Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1863-01-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 15 janvier 1863 15 janvier 1863
Description : 1863/01/15 (A8,N158). 1863/01/15 (A8,N158).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203237b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
22 L'ISTHME DE SUEZ,
l'un des plus beaux joyaux de cette couronne où brillent
Alexandrie et le Caire ; sous l'administration de la Com-
pagnie, elle sera gérée avec régularité, générosité et
justice. — Que Dieu lui donne toutes les prospérités et
lui épargne toutes les révolutions!
» Près de l'enceinte s'élèvent les principales construc-
tions de Timsah, qui sont rangées symétriquement. A
droite des constructions stables et solides, on voit dres-
sées en triple rangée des tentes où nous trouvons de
très-bons lits, et qui nous offrent un confortable tout à
fait inespéré au désert. C'est là que nous passons la
nuit, non sans avoir pris une large part au souper, et
visité, à la lumière des torches, le viliage arabe, très-
animé, très-joyeux, plein de rires, de chants et de mu-
sique.
» Le principal incident de notre voyage était réservé
pour le lendemain : je veux parler de notre visite à la
grande tranchée, au fond de laquelle coulent aujour-
d'hui les eaux de la Méditerranée, qui vont se jeter dans
le lac.
» Dès le matin, nous étions en selle et en voiture, et
nous gagnions, à travers le désert, le campement du
Seuil à quelques kilomètres.
« Le canal maritime, qui part de la Méditerranée et
se dirige sur Timsah en ligne droite, rencontre à une
douzaine de kilomètres avant d'arriver à cette vaste dé-
pression de terrain, un plateau dont la plus grande
hauteur est de 19 mètres. Ouvrir passage au canal à
travers Qette masse de terre n'était pas un travail dif-
ficile, sans doute, mais à coup sûr un travail long et
bien pénible. Dans un tel pays, et par la température
qui y règne, c'eût été folie de tenter l'entreprise avec
des bras européens. Les fellahs seuls, qui sont d'excel-
lents terrassiers et qui travaillent sans inconvénient par
des chaleurs de 40 degrés, pouvaient être employés à
cette œuvre. Ils l'ont heureusement terminée en quel-
ques mois, et c'est un travail vraiment pharaonesque.
» Nous visitâmes d'abord un kiosque construit sur une
élévation d'où l'on domine le lac et qui appartient au
vice-roi. Son Altesse possède évidemment à un très-haut
degré le sentiment et le goût des belles perspectives,
car, en traversant l'Egypte, nous avons remarqué plus
d'une fois des habitations construites par ses ordres
pour lui servir de demeures, et qui révèlent, par le choix
de leur situation, le sentiment et le goût dont nous
parlons.
» Tout près s'ouvre la tranchée, à l'entrée du lac.
Quelques pas nous amenèrent sur le bord, et nous res-
tâmes saisis d'admiration. Figurez-vous des berges en
talus qui présentent entre elles à leur sommet une ou-
verture de plus de 250 pieds. La déclivité est assez ra-
pide, car le sol sablonneux, n'en déplaise à plus d'un
faux prophète, est solide et compact. Au fond sont les
eaux du canal, un large filet bleu et limpide que M. de
Lesseps, comme Moïse, a fait jaillir du rocher. A gau-
che, cette ligne d'eaux méditerranéennes s'étend à perte
de vue. A droite, l'œil se repose sur la nappe qui com-
mence à couvrir le fond du lac Timsah aux contours
capricieux, aux berges mollement ondulées et couvertes
de tamarins.
» Cette scène est magnifique : Le premier sentiment
qu'elle inspire est celui d'une grande œuvre dépassant
de beaucoup la portée des travaux ordinaires de
l'homme. Bien placée du reste sur cette terre des Pyra-
mides et de tant de monuments grandioses, oui, ce
travail est grand, grand par les difficultés qu'opposait
le désert et qu'on a vaincues ; grand par les adversaires
qu'il a rencontrés, et qu'on a réduits à l'impuissance,
grand par les résultats qu'il promet, et aussi par sa
portée morale. N'a-t-il pas été signalé au monde par le
développement des plus nobles facultés dont il soit
donné à un homme de faire preuve : la fermeté in
domptable; l'infatigable énergie; la foi inébranlable,
cette foi qui « perce les montagnes », la volonté enfin
qui, à un certain degré, est le pouvoir même? Comme
dit saint Paul : relie est posse.
» De Timsah à Port-Saïd, notre navigation a duré
deux jours : le premier, nous étions fort bien assis dans
une barque élégante où nous pûmes jouir, toute la
journée, sous la tente, de la conversation d'un savant
qui revenait de la haute Egypte. Chacun de nous a ses
poupées de prédilection, ou, si l'on aime mieux, sa ma-
rotte. Les marionnettes d'un savant sont les trois cents
sphinx de granit qu'on a laissé récemment recouvrir
par le sable après les avoir découverts. Respectons-les,
mais en disant tout bas :
Mais le moindre grain de mil
Ferait bien mieux notre affaire.
» La deuxième journée de notre navigation sur le ca-
nal maritime commença dès la pointe du jour. Elle fut
plus laborieuse. Nous avions à traverser le lac Menza-
leh, une mer intérieure fort capricieuse, fort irritable,
où le remorquage est impossible quant à présent. En
effet, dans les hautes eaux, le lac se permet de rompre
les digues que lui oppose, des deux côtés, le canal ma-
ritime. Mais il ne sera pas longtemps laissé maître de
recommencer ces incartades. La saison qui finit est la
dernière où l'on souffrira de ses fantaisies. Cet été, les
berges du canal seront renforcées, et le lac sera main-
tenu dans des limites impossibles à franchir.
« Nos deux matelots indigènes conduisirent avec beau-
coup d'adresse notre fine barque à quille acérée, n'hé-
sitant pas à se jeter à l'eau pour la pousser à l'occasion.
Ce fut encore une bonne et agréable journée où mes
compagnons de route tirèrent plus d'un heureux coup
de fusil, faisant lever à chaque fois des flamands par
dix mille, et nous donnant ainsi le charmant spectacle
d'un nuage rose, à travers lequel filtraient les rayons
du soleil.
» J'ai hâte pour vous d'arriver à la fin de ce long
récit, et je m'abstiendrai de vous décrire le futur port
du canal sur la Méditerranée, Port-Saïd, où nous pas-
sâmes la fin de la journée du samedi et toute celle du
dimanche. Port-Saïd est la première ville fondée par la
Compagnie au désert de Suez. On l'a souvent décrite,
et les journaux illustrés en ont donné des vues très-
l'un des plus beaux joyaux de cette couronne où brillent
Alexandrie et le Caire ; sous l'administration de la Com-
pagnie, elle sera gérée avec régularité, générosité et
justice. — Que Dieu lui donne toutes les prospérités et
lui épargne toutes les révolutions!
» Près de l'enceinte s'élèvent les principales construc-
tions de Timsah, qui sont rangées symétriquement. A
droite des constructions stables et solides, on voit dres-
sées en triple rangée des tentes où nous trouvons de
très-bons lits, et qui nous offrent un confortable tout à
fait inespéré au désert. C'est là que nous passons la
nuit, non sans avoir pris une large part au souper, et
visité, à la lumière des torches, le viliage arabe, très-
animé, très-joyeux, plein de rires, de chants et de mu-
sique.
» Le principal incident de notre voyage était réservé
pour le lendemain : je veux parler de notre visite à la
grande tranchée, au fond de laquelle coulent aujour-
d'hui les eaux de la Méditerranée, qui vont se jeter dans
le lac.
» Dès le matin, nous étions en selle et en voiture, et
nous gagnions, à travers le désert, le campement du
Seuil à quelques kilomètres.
« Le canal maritime, qui part de la Méditerranée et
se dirige sur Timsah en ligne droite, rencontre à une
douzaine de kilomètres avant d'arriver à cette vaste dé-
pression de terrain, un plateau dont la plus grande
hauteur est de 19 mètres. Ouvrir passage au canal à
travers Qette masse de terre n'était pas un travail dif-
ficile, sans doute, mais à coup sûr un travail long et
bien pénible. Dans un tel pays, et par la température
qui y règne, c'eût été folie de tenter l'entreprise avec
des bras européens. Les fellahs seuls, qui sont d'excel-
lents terrassiers et qui travaillent sans inconvénient par
des chaleurs de 40 degrés, pouvaient être employés à
cette œuvre. Ils l'ont heureusement terminée en quel-
ques mois, et c'est un travail vraiment pharaonesque.
» Nous visitâmes d'abord un kiosque construit sur une
élévation d'où l'on domine le lac et qui appartient au
vice-roi. Son Altesse possède évidemment à un très-haut
degré le sentiment et le goût des belles perspectives,
car, en traversant l'Egypte, nous avons remarqué plus
d'une fois des habitations construites par ses ordres
pour lui servir de demeures, et qui révèlent, par le choix
de leur situation, le sentiment et le goût dont nous
parlons.
» Tout près s'ouvre la tranchée, à l'entrée du lac.
Quelques pas nous amenèrent sur le bord, et nous res-
tâmes saisis d'admiration. Figurez-vous des berges en
talus qui présentent entre elles à leur sommet une ou-
verture de plus de 250 pieds. La déclivité est assez ra-
pide, car le sol sablonneux, n'en déplaise à plus d'un
faux prophète, est solide et compact. Au fond sont les
eaux du canal, un large filet bleu et limpide que M. de
Lesseps, comme Moïse, a fait jaillir du rocher. A gau-
che, cette ligne d'eaux méditerranéennes s'étend à perte
de vue. A droite, l'œil se repose sur la nappe qui com-
mence à couvrir le fond du lac Timsah aux contours
capricieux, aux berges mollement ondulées et couvertes
de tamarins.
» Cette scène est magnifique : Le premier sentiment
qu'elle inspire est celui d'une grande œuvre dépassant
de beaucoup la portée des travaux ordinaires de
l'homme. Bien placée du reste sur cette terre des Pyra-
mides et de tant de monuments grandioses, oui, ce
travail est grand, grand par les difficultés qu'opposait
le désert et qu'on a vaincues ; grand par les adversaires
qu'il a rencontrés, et qu'on a réduits à l'impuissance,
grand par les résultats qu'il promet, et aussi par sa
portée morale. N'a-t-il pas été signalé au monde par le
développement des plus nobles facultés dont il soit
donné à un homme de faire preuve : la fermeté in
domptable; l'infatigable énergie; la foi inébranlable,
cette foi qui « perce les montagnes », la volonté enfin
qui, à un certain degré, est le pouvoir même? Comme
dit saint Paul : relie est posse.
» De Timsah à Port-Saïd, notre navigation a duré
deux jours : le premier, nous étions fort bien assis dans
une barque élégante où nous pûmes jouir, toute la
journée, sous la tente, de la conversation d'un savant
qui revenait de la haute Egypte. Chacun de nous a ses
poupées de prédilection, ou, si l'on aime mieux, sa ma-
rotte. Les marionnettes d'un savant sont les trois cents
sphinx de granit qu'on a laissé récemment recouvrir
par le sable après les avoir découverts. Respectons-les,
mais en disant tout bas :
Mais le moindre grain de mil
Ferait bien mieux notre affaire.
» La deuxième journée de notre navigation sur le ca-
nal maritime commença dès la pointe du jour. Elle fut
plus laborieuse. Nous avions à traverser le lac Menza-
leh, une mer intérieure fort capricieuse, fort irritable,
où le remorquage est impossible quant à présent. En
effet, dans les hautes eaux, le lac se permet de rompre
les digues que lui oppose, des deux côtés, le canal ma-
ritime. Mais il ne sera pas longtemps laissé maître de
recommencer ces incartades. La saison qui finit est la
dernière où l'on souffrira de ses fantaisies. Cet été, les
berges du canal seront renforcées, et le lac sera main-
tenu dans des limites impossibles à franchir.
« Nos deux matelots indigènes conduisirent avec beau-
coup d'adresse notre fine barque à quille acérée, n'hé-
sitant pas à se jeter à l'eau pour la pousser à l'occasion.
Ce fut encore une bonne et agréable journée où mes
compagnons de route tirèrent plus d'un heureux coup
de fusil, faisant lever à chaque fois des flamands par
dix mille, et nous donnant ainsi le charmant spectacle
d'un nuage rose, à travers lequel filtraient les rayons
du soleil.
» J'ai hâte pour vous d'arriver à la fin de ce long
récit, et je m'abstiendrai de vous décrire le futur port
du canal sur la Méditerranée, Port-Saïd, où nous pas-
sâmes la fin de la journée du samedi et toute celle du
dimanche. Port-Saïd est la première ville fondée par la
Compagnie au désert de Suez. On l'a souvent décrite,
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