaient autre-
fois, à l'époque de la gentilité arabe, le Hedjaz et le
Yémen. A mesure que la nouvelle religion, dont Ma-
homet venait de jeter si audacieusement et si habile-
ment les bases, prenait de profondes racines dans le
pays et que la nouvelle foi était embrassée par les Ara-
bes, répudiant ainsi, par conviction ou par crainte, leurs
anciennes erreurs et leur antique paganisme, àmesure
que les premières conquêtes des musulmans étendaient
progressivement au loin les limites de l'empire nais-
sant, les juifs, beaucoup plus nombreux que les chré-
tiens, disparurent de la contrée, soit qu'ils aient été dé-
truits par le fer, soit qu'ils se soient convertis à l'isla-
misme, soit enfin qu'ils aient émigré en masses au
nord et à l'est vers la Palestine et la Syrie, ou qu'ils se
soient réfugiés dans les pays montagneux du sud de la
péninsule.
Quant aux tribus chrétiennes', elles disparurent
également dans l'immense mouvement de prosélytisme
musulman qui se produisit en Arabie, aux premières
années de la mission de Mahomet. Une partie d'entre
elles, comme beaucoup de juifs, se convertit à la nou-
velle religion, le reste dut acheter le droit de conserver
sa croyance religieuse en se soumettant à un tribut ;
mais à quelque temps de là, ces derniers débris furent
contraints d'opter entre l'abjuration et la conversion
d'une part, et l'émigration et 1 expatriation de l'autre:
elles choisirent ce dernier parti. On cite, entre autres,
la population chrétienne de la ville de Nadjeran, dans le
Yémen, qui, sous le califat d'Omar, fut forcée de quit-
ter ses foyers et de se transporter en Syrie et dans la
Mésopotamie, où des terres devaient lui être données en
dédommagement de l'expatriation qu'elle dut subir.
Ce fut vraisemblablement à la même époque que les
juifs de Khaybar, au nord de Yatreb, devenue la ville de
Médine depuis que Mahomet s'y était réfugié en fuyant
de la Mecque, durent s'exiler de ce canton. En pres-
crivant ces mesures de rigueur à l'égard des juifs et
des chrétiens, et en tenant rigidement la main a leur
stricte application, le khalife Omar. avait à cœur d'ac-
complir la volonté exprimée par le prophète mourant :
« Ne laissez pas, avait-il dit, subsister deux religions en
Arabie (1).»
Nadjeran fut la seule ville de l'Arabie, je crois, où la
population, après avoir été païenne en totalité, était
partagée au temps de Mahomet en chrétiens et en mu.
sulmans, les uns et les autres très-nombreux. La con-
version d'une partie des habitants au christianisme re-
monterait, suivant Baronius, au temps de la mission
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