Presse et revues
16 pages
Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1863-10-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 octobre 1863 01 octobre 1863
Description : 1863/10/01 (A8,N175). 1863/10/01 (A8,N175).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203254v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
400 L'ISTHME DE SUEZ,
» C'est le canal d'eau douce, véritable rivière, où
flottent des bateaux d'un fort tonnage, qui — outre les
approvisionnements, ustensiles et matériaux — porte
la fraîcheur, lajvégétation et la vie au sein du désert,
aride naguère, montrant déjà aux indigènes étonnés
et ravis, les cultures verdoyantes, si douces à la vie,
au milieu des sables éternellement brûlés par les
rayons d'un soleil écrasant.
» C'est le canal d'eau douce qui permet seul le dé-
veloppement futur d'Ismaïlia, destinée à éclipser Cons-
tantinople, l'ancienne reine de l'Orient.
» C'est le canal d'eau douce qui va transformer Suez
et ses environs ; les rendre aussi gais, aussi vivants,
aussi agréables à habiter, aussi frais qu'ils sont déso-
lés et desséchés aujourd'hui.
» C'est le canal d'eau douce qui va supprimer le dé-
sert, aux alentours du canal maritime, bande ver-
doyante au milieu des sables qu'elle fixera et vivifiera
de sa bienfaisante fraîcheur ; c'est grâce à lui que le
désert sera vaincu, effacé pour toujours.
» Aussi, le nom modeste de Rigole pour cette belle
rivière, navigable comme nos grands cours d'eau,
semble-t-il tout à fait impropre, en ce que ce nom
donne une idée fausse de cette belle nappe d'eau douce,
se déployant & l'infini et s'écoulant doucement du Nil
à Suez et Port-Saïd, et touchant Timsah, le port cen-
tral, qui va relier deux mondes : l'Orient immuable,
fatalement arrêté dans les superstitions des religions
du passé, langes de l'esprit humain ; la jeune Europe
chrétienne, assez vivante et dévouée pour réveiller
bientôt l'Asie de sa torpeur séculaire, la ranimer au
contact de son souffle puissant, et la lancer sur
la voie du progrès indéfini. Le besoin immense de
mouvement et de vie qui dévore l'Europe la force à se
tourmenter elle-même, faute d'un champ assez vaste et
neuf pour occuper son activité fébrile qui veut un
monde à transformer, à vivifier; elle étouffe dans les
barrières qui l'enserrent; la tranchée de l'isthme de
Suez, c'est la porte grande ouverte à la foule accumu-
lée et frémissante, longtemps retenue, et qui s'élance
librement à flots pressés, respirant l'air pur à pleins
poumons ; c'est comme un nouvel organe, un nouvel
engin d'une puissance infinie ajouté aux moyens d'ac-
tion de l'Europe sur le monde.
» Et c'est devant les merveilles qui vont résulter,
sous les yeux de notre génération même, de la magni-
fique entreprise, que la grande presse anglaise reste
froide, sceptique, jalouse et railleuse ! Plaignons-la,
plaignons notre voisine d'outre-Manche, au cœur de la-
quelle on veut éteindre tout souffle ardent et généreux,
sous la mesquine préoccupation de l'intérêt du mo-
ment. Ce ne saurait être, d'ailleurs, qu'un effet de l'a-
berration d'esprit de quelques-uns de ses gouvernants
un peu hors d'âge — cet âge est sans pitié — froids
comme le marbre et les pierres des tombes; indifférents
à ce qui peut faire le bonheur de tous ; jaloux même
de ce bonheur dont ils ne sauraient jouir longtemps.
» Quoi qu'il en soit, il n'en est pas moins vrai que
la grande presse anglaise est presque unanime à déni-
grer le canal de Suez ; plaignons-la ; car, pour accom-
plir son œuvre de ténèbres, elle ne recule devant au-
cun moyen, elle a tout mis en œuvre, depuis la raille-
rie mielleuse jusqu'à la calomnie, au sarcasme, à
l'injure grimaçante et furibonde : on en jugera par les
quelques échantillons suivante. Plaignons-la.
II
D Le Times — à tout seigneur, tout honneur — le
Times, qui a si longtemps marché en tête de colonne
des plus hostiles et qui semblait diriger le mouvement,
considère définitivement la tranchée de l'isthme comme
possible. Mais, pour lui, le canal ne saurait jamais être
rémunérateur et donner des revenus en rapport
avec la somme dépensée. Sous la conversion apparente
du Times perce un sourire narquois qui donne à penser
que M. de Lesseps n'est pas encore au bout de ses
peines, et que de nouveaux embarras ne tarderont pas
à lui être suscités. Puissions-nous nous tromper.
» Le Standart accuse carrément un ingénieur fran-
çais (?) « doué de beaucoup d'habileté et d'audace,
» d'avoir causé déjà une misère incalculable parmi les
» classes les plus pauvres de l'Egypte (en y semant
» des millions à la pelle?), et de causer probablement
» la ruine de milliers de ses compatriotes qui ont en-
» gagé leurs épargnes dans une aventure qui ne peut
» être que désastreuse. Nous croyons, ajoute-t-il, les
» travaux du canal suspendus en ce moment. (Voilà
» certes de grands journaux merveilleusement rensei-
» gnés.) M. de Lesseps est en Égypte sans raison d'être.
» Les fellahs qui ont travaillé sous le fouet (c'est dans
» les manufactures anglaises que les enfants, non les
» fellahs travaillent sous le fouet) à creuser son fossé
» sont renvoyés à leurs fermes, et, dans peu d'années,
» quand les sables mouvants du désert auront fait
» leur œuvre, il ne restera pas plus trace de son canal
» que de celui des Pharaons. (Hélas ! trois fois hélas 1
» Mais ne plaignons pas M. de Lesseps.) Son destin est
» encore meilleur que celui qu'il aurait mérité (0
» charité sublime du Standart/); il sera placé à côté de
D Galilée murmurant : È pur si muove. Il aurait pu ar-
D river à la même exécration que Law! etc., etc. »
Horrendum ! mais rassurons-nous et ne reculons pas
horripilés. M. de Lesseps n'est nullement exécré en
Europe, pas même en Angleterre ; cette pensée rafraî-
chit et repose. En Angleterre on admire autant qu'en
aucun lieu du monde sa magnifique entreprise ; on y
professe la plus profonde estime pour son caractère ;
comme on y reconnaît qu'il lui a fallu autant d'éner-
gie et de persévérance que de prudence et d'entrain
tout à la fois, avec une activité incessante et vraiment
prodigieuse, pour surmonter les mille difficultés qu'on
a semées sur sa route, qu'on y jettera encore proba-
blement ; mais la presse anglaise aura beau faire et
s'évertuer contre la lime, petit serpent à tête folle, elle y
laissera toutes ses dents, et le canal se fera.
» Le Daily-News, plus modéré que le Standart, est
simplement ennuyé de l'éternelle histoire du canal de
Suez. Il n'a pas l'intention de fatiguer ses lecteurs de
cette longue histoire ; il a trop de choses intéressantes
à leur dire apparemment pour passer niaisement son
» C'est le canal d'eau douce, véritable rivière, où
flottent des bateaux d'un fort tonnage, qui — outre les
approvisionnements, ustensiles et matériaux — porte
la fraîcheur, lajvégétation et la vie au sein du désert,
aride naguère, montrant déjà aux indigènes étonnés
et ravis, les cultures verdoyantes, si douces à la vie,
au milieu des sables éternellement brûlés par les
rayons d'un soleil écrasant.
» C'est le canal d'eau douce qui permet seul le dé-
veloppement futur d'Ismaïlia, destinée à éclipser Cons-
tantinople, l'ancienne reine de l'Orient.
» C'est le canal d'eau douce qui va transformer Suez
et ses environs ; les rendre aussi gais, aussi vivants,
aussi agréables à habiter, aussi frais qu'ils sont déso-
lés et desséchés aujourd'hui.
» C'est le canal d'eau douce qui va supprimer le dé-
sert, aux alentours du canal maritime, bande ver-
doyante au milieu des sables qu'elle fixera et vivifiera
de sa bienfaisante fraîcheur ; c'est grâce à lui que le
désert sera vaincu, effacé pour toujours.
» Aussi, le nom modeste de Rigole pour cette belle
rivière, navigable comme nos grands cours d'eau,
semble-t-il tout à fait impropre, en ce que ce nom
donne une idée fausse de cette belle nappe d'eau douce,
se déployant & l'infini et s'écoulant doucement du Nil
à Suez et Port-Saïd, et touchant Timsah, le port cen-
tral, qui va relier deux mondes : l'Orient immuable,
fatalement arrêté dans les superstitions des religions
du passé, langes de l'esprit humain ; la jeune Europe
chrétienne, assez vivante et dévouée pour réveiller
bientôt l'Asie de sa torpeur séculaire, la ranimer au
contact de son souffle puissant, et la lancer sur
la voie du progrès indéfini. Le besoin immense de
mouvement et de vie qui dévore l'Europe la force à se
tourmenter elle-même, faute d'un champ assez vaste et
neuf pour occuper son activité fébrile qui veut un
monde à transformer, à vivifier; elle étouffe dans les
barrières qui l'enserrent; la tranchée de l'isthme de
Suez, c'est la porte grande ouverte à la foule accumu-
lée et frémissante, longtemps retenue, et qui s'élance
librement à flots pressés, respirant l'air pur à pleins
poumons ; c'est comme un nouvel organe, un nouvel
engin d'une puissance infinie ajouté aux moyens d'ac-
tion de l'Europe sur le monde.
» Et c'est devant les merveilles qui vont résulter,
sous les yeux de notre génération même, de la magni-
fique entreprise, que la grande presse anglaise reste
froide, sceptique, jalouse et railleuse ! Plaignons-la,
plaignons notre voisine d'outre-Manche, au cœur de la-
quelle on veut éteindre tout souffle ardent et généreux,
sous la mesquine préoccupation de l'intérêt du mo-
ment. Ce ne saurait être, d'ailleurs, qu'un effet de l'a-
berration d'esprit de quelques-uns de ses gouvernants
un peu hors d'âge — cet âge est sans pitié — froids
comme le marbre et les pierres des tombes; indifférents
à ce qui peut faire le bonheur de tous ; jaloux même
de ce bonheur dont ils ne sauraient jouir longtemps.
» Quoi qu'il en soit, il n'en est pas moins vrai que
la grande presse anglaise est presque unanime à déni-
grer le canal de Suez ; plaignons-la ; car, pour accom-
plir son œuvre de ténèbres, elle ne recule devant au-
cun moyen, elle a tout mis en œuvre, depuis la raille-
rie mielleuse jusqu'à la calomnie, au sarcasme, à
l'injure grimaçante et furibonde : on en jugera par les
quelques échantillons suivante. Plaignons-la.
II
D Le Times — à tout seigneur, tout honneur — le
Times, qui a si longtemps marché en tête de colonne
des plus hostiles et qui semblait diriger le mouvement,
considère définitivement la tranchée de l'isthme comme
possible. Mais, pour lui, le canal ne saurait jamais être
rémunérateur et donner des revenus en rapport
avec la somme dépensée. Sous la conversion apparente
du Times perce un sourire narquois qui donne à penser
que M. de Lesseps n'est pas encore au bout de ses
peines, et que de nouveaux embarras ne tarderont pas
à lui être suscités. Puissions-nous nous tromper.
» Le Standart accuse carrément un ingénieur fran-
çais (?) « doué de beaucoup d'habileté et d'audace,
» d'avoir causé déjà une misère incalculable parmi les
» classes les plus pauvres de l'Egypte (en y semant
» des millions à la pelle?), et de causer probablement
» la ruine de milliers de ses compatriotes qui ont en-
» gagé leurs épargnes dans une aventure qui ne peut
» être que désastreuse. Nous croyons, ajoute-t-il, les
» travaux du canal suspendus en ce moment. (Voilà
» certes de grands journaux merveilleusement rensei-
» gnés.) M. de Lesseps est en Égypte sans raison d'être.
» Les fellahs qui ont travaillé sous le fouet (c'est dans
» les manufactures anglaises que les enfants, non les
» fellahs travaillent sous le fouet) à creuser son fossé
» sont renvoyés à leurs fermes, et, dans peu d'années,
» quand les sables mouvants du désert auront fait
» leur œuvre, il ne restera pas plus trace de son canal
» que de celui des Pharaons. (Hélas ! trois fois hélas 1
» Mais ne plaignons pas M. de Lesseps.) Son destin est
» encore meilleur que celui qu'il aurait mérité (0
» charité sublime du Standart/); il sera placé à côté de
D Galilée murmurant : È pur si muove. Il aurait pu ar-
D river à la même exécration que Law! etc., etc. »
Horrendum ! mais rassurons-nous et ne reculons pas
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Europe, pas même en Angleterre ; cette pensée rafraî-
chit et repose. En Angleterre on admire autant qu'en
aucun lieu du monde sa magnifique entreprise ; on y
professe la plus profonde estime pour son caractère ;
comme on y reconnaît qu'il lui a fallu autant d'éner-
gie et de persévérance que de prudence et d'entrain
tout à la fois, avec une activité incessante et vraiment
prodigieuse, pour surmonter les mille difficultés qu'on
a semées sur sa route, qu'on y jettera encore proba-
blement ; mais la presse anglaise aura beau faire et
s'évertuer contre la lime, petit serpent à tête folle, elle y
laissera toutes ses dents, et le canal se fera.
» Le Daily-News, plus modéré que le Standart, est
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Suez. Il n'a pas l'intention de fatiguer ses lecteurs de
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