Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1863-06-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 juin 1863 01 juin 1863
Description : 1863/06/01 (A8,N167). 1863/06/01 (A8,N167).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62032469
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
184 L'ISTHME DE SUEZ,
- Ainsi depuis 1823 jusqu'en 1863, c'est-à-dire pen-
dant quarante ans, le système du travail obligatoire
n'a pas cessé un jour, on peut le dire, d'être mis en
pratique dans l'Egypte sur la plus large échelle.
Dans quelle partie de cette période a été promulguée
la loi inconnue dont on nous parle ? Quelle qu'en
soit la date, il est évident qu'elle n'a jamais concerné
l'Egypte. Cela ressort avec évidence de la matérialité
des faits. L'Egypte, pendant ces quarantes années, a
constamment occupé dans ses ateliers des levées
de 30, 40, 60, 100,000 travailleurs. Jamais la Porte
n'a fait une observation. Jamais elle n'a prétendu
que sa loi était violée. La loi existe-t-elle? N'existe-
t-elle pas ? Quelle est sa date ? Quelle est sa forme ?
Quel est son texte ? Nous l'ignorons; mais il ressort
de cet exposé qu'elle n'a jamais été appliquée, ni
applicable à l'Egypte, comme nous l'avons déjà dit,
et qu'elle n'est qu'une arme exhumée et dérouillée,
sinon un prétexte inventé pour servir les jalousies
et les préjugés de lord Palmerston à l'encontre du
canal de Suez.
A propos des attaques récemment dirigées dans le
Parlement contre l'église anglicane d'Irlande, vivant
dans une opulence presque oisive, en absorbant tous
les revenus ecclésiastiques du pays, quoiqu'elle ne
représente et ne desserve que l'infime minorité de cette
population écrasée et misérable, le Times invoquait
cette maxime du grand historien Macaulay : (t Le
monde est plein d'institutions qui n'auraient
jamais dû être établies, mais qui, étant établies, ne
doivent point être renversées rudement. »
Le Times, on le voit, est aussi indulgent pour les
iniquités de l'Angleterre, qu'habituellement rigide
pour les péchés qui ne sont pas les siens. Mais ce
qui serait vrai pour l'Irlande, serait-il faux pour
l'Egypte9 Ce qui serait vrai quand il s'agit d'un culte
imposé, serait-il faux quand il s'agit des conditions
nécessaires d'existence et de prospérité d'un peuple ?
Certes, après l'énumération que nous venons d'en
faire, on ne peut pas nier que le travail obligatoire
n'ait rendu à l'Egypte d'éminents, d'inestimables
services. Il a formé le réseau de ses grands canaux
d'irrigation et de navigation, et il les a entretenus.
D'un côté il a endigué le Nil, de l'autre il a construit
son magnifique barrage. Il a donné à l'Egypte tout
un système de chemins de fer, dont la Turquie qui
prétend le condamner, ne possède seulement pas
l'ombre. Il a pourvu l'Egypte pour la paix et il l'a
armée pour la guerre. Il a élevé les fortifications de
Saïdieh et d'Alexandrie ; il a creusé les bassins de ce
dernier port ; il en' a; dressé les môles ; il lui a pré-
paré l'avenir dont ses habitants jouissent dès aujour-
d'hui. Certes, ce sont là des considérations dignes
~~n~ réfléchisse. Les armées de la paix valent
^pfeè^rmées de la guerre; et quand, pour défendre
la patrie on impose dans tous les Etats civilisés
chaque citoyen le sacrifice de sa plus belle
jeunesse, celui de ses goûts et de son avenir, une
sujétion de plusieurs années aux rudes lois de la dis-
cipline militaire et, lorsqu'il le faut, le risque de sa vie,
les blessures, les bivacs, les expéditions lointaines,etc,
en vérité nous ne comprenons pas comment on
peut traiter avec une rigueur sans merci un autre
impôt bien moins rude, non moins utile et bien plus
fécond pour la prospérité générale, consistant à ré-
clamer à des travailleurs habitués à des travaux spé-
ciaux, non de longues années de leur temps, non
unelongue renonciation à leurs foyers, à leurs familles,
à leurs habitudes, à leurs affections, mais seulement
quelques mois ou quelques jours d'un labeur com-
mun, dont avec leur pays ils sont destinés à retirer
le plus grand avantage, et qui est la vie même de
ce pays et l'âme de sa grandeur.
Le principe du travail obligatoire a changé la face
de l'Egypte ; l'Egypte lui doit tout ce qu'elle est;
lui seul pouvait et peut maintenir et développer les
progrès accomplis; mais dans la pratique il avait
donné lieu à des abus criants, à de déplorables ex-
cès. Le travail n'était pas seulement obligatoire, en
fait il était arrivé à n'être plus rétribué. Les mau-
vaises dispositions prises pour l'alimentation des con-
tingents les réduisaient souvent à la famine, contre
laquelle ils n'avaient d'autres recours que de pourvoir
eux-mêmes à leur subsistance. L'eau plus d'une fois
leur manquait lorsqu'ils étaient stationnés loin du
Nil. Ils étaient maltraités, mal soignés,et privés dans
leurs maladies de toute espèce d'assistance médi-
cale.
Tel était l'état des choses, lors de l'avènement de
Mohammed-Saïd au pouvoir, et lors de la signature
du premier acte de concession, sous la date du
19 mai 1855, autorisant M. Ferdinand de Lesseps à
entreprendre la coupure de l'isthme de Suez.
On sait quel fut, dès le début de l'entreprise, le dé-
chaînement de la presse anglaise inspirée par lord
Palmerston, et les inqualifiables violences parlemen-
taires de ce ministre lui-même. « Le projet du canal n'a-
vait rien de sérieux ni de raisonnable. Ce n'était pas
autre chose qu'un complot pour livrer sous ce cou-
vert l'Egypte à la France, et pour y implanter non-
seulement l'influence, mais encore la domination
française. »
De tous les arguments mis au service de cette
thèse, le plus usité et le plus bruyant était celui qui
prétendait démontrer les dangers du travail libre
dans l'isthme de Suez. Là, disait-on, était le but et
la véritable pensée de la conception. Sous prétexte
d'assembler les travailleurs, M. de Lesseps devait
réunir sous ses ordres un corps de Français et d'Eu-
ropéens énergiques et dévoués, bien plus disposés à
- Ainsi depuis 1823 jusqu'en 1863, c'est-à-dire pen-
dant quarante ans, le système du travail obligatoire
n'a pas cessé un jour, on peut le dire, d'être mis en
pratique dans l'Egypte sur la plus large échelle.
Dans quelle partie de cette période a été promulguée
la loi inconnue dont on nous parle ? Quelle qu'en
soit la date, il est évident qu'elle n'a jamais concerné
l'Egypte. Cela ressort avec évidence de la matérialité
des faits. L'Egypte, pendant ces quarantes années, a
constamment occupé dans ses ateliers des levées
de 30, 40, 60, 100,000 travailleurs. Jamais la Porte
n'a fait une observation. Jamais elle n'a prétendu
que sa loi était violée. La loi existe-t-elle? N'existe-
t-elle pas ? Quelle est sa date ? Quelle est sa forme ?
Quel est son texte ? Nous l'ignorons; mais il ressort
de cet exposé qu'elle n'a jamais été appliquée, ni
applicable à l'Egypte, comme nous l'avons déjà dit,
et qu'elle n'est qu'une arme exhumée et dérouillée,
sinon un prétexte inventé pour servir les jalousies
et les préjugés de lord Palmerston à l'encontre du
canal de Suez.
A propos des attaques récemment dirigées dans le
Parlement contre l'église anglicane d'Irlande, vivant
dans une opulence presque oisive, en absorbant tous
les revenus ecclésiastiques du pays, quoiqu'elle ne
représente et ne desserve que l'infime minorité de cette
population écrasée et misérable, le Times invoquait
cette maxime du grand historien Macaulay : (t Le
monde est plein d'institutions qui n'auraient
jamais dû être établies, mais qui, étant établies, ne
doivent point être renversées rudement. »
Le Times, on le voit, est aussi indulgent pour les
iniquités de l'Angleterre, qu'habituellement rigide
pour les péchés qui ne sont pas les siens. Mais ce
qui serait vrai pour l'Irlande, serait-il faux pour
l'Egypte9 Ce qui serait vrai quand il s'agit d'un culte
imposé, serait-il faux quand il s'agit des conditions
nécessaires d'existence et de prospérité d'un peuple ?
Certes, après l'énumération que nous venons d'en
faire, on ne peut pas nier que le travail obligatoire
n'ait rendu à l'Egypte d'éminents, d'inestimables
services. Il a formé le réseau de ses grands canaux
d'irrigation et de navigation, et il les a entretenus.
D'un côté il a endigué le Nil, de l'autre il a construit
son magnifique barrage. Il a donné à l'Egypte tout
un système de chemins de fer, dont la Turquie qui
prétend le condamner, ne possède seulement pas
l'ombre. Il a pourvu l'Egypte pour la paix et il l'a
armée pour la guerre. Il a élevé les fortifications de
Saïdieh et d'Alexandrie ; il a creusé les bassins de ce
dernier port ; il en' a; dressé les môles ; il lui a pré-
paré l'avenir dont ses habitants jouissent dès aujour-
d'hui. Certes, ce sont là des considérations dignes
~~n~ réfléchisse. Les armées de la paix valent
^pfeè^rmées de la guerre; et quand, pour défendre
la patrie on impose dans tous les Etats civilisés
chaque citoyen le sacrifice de sa plus belle
jeunesse, celui de ses goûts et de son avenir, une
sujétion de plusieurs années aux rudes lois de la dis-
cipline militaire et, lorsqu'il le faut, le risque de sa vie,
les blessures, les bivacs, les expéditions lointaines,etc,
en vérité nous ne comprenons pas comment on
peut traiter avec une rigueur sans merci un autre
impôt bien moins rude, non moins utile et bien plus
fécond pour la prospérité générale, consistant à ré-
clamer à des travailleurs habitués à des travaux spé-
ciaux, non de longues années de leur temps, non
unelongue renonciation à leurs foyers, à leurs familles,
à leurs habitudes, à leurs affections, mais seulement
quelques mois ou quelques jours d'un labeur com-
mun, dont avec leur pays ils sont destinés à retirer
le plus grand avantage, et qui est la vie même de
ce pays et l'âme de sa grandeur.
Le principe du travail obligatoire a changé la face
de l'Egypte ; l'Egypte lui doit tout ce qu'elle est;
lui seul pouvait et peut maintenir et développer les
progrès accomplis; mais dans la pratique il avait
donné lieu à des abus criants, à de déplorables ex-
cès. Le travail n'était pas seulement obligatoire, en
fait il était arrivé à n'être plus rétribué. Les mau-
vaises dispositions prises pour l'alimentation des con-
tingents les réduisaient souvent à la famine, contre
laquelle ils n'avaient d'autres recours que de pourvoir
eux-mêmes à leur subsistance. L'eau plus d'une fois
leur manquait lorsqu'ils étaient stationnés loin du
Nil. Ils étaient maltraités, mal soignés,et privés dans
leurs maladies de toute espèce d'assistance médi-
cale.
Tel était l'état des choses, lors de l'avènement de
Mohammed-Saïd au pouvoir, et lors de la signature
du premier acte de concession, sous la date du
19 mai 1855, autorisant M. Ferdinand de Lesseps à
entreprendre la coupure de l'isthme de Suez.
On sait quel fut, dès le début de l'entreprise, le dé-
chaînement de la presse anglaise inspirée par lord
Palmerston, et les inqualifiables violences parlemen-
taires de ce ministre lui-même. « Le projet du canal n'a-
vait rien de sérieux ni de raisonnable. Ce n'était pas
autre chose qu'un complot pour livrer sous ce cou-
vert l'Egypte à la France, et pour y implanter non-
seulement l'influence, mais encore la domination
française. »
De tous les arguments mis au service de cette
thèse, le plus usité et le plus bruyant était celui qui
prétendait démontrer les dangers du travail libre
dans l'isthme de Suez. Là, disait-on, était le but et
la véritable pensée de la conception. Sous prétexte
d'assembler les travailleurs, M. de Lesseps devait
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