Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1863-06-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 juin 1863 15 juin 1863
Description : 1863/06/15 (A8,N168). 1863/06/15 (A8,N168).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203247q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 231
plan de l'ambassade anglaise a échouc, la dépêche reste
écrite et va à son bat. Nous n'osons pas demander ce
que faisait la diplomatie française à Constantinople
pendant que sir Henry Buhver conduisait victorieuse-
ment son dessein : elle a été « surprise », dit-on; il
arrive aussi que des généraux d'année sont surpris :
l'ascendant et la gloire exigent d'autres conditions.
» Maintenant, voyons ce que renferme la dépêche
turque.
La Sublime Porte n'a pas autorisé le projet ; elle
ne l'autorisera qu'à des conditions qui jusqu'ici n'ont
pas été remplies. Le projet actuel n'offre aucune des
garanties indispensables : le gouvernement turc de-
mande la neutralité complète du canal de Suez ; il
condamne le travail forcé en Egypte et la concession
du territoire qui environne les canaux d'eau douce.
Lorsqu'il aura reçu satisfaction sur ces trois points, il
examinera les autres conditions du contrat « sans la
» moindre prévention. » Dans le cas où la Compagnie
refuserait de renoncer à des clauses que la Turquie re-
garde comme « inadmissibles, » le sultan lui rendrait
l'argent dépensé, quoique « selon la plus stricte équi-
» té, » la Compagnie « n'ait pas le droit de dire qu'elle
» a fait déjà des dépenses. »
» Telle est, en peu de mots, la substance de la dé-
pêche. Elle est brutale, mais faible. Il faudrait un vo-
lume pour tout dire, parce que tout ce qui a été fait
depuis dix ans est remis en question ; nous voulons
être court, et nous nous bornerons à éclairer les points
les plus importants.
» Sir Henry Bulwer connaît les affaires de l'Orient,
mais la dépêche turque, à force de ne tenir compte de
rien, semble avoir été écrite par un homme qui ne
saurait pas le premier mot de l'entreprise. 11 n'y a pas
en Europe un esprit politique de quelque valeur qui ne
convienne que, d'après le hatti-chérif de 1841, le droit
de décision appartient au vice-roi d'Egypte pour des
entreprises de travaux et des constitutions de sociétés
dans les limites de son gouvernement. Tout le monde
aussi est d'accord qu'il appartient au seul suzerain de
régler avec les cabinets les questions de droit interna-
tional par suite de l'exécution de tel ou tel projet; le
percement de l'isthme de Suez appelle la solution de
questions de ce genre; la puissance diplomatique de-
meure aux mains du sultan. Ce fut un décret du vice-
roi, à la date du 30 novembre 1854, qui concéda le ca-
nal maritime de Suez ; trois mois après, une lettre du
grand vizir proclamait l'entreprise du canal de Suez
comme « des plus utiles. » Le 5 janvier 1856, le vice-
roi, confirmant sa précédente résolution, délivrait à
M. de Lesseps un nouveau décret, composé de vingt-
trois articles et intitulé : Acte de concession et cahier des
charges.
» Pas un mot de la Sublime Porte n'infirma le droit
de son vassal égyptien ni les pouvoirs donnés pour
constituer une compagnie financière ; loin de là, le
divan, après une discussion de dix-sept séances, avait
déclaré le projet profitable aux intérêts de l'empire et
de tous les peuples. La ratification du sultan était de-
mandée ; le gouvernement turc la promettait ; il l'a-
journait sur les vives instances de l'Angleterre. La
science, parlant par la bouche de ses représentants les
plus compétents, avait déclaré exécutable le percement
de l'isthme ; les cabinets, moins le cabinet anglais, en
acceptaient vivement la pensée ; toute l'Europe accla-
mait l'entreprise; deux cents millions devaient former
le capital de l'association ; ils furent souscrits en vingt-
cinq jours ; un conseil judiciaire, après une sérieuse en-
quête, se prononça en faveur de la constitution régu-
lière de la Société universelle du canal maritime de
Suez. La dépêche turque supprime donc les conventions
et les faits lorsqu'elle dénie à la Compagnie toute es-
pèce de droit : elle se met en plein dans le faux.
» La dépêche demande, comme une chose à laquelle
personne n'aurait pensé, la neutralité du canal de Suez.
On n'a donc pas lu l'article 14 de l'acte de concession
du 5 janvier 1856 ; la neutralité s'y trouve stipulée en
termes exprès : le grand canal maritime de Suez à Pé-
luse et les ports qui en dépendent « sont ouverts à
.) toujours, comme passages neutres, à tout navire de
» commerce traversant d'une mer à l'autre, sans aucune
» distinction, exclusion ni préférence de personnes ou
» nationalités." La dénomination seule de Compagnie uni-
verselle annonce la neutralité; tous ont été appelés, tous
sont représentés ; où est la possibilité de la préférence?
La neutralité du canal maritime faisant partie essen-
tielle du caractère de l'entreprise, tout ce qui peut le
mieux l'assurer est accepté d'avance ; la Porte, aidée
du cabinet anglais, n'a qu'à proposer les plus sûres
combinaisons, un accueil empressé leur est réservé.
» L'humanité de la Sublime Porte se révolte contre
le travail forcé. La dépêche parle de l'abolition de la
corvée dans l'empire ottoman et de l'abolition de la
corvée en Egypte par un décret du vice-roi. Il y a
quelques semaines, à la tribune anglaise, on invoquait
ces prescriptions. La dépêche turque et la tribune an-
glaise sont mal informées. L'esclavage est plus ou
moins aboli en Turquie, la corvée ne l'est pas ; elle ne
l'est pas non plus en Egypte. Le vice-roi en use pour
les travaux publics, et, lorsque les Anglais construisi-
rent leur chemin de fer d'Alexandrie au Caire, ils ne
recrutèrent pas autrement leurs ouvriers ; ils avaient
sollicité auprès du gouvernement égyptien cette cons -
cription de travailleurs comme une faveur. Quand il
fallut réparer les dégâts causés par les tempêtes et les
débordements du Nil, ils eurent sous la. main jusqu'à
cinquante mille fellahs rassemblés comme après une
battue générale, et les Anglais laissaient voir d'autant
moins de scrupules que ces procédés ont passé en cou-
tume dans l'Inde britannique.
» C'est par le travail forcé que s'exécute la canalisa-
tion de l'isthme de Suez; le travail forcé est une insti-
tution égyptienne aussi ancienne que les pyramides, et
sans laquelle aucune entreprise ne serait possible dans
ce pays-là ; mais le devoir d'humanité consiste à adou-
cir cette loi, à mesurer la tâche aux forces, à traiter
les ouvriers avec justice, à étendre les prévoyances se-
lon leurs besoins. Or, pour la première fois depuis
quatre mille ans, ce devoir a été compris et pratiqué
en Egypte, et c'est à l'égard des ouvriers du canal de
plan de l'ambassade anglaise a échouc, la dépêche reste
écrite et va à son bat. Nous n'osons pas demander ce
que faisait la diplomatie française à Constantinople
pendant que sir Henry Buhver conduisait victorieuse-
ment son dessein : elle a été « surprise », dit-on; il
arrive aussi que des généraux d'année sont surpris :
l'ascendant et la gloire exigent d'autres conditions.
» Maintenant, voyons ce que renferme la dépêche
turque.
La Sublime Porte n'a pas autorisé le projet ; elle
ne l'autorisera qu'à des conditions qui jusqu'ici n'ont
pas été remplies. Le projet actuel n'offre aucune des
garanties indispensables : le gouvernement turc de-
mande la neutralité complète du canal de Suez ; il
condamne le travail forcé en Egypte et la concession
du territoire qui environne les canaux d'eau douce.
Lorsqu'il aura reçu satisfaction sur ces trois points, il
examinera les autres conditions du contrat « sans la
» moindre prévention. » Dans le cas où la Compagnie
refuserait de renoncer à des clauses que la Turquie re-
garde comme « inadmissibles, » le sultan lui rendrait
l'argent dépensé, quoique « selon la plus stricte équi-
» té, » la Compagnie « n'ait pas le droit de dire qu'elle
» a fait déjà des dépenses. »
» Telle est, en peu de mots, la substance de la dé-
pêche. Elle est brutale, mais faible. Il faudrait un vo-
lume pour tout dire, parce que tout ce qui a été fait
depuis dix ans est remis en question ; nous voulons
être court, et nous nous bornerons à éclairer les points
les plus importants.
» Sir Henry Bulwer connaît les affaires de l'Orient,
mais la dépêche turque, à force de ne tenir compte de
rien, semble avoir été écrite par un homme qui ne
saurait pas le premier mot de l'entreprise. 11 n'y a pas
en Europe un esprit politique de quelque valeur qui ne
convienne que, d'après le hatti-chérif de 1841, le droit
de décision appartient au vice-roi d'Egypte pour des
entreprises de travaux et des constitutions de sociétés
dans les limites de son gouvernement. Tout le monde
aussi est d'accord qu'il appartient au seul suzerain de
régler avec les cabinets les questions de droit interna-
tional par suite de l'exécution de tel ou tel projet; le
percement de l'isthme de Suez appelle la solution de
questions de ce genre; la puissance diplomatique de-
meure aux mains du sultan. Ce fut un décret du vice-
roi, à la date du 30 novembre 1854, qui concéda le ca-
nal maritime de Suez ; trois mois après, une lettre du
grand vizir proclamait l'entreprise du canal de Suez
comme « des plus utiles. » Le 5 janvier 1856, le vice-
roi, confirmant sa précédente résolution, délivrait à
M. de Lesseps un nouveau décret, composé de vingt-
trois articles et intitulé : Acte de concession et cahier des
charges.
» Pas un mot de la Sublime Porte n'infirma le droit
de son vassal égyptien ni les pouvoirs donnés pour
constituer une compagnie financière ; loin de là, le
divan, après une discussion de dix-sept séances, avait
déclaré le projet profitable aux intérêts de l'empire et
de tous les peuples. La ratification du sultan était de-
mandée ; le gouvernement turc la promettait ; il l'a-
journait sur les vives instances de l'Angleterre. La
science, parlant par la bouche de ses représentants les
plus compétents, avait déclaré exécutable le percement
de l'isthme ; les cabinets, moins le cabinet anglais, en
acceptaient vivement la pensée ; toute l'Europe accla-
mait l'entreprise; deux cents millions devaient former
le capital de l'association ; ils furent souscrits en vingt-
cinq jours ; un conseil judiciaire, après une sérieuse en-
quête, se prononça en faveur de la constitution régu-
lière de la Société universelle du canal maritime de
Suez. La dépêche turque supprime donc les conventions
et les faits lorsqu'elle dénie à la Compagnie toute es-
pèce de droit : elle se met en plein dans le faux.
» La dépêche demande, comme une chose à laquelle
personne n'aurait pensé, la neutralité du canal de Suez.
On n'a donc pas lu l'article 14 de l'acte de concession
du 5 janvier 1856 ; la neutralité s'y trouve stipulée en
termes exprès : le grand canal maritime de Suez à Pé-
luse et les ports qui en dépendent « sont ouverts à
.) toujours, comme passages neutres, à tout navire de
» commerce traversant d'une mer à l'autre, sans aucune
» distinction, exclusion ni préférence de personnes ou
» nationalités." La dénomination seule de Compagnie uni-
verselle annonce la neutralité; tous ont été appelés, tous
sont représentés ; où est la possibilité de la préférence?
La neutralité du canal maritime faisant partie essen-
tielle du caractère de l'entreprise, tout ce qui peut le
mieux l'assurer est accepté d'avance ; la Porte, aidée
du cabinet anglais, n'a qu'à proposer les plus sûres
combinaisons, un accueil empressé leur est réservé.
» L'humanité de la Sublime Porte se révolte contre
le travail forcé. La dépêche parle de l'abolition de la
corvée dans l'empire ottoman et de l'abolition de la
corvée en Egypte par un décret du vice-roi. Il y a
quelques semaines, à la tribune anglaise, on invoquait
ces prescriptions. La dépêche turque et la tribune an-
glaise sont mal informées. L'esclavage est plus ou
moins aboli en Turquie, la corvée ne l'est pas ; elle ne
l'est pas non plus en Egypte. Le vice-roi en use pour
les travaux publics, et, lorsque les Anglais construisi-
rent leur chemin de fer d'Alexandrie au Caire, ils ne
recrutèrent pas autrement leurs ouvriers ; ils avaient
sollicité auprès du gouvernement égyptien cette cons -
cription de travailleurs comme une faveur. Quand il
fallut réparer les dégâts causés par les tempêtes et les
débordements du Nil, ils eurent sous la. main jusqu'à
cinquante mille fellahs rassemblés comme après une
battue générale, et les Anglais laissaient voir d'autant
moins de scrupules que ces procédés ont passé en cou-
tume dans l'Inde britannique.
» C'est par le travail forcé que s'exécute la canalisa-
tion de l'isthme de Suez; le travail forcé est une insti-
tution égyptienne aussi ancienne que les pyramides, et
sans laquelle aucune entreprise ne serait possible dans
ce pays-là ; mais le devoir d'humanité consiste à adou-
cir cette loi, à mesurer la tâche aux forces, à traiter
les ouvriers avec justice, à étendre les prévoyances se-
lon leurs besoins. Or, pour la première fois depuis
quatre mille ans, ce devoir a été compris et pratiqué
en Egypte, et c'est à l'égard des ouvriers du canal de
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.89%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.89%.
- Collections numériques similaires Thématique : ingénierie, génie civil Thématique : ingénierie, génie civil /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCthèm02"Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp11" Corpus : ports et travaux maritimes Corpus : ports et travaux maritimes /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPCcorp16"
- Auteurs similaires Desplaces Ernest Desplaces Ernest /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Desplaces Ernest" or dc.contributor adj "Desplaces Ernest")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 23/32
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k6203247q/f23.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k6203247q/f23.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k6203247q/f23.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k6203247q
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://heritage.ecoledesponts.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k6203247q
Facebook
Twitter