Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1861-01-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 janvier 1861 15 janvier 1861
Description : 1861/01/15 (A6,N110). 1861/01/15 (A6,N110).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203263t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/06/2012
JOURNAL DE L;UNION DES DEUX MERS. 29
les diverses places de commerce de la mer Rouge,
où ils ont fini par supplanter les Marocains qui ,
avant eux, y avaient le monopole du négoce. Petit à
petit, leur commerce s'est accru, leurs relations se sont
étendues, et ils comptent aujourd'hui, en Egypte
même, des établissements commerciaux importants.--
J'ai dit qu'ils étaient jaloux, envieux et âpres au gain;
j'ajouterai encore qu'il n'y a guère de moyens qu'ils
n'emploient pour assurer leurs bénéfices ou éloigner
d'eux tout ce qui peut nuire au développement de leurs
affaires. C'est à ces hostiles dispositions qu'il faut attri-
buer, en grande partie, les événements sanglants dont
la ville de Djeddah a été le théâtre en 1858, événements
dans lesquels les Hadramis ont joué le principal rôle,
poussés qu'ils étaient par leur haineuse passion et leur
ardent désir de ruiner, coûte que coûte, fût-ce même
par le crime, la redoutable concurrence commerciale
que leur faisaient certains chrétiens établis dans le
pays, entre autres la maison grecque de Sava frères et
celle de M. Page, négociant anglais, qui, pendant plu-
sieurs années et jusqu'au dernier moment, géra le vice-
consulat britannique. Vous savez que lors des massa-
cres de 1858, les premières victimes du soulèvement,
suscité et dirigé par les négociants hadramis, ayant
leur tête le chef de leur corporation, Seïd el Amoudi,
furent précisément M. Page, suivi bientôt après du
sieur Sava et, enfin, du consul de France, de sa famille
et des autres chrétiens englobés dans la haine et l'a-
nimadversion générales. — La sévère leçon qui leur a
été infligée à la suite de ces événements les a frappés
de consternation ; la condamnation à la prison et à la
déportation d'un certain nombre d'entre eux, non moins
que la mise à mort de leur chef, Seïd el Amoudi, les a
réduits, pour le moment du moins, au silence et à l'inac-
tion. Aussi, plusieurs maisons de commerce moghera-
bines du Caire ont-elles profité de cette circonstance
pour venir établir, depuis, des comptoirs à Djeddah et
essayer d'y ressaisir la prépondérance commerciale que
leurs devanciers avaient su conserver pendant long-
temps sur cette place.
Un autre fait a achevé, je crois, de donner le coup de
grâce au monopole que les Hadramis concentraient dans
leurs mains ; je veux parler de l'établissement de la
ligne de bateaux à vapeur de la Compagnie égyptienne
la Medjidié, qui, depuis près de deux années, relie
Djeddah à Suez par un service à peu près régulier. Par
suite de la création de cette ligne, les Hadramis se sont
vus forcés de renoncer encore aux immenses bénéfices
qu'ils s'étaient assurés depuis longtemps par un autre
genre de monopole, celui du transport des marchan-
dises, qui, avant cette époque, s'effectuait presque ex-
clusivement au moyen de barques indigènes apparte-
nant à leurs principaux négociants.
Quant au Takarnas, dont je vous parlais tout à l'heure,
ce sont, si je peux m'exprimer ainsi, les Auvergnats du
Hedjaz. Venus ici de leurs lointaines contrées, du Sou-
dan égyptien, du Cordofan, du Darfour, du Waday
même, du Fazoglo, pour y amasser un petit capital, ils
y exercent toutes sortes d'industries et de métiers, afin
d'atteindre patiemment leur but. Ils sont généralement
d'une robuste constitution, bons travailleurs, doux, so-
bres et tranquilles. Ils vivent de peu et savent s'im-
poser les plus rudes privations pour hâter le moment du
retour chez eux avec les petites économies qu'ils par-
viennent à réaliser.
Depuis quelques années, ils exploitent une industrie
complétement négligée jusqu'alors : à l'époque du pèle-
rinage de la Mecque, ils s'y rendent en grand nombre et
s'approprient, sans contestation, les chairs des milliers
de moutons que les fidèles musulmans égorgent à cette
occasion, à titre de victimes propitiatoires, dans la val-
lée de la Mouna. Ils découpent ces chairs en lanières,
les font sécher simplement en les étendant sur la pierre
brûlante au soleil, et les emportent ou les expédient en
balles dans leur pays, où ils vendent cette marchandise
d'une étrange espèce avec de passables bénéfices. Cette
spéculation est assez productive, car, chaque année, à la
fête des sacrifices à Mouna, fête appelée Aïd-ed Dohia, il
ne s'égorge pas moins de 250 à 300,000 moutons, et plus
de 2,000 chameaux ou chamelles. — C'est généralement
dans la classe des Takarnas que se recrutent les domesti-
ques, les marins, les plongeurs et pêcheurs de corail, les
manœuvres, les portefaix, etc., etc. Ils habitent soit en
ville même, soit au dehors et à peu de distance, dans des
villages formés de huttes. Il n'est jamais arrivé qu'un
Takrouri (singulier de Takarnas) soit venu à Djeddah
sans esprit de retour. Tôt ou tard, il revient toujours
aux lieux qui l'ont vu naître.
La population flottante de Djeddah qui, ainsi que je l'ai
dit, vient encombrer ses murs au temps du saint pèle-
rinage de la Mecque, est excessivement mêlée, et, nulle
part au monde, on ne voit, je crois, réunie comme ici,
pendant cette courte période, une diversité aussi mul-
tiple de costumes, de nationalités, d'idiomes et de
langues. Je comparerais volontiers l'effet pittoresque et
curieux de cette population, ainsi amalgamée, à celui
que présentent les divers petits objets de forme et de
couleurs variées qui se meuvent au fond d'un kaléidos-
cope. — C'est ainsi qu'on y voit l'Égyptien et le Moghe-
rabin y coudoyer l'habitant du Guzerat, du Bengale ou
des îles malaises ; le Circassien et le Kurde côte à côte
avec l'Éthiopien et le Kachemirien, le Turc, le Roumé-
lien et l'Anatolien fraterniser avec l'Indien et le Persan,
le Syrien et le Géorgien frayer et s'accouder avec l'ha-
bitant du golfe Persique ou de la côte orientale d'Afri-
que. - Toute cette foule aux éléments hétérogènes, aux
langages et aux mœurs si différents, accourue dans un
même but, une même pensée religieuse, de tous les
points du globe où l'islamisme compte des adeptes, ne
séjourne que quelques jours seulement à Djeddah et,
aussitôt qu'elle s'est procuré les moyens de transport,
elle se hâte de se rendre à la Mecque pour y remplir les
devoirs prescrits par le Coran. Au sentiment religieux
qui les animent, un grand nombre de pèlerins joignent
un but de spéculation et de commerce et se livrent, à
cette occasion, à des opérations commerciales de toutes
sortes ; aussi apportent-ils et emportent-ils avec eux
des produits naturels ou industriels de tous les pays
dont la Mecque et Djeddah deviennent, à cette époque,
les vastes marchés momentanés. Une notable partie des
pèlerins se débarrassent à Djeddah même des marchan-
dises qu'ils ont importées pour se procurer l'argen
les diverses places de commerce de la mer Rouge,
où ils ont fini par supplanter les Marocains qui ,
avant eux, y avaient le monopole du négoce. Petit à
petit, leur commerce s'est accru, leurs relations se sont
étendues, et ils comptent aujourd'hui, en Egypte
même, des établissements commerciaux importants.--
J'ai dit qu'ils étaient jaloux, envieux et âpres au gain;
j'ajouterai encore qu'il n'y a guère de moyens qu'ils
n'emploient pour assurer leurs bénéfices ou éloigner
d'eux tout ce qui peut nuire au développement de leurs
affaires. C'est à ces hostiles dispositions qu'il faut attri-
buer, en grande partie, les événements sanglants dont
la ville de Djeddah a été le théâtre en 1858, événements
dans lesquels les Hadramis ont joué le principal rôle,
poussés qu'ils étaient par leur haineuse passion et leur
ardent désir de ruiner, coûte que coûte, fût-ce même
par le crime, la redoutable concurrence commerciale
que leur faisaient certains chrétiens établis dans le
pays, entre autres la maison grecque de Sava frères et
celle de M. Page, négociant anglais, qui, pendant plu-
sieurs années et jusqu'au dernier moment, géra le vice-
consulat britannique. Vous savez que lors des massa-
cres de 1858, les premières victimes du soulèvement,
suscité et dirigé par les négociants hadramis, ayant
leur tête le chef de leur corporation, Seïd el Amoudi,
furent précisément M. Page, suivi bientôt après du
sieur Sava et, enfin, du consul de France, de sa famille
et des autres chrétiens englobés dans la haine et l'a-
nimadversion générales. — La sévère leçon qui leur a
été infligée à la suite de ces événements les a frappés
de consternation ; la condamnation à la prison et à la
déportation d'un certain nombre d'entre eux, non moins
que la mise à mort de leur chef, Seïd el Amoudi, les a
réduits, pour le moment du moins, au silence et à l'inac-
tion. Aussi, plusieurs maisons de commerce moghera-
bines du Caire ont-elles profité de cette circonstance
pour venir établir, depuis, des comptoirs à Djeddah et
essayer d'y ressaisir la prépondérance commerciale que
leurs devanciers avaient su conserver pendant long-
temps sur cette place.
Un autre fait a achevé, je crois, de donner le coup de
grâce au monopole que les Hadramis concentraient dans
leurs mains ; je veux parler de l'établissement de la
ligne de bateaux à vapeur de la Compagnie égyptienne
la Medjidié, qui, depuis près de deux années, relie
Djeddah à Suez par un service à peu près régulier. Par
suite de la création de cette ligne, les Hadramis se sont
vus forcés de renoncer encore aux immenses bénéfices
qu'ils s'étaient assurés depuis longtemps par un autre
genre de monopole, celui du transport des marchan-
dises, qui, avant cette époque, s'effectuait presque ex-
clusivement au moyen de barques indigènes apparte-
nant à leurs principaux négociants.
Quant au Takarnas, dont je vous parlais tout à l'heure,
ce sont, si je peux m'exprimer ainsi, les Auvergnats du
Hedjaz. Venus ici de leurs lointaines contrées, du Sou-
dan égyptien, du Cordofan, du Darfour, du Waday
même, du Fazoglo, pour y amasser un petit capital, ils
y exercent toutes sortes d'industries et de métiers, afin
d'atteindre patiemment leur but. Ils sont généralement
d'une robuste constitution, bons travailleurs, doux, so-
bres et tranquilles. Ils vivent de peu et savent s'im-
poser les plus rudes privations pour hâter le moment du
retour chez eux avec les petites économies qu'ils par-
viennent à réaliser.
Depuis quelques années, ils exploitent une industrie
complétement négligée jusqu'alors : à l'époque du pèle-
rinage de la Mecque, ils s'y rendent en grand nombre et
s'approprient, sans contestation, les chairs des milliers
de moutons que les fidèles musulmans égorgent à cette
occasion, à titre de victimes propitiatoires, dans la val-
lée de la Mouna. Ils découpent ces chairs en lanières,
les font sécher simplement en les étendant sur la pierre
brûlante au soleil, et les emportent ou les expédient en
balles dans leur pays, où ils vendent cette marchandise
d'une étrange espèce avec de passables bénéfices. Cette
spéculation est assez productive, car, chaque année, à la
fête des sacrifices à Mouna, fête appelée Aïd-ed Dohia, il
ne s'égorge pas moins de 250 à 300,000 moutons, et plus
de 2,000 chameaux ou chamelles. — C'est généralement
dans la classe des Takarnas que se recrutent les domesti-
ques, les marins, les plongeurs et pêcheurs de corail, les
manœuvres, les portefaix, etc., etc. Ils habitent soit en
ville même, soit au dehors et à peu de distance, dans des
villages formés de huttes. Il n'est jamais arrivé qu'un
Takrouri (singulier de Takarnas) soit venu à Djeddah
sans esprit de retour. Tôt ou tard, il revient toujours
aux lieux qui l'ont vu naître.
La population flottante de Djeddah qui, ainsi que je l'ai
dit, vient encombrer ses murs au temps du saint pèle-
rinage de la Mecque, est excessivement mêlée, et, nulle
part au monde, on ne voit, je crois, réunie comme ici,
pendant cette courte période, une diversité aussi mul-
tiple de costumes, de nationalités, d'idiomes et de
langues. Je comparerais volontiers l'effet pittoresque et
curieux de cette population, ainsi amalgamée, à celui
que présentent les divers petits objets de forme et de
couleurs variées qui se meuvent au fond d'un kaléidos-
cope. — C'est ainsi qu'on y voit l'Égyptien et le Moghe-
rabin y coudoyer l'habitant du Guzerat, du Bengale ou
des îles malaises ; le Circassien et le Kurde côte à côte
avec l'Éthiopien et le Kachemirien, le Turc, le Roumé-
lien et l'Anatolien fraterniser avec l'Indien et le Persan,
le Syrien et le Géorgien frayer et s'accouder avec l'ha-
bitant du golfe Persique ou de la côte orientale d'Afri-
que. - Toute cette foule aux éléments hétérogènes, aux
langages et aux mœurs si différents, accourue dans un
même but, une même pensée religieuse, de tous les
points du globe où l'islamisme compte des adeptes, ne
séjourne que quelques jours seulement à Djeddah et,
aussitôt qu'elle s'est procuré les moyens de transport,
elle se hâte de se rendre à la Mecque pour y remplir les
devoirs prescrits par le Coran. Au sentiment religieux
qui les animent, un grand nombre de pèlerins joignent
un but de spéculation et de commerce et se livrent, à
cette occasion, à des opérations commerciales de toutes
sortes ; aussi apportent-ils et emportent-ils avec eux
des produits naturels ou industriels de tous les pays
dont la Mecque et Djeddah deviennent, à cette époque,
les vastes marchés momentanés. Une notable partie des
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