Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1856-11-10
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 10 novembre 1856 10 novembre 1856
Description : 1856/11/10 (A1,N10). 1856/11/10 (A1,N10).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k62020558
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
Ii<; L'ISTHME DE SUEZ, !
mer la responsabilité d'une apologie; et c'est déjà
beaucoup que les organes principaux de la publicité
s'abstiennent, et ne joignent pas leur réprobation à
celle de leurs confrères. Pour le moment on se borne
à ce modeste succès vis-à-vis de l'opinion, en tâchant
d'en remporter de plus décisifs ailleurs. On agit dans
l'ombre, sans rien dire au pays dont on prétend servir
ainsi les intérêts, sans même faire porter la parole par
des amis officieux. On persévère dans sa conduite, sauf
à s'y compromettre soi-même et à y compromettre le
grand pays qu'on représente.
Nous ne rappellerons pas tous les griefs cités par les
journaux, ils sont assez connus : l'intervention oppres-
sive auprès du divan, afin qu'il n'accorde point la rati-
fication qu'il désirerait donner; les défenses formelles
intimées à la presse de Constantinople de souffler mot
de l'affaire de Suez; les revirements subits de politique ;
les démarches officielles, et dont nous ne regrettons
pas le succès en faveur du chemin de fer de l'Eu-
phrate, etc., etc. Nous faisons gràce à nos lecteurs de
rénumération de tant d'actes trop notoires et trop si-
gnificatifs. Mais une réflexion générale nous frappe;
et nous espérons qu'elle ne frappera pas moins le bon
sens du peuple anglais.
Si de fait l'intérêt sérieux de l'Angleterre exige que
l'isthme de Suez reste à jamais fermé, même à la ma-
rine britannique, qui empêche de le dire hautement et
de justifier, si on le peut, une prétention si extraordi-
naire? Si les possessions anglaises dans l'Inde sont me-
nacées parce que les marchandises suivront la voie que
suivent, dès aujourd'hui, les voyageurs et les dépêches,
qu'on le déclare. Si l'on se croit en droit de demander
des garanties contre des éventualités qu'on redoute ,
qu'on indique loyalement ces garanties en les appuyant
sur des motifs qui puissent les faire concéder, et en
respectant scrupuleusement tous les droits acquis et les
traités existants. Si la Grande-Bretagne n'a rien à re-
douter pour elle-même, avec les positions qu'elle occupe
sur le globe, avec sa marine militaire qui les protège ,
avec sa marine marchande qui les exploite, et si elle n'a
de sollicitude que pour l'Orient, qu'on dise alors en quoi
le repos ou l'équilibre du monde oriental se trouvent
menacés par l'ouverture de l'isthme de Suez? Croit-on
que le canal projeté puisse nuire à l'Egypte? ce serait
aller contre l'évidence. Croit-on qu'il puisse nuire à
l'empire turc? c'est méconnaître la pensée de la Porte
Ottomane, exprimée formellement dans un document
officiel que tout le monde a lu.
S'obstiner à se taire sur tous ces points, et agir en
attendant comme si l'on avait pleine raison contre l'u-
nivers entier, c'est beaucoup oser, en apparence du
moins. Mars au fond c'est se montrer bien faible. Dans
un pays de publicité comme l'Angleterre, avec une
presse libre et puissante, dissimuler sa pensée véritable
depuis deux ans bientôt que dure cette sourde opposi-
tion , c'est avouer qu'on n'a que des motifs insuffisants,
ou plutôt qu'on rougit soi-même de ceux auxquels on se
laisse aller. Pour qui connaît l'Angleterre, ce n'est pas
ainsi qu'il faut la conduire ; ce n'est pas ainsi qu'on la
persuade. Bien que l'opinion publique s'y intéresse
moins aux questions du dehors qu'aux questions int
rieures, il n'est pas à présumer qu'elle s'abdique elle
même après s'être prononcée, et qu'elle se contredit
tout exprès pour se ranger à l'avis de gens qui ne pel"
tout expr s pour se ranger à aVIs e gens qUI ne
vent pas dire ce qu'ils pensent. Il y a donc ici deu*
courants contraires : dans le cabinet d'une part, et da""
la nation de l'autre. Le cabinet, qui n'a point encore CIl
à subir les interpellations de la tribune, gêne autant
qu'il le peut la réalisation d'un grand projet, que peat..
être il ne comprend pas assez ; et à côté du cabinet, e
sans s'inquiéter de ses visées secrètes, le pays cro"
qu'il y va de son intérêt de s'ouvrir une route plos
courte vers les Indes, et il veut pouvoir se rendre en det1*
mois en Australie, par la mer Rouge, au lieu d'en "'cl'
tre quatre, et souvent plus, par le cap de Bonne-Espe'
rance. Cette divergence entre quelques hommes d'Etat
et le public ne peut manquer d'éclater dans un teniph
plus ou moins prochain ; et il est assez facile d'en pré,
voir l'effet. Dans ces luttes , ce ne sont jamais les ça'
nets qui triomphent en Angleterre ; et comme c'es
l'opinion qui est souveraine, c'est elle en définitive qlIl
reste maîtresse du terrain.
Ainsi donc, comme l'ont déjà dit plusieurs journau*>
les hommes d'Etat auxquels nous faisons allusion se
raient prudents de considérer plus attentivement ce qUC
leur conduite a de fâcheux pour eux-mêmes, et potle
leur pays. Quant à eux, indépendamment de toute autre
considération, ce n'est pas s'apprécier assez soi-mêinc
que de cacher ses desseins et ses actes; pour leur pays,
c'est risquer de présenter l'intérêt particulier de l'Anglc'
terre comme opposé à l'intérêt de l'humanité entière-
A en croire ces hommes d'Etat, trop passionnés sans
doute pour porter leurs regards assez loin, il semble"
rait que le canal réclamé par l'Europe peut faire
courir quelque risque à la puissance britannique. Dés
lors, la conséquence serait aussi facile à tirer qu'elle
serait fâcheuse. Selon eux, l'humanité devrait être sacri"
fiée à l'Angleterre; et pour que l'Angleterre pût s'enri"
chir et prospérer, il faudrait que les autres nations
demeurassent à jamais dans la pauvreté relative où on
prétend les maintenir.
La cause d'une erreur aussi déplorable nous semble
évidente, et pour l'expliquer nous aurions à nous référer
simplement à un de nos précédents articles. En parlaut
de la prospérité toujours croissante du commerce an"
glais , et en nous en félicitant hautement sans la moindre
jalousie et avec sincérité, nous disions que dans cette
puissance inouïe il y avait danger pour les hommes
d'État chargés de si splendides destinées, de se laisser
éblouir et d'avoir le vertige. Plus le pouvoir est grand,
plus il y a chance qu'on en abuse. Xous ne croyions
pas en faisant ces réflexions, il y a quelque temps,
qu'elles seraient si tôt applicables. Evidemment, c'est
manquer de modération et de sagesse, quand on peut
tant, de pousser jusqu'à l'extrême l'action qu'on exerce,
Que dirait l'Angleterre si, dans l'affaire du chemin de
fer de l'Euphrate, l'ambassadeur français à Constanti"
nople fut intervenu pour faire échouer les vues de l'am-
mer la responsabilité d'une apologie; et c'est déjà
beaucoup que les organes principaux de la publicité
s'abstiennent, et ne joignent pas leur réprobation à
celle de leurs confrères. Pour le moment on se borne
à ce modeste succès vis-à-vis de l'opinion, en tâchant
d'en remporter de plus décisifs ailleurs. On agit dans
l'ombre, sans rien dire au pays dont on prétend servir
ainsi les intérêts, sans même faire porter la parole par
des amis officieux. On persévère dans sa conduite, sauf
à s'y compromettre soi-même et à y compromettre le
grand pays qu'on représente.
Nous ne rappellerons pas tous les griefs cités par les
journaux, ils sont assez connus : l'intervention oppres-
sive auprès du divan, afin qu'il n'accorde point la rati-
fication qu'il désirerait donner; les défenses formelles
intimées à la presse de Constantinople de souffler mot
de l'affaire de Suez; les revirements subits de politique ;
les démarches officielles, et dont nous ne regrettons
pas le succès en faveur du chemin de fer de l'Eu-
phrate, etc., etc. Nous faisons gràce à nos lecteurs de
rénumération de tant d'actes trop notoires et trop si-
gnificatifs. Mais une réflexion générale nous frappe;
et nous espérons qu'elle ne frappera pas moins le bon
sens du peuple anglais.
Si de fait l'intérêt sérieux de l'Angleterre exige que
l'isthme de Suez reste à jamais fermé, même à la ma-
rine britannique, qui empêche de le dire hautement et
de justifier, si on le peut, une prétention si extraordi-
naire? Si les possessions anglaises dans l'Inde sont me-
nacées parce que les marchandises suivront la voie que
suivent, dès aujourd'hui, les voyageurs et les dépêches,
qu'on le déclare. Si l'on se croit en droit de demander
des garanties contre des éventualités qu'on redoute ,
qu'on indique loyalement ces garanties en les appuyant
sur des motifs qui puissent les faire concéder, et en
respectant scrupuleusement tous les droits acquis et les
traités existants. Si la Grande-Bretagne n'a rien à re-
douter pour elle-même, avec les positions qu'elle occupe
sur le globe, avec sa marine militaire qui les protège ,
avec sa marine marchande qui les exploite, et si elle n'a
de sollicitude que pour l'Orient, qu'on dise alors en quoi
le repos ou l'équilibre du monde oriental se trouvent
menacés par l'ouverture de l'isthme de Suez? Croit-on
que le canal projeté puisse nuire à l'Egypte? ce serait
aller contre l'évidence. Croit-on qu'il puisse nuire à
l'empire turc? c'est méconnaître la pensée de la Porte
Ottomane, exprimée formellement dans un document
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S'obstiner à se taire sur tous ces points, et agir en
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nivers entier, c'est beaucoup oser, en apparence du
moins. Mars au fond c'est se montrer bien faible. Dans
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depuis deux ans bientôt que dure cette sourde opposi-
tion , c'est avouer qu'on n'a que des motifs insuffisants,
ou plutôt qu'on rougit soi-même de ceux auxquels on se
laisse aller. Pour qui connaît l'Angleterre, ce n'est pas
ainsi qu'il faut la conduire ; ce n'est pas ainsi qu'on la
persuade. Bien que l'opinion publique s'y intéresse
moins aux questions du dehors qu'aux questions int
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même après s'être prononcée, et qu'elle se contredit
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la nation de l'autre. Le cabinet, qui n'a point encore CIl
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qu'il le peut la réalisation d'un grand projet, que peat..
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sans s'inquiéter de ses visées secrètes, le pays cro"
qu'il y va de son intérêt de s'ouvrir une route plos
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que de cacher ses desseins et ses actes; pour leur pays,
c'est risquer de présenter l'intérêt particulier de l'Anglc'
terre comme opposé à l'intérêt de l'humanité entière-
A en croire ces hommes d'Etat, trop passionnés sans
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puissance inouïe il y avait danger pour les hommes
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plus il y a chance qu'on en abuse. Xous ne croyions
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qu'elles seraient si tôt applicables. Evidemment, c'est
manquer de modération et de sagesse, quand on peut
tant, de pousser jusqu'à l'extrême l'action qu'on exerce,
Que dirait l'Angleterre si, dans l'affaire du chemin de
fer de l'Euphrate, l'ambassadeur français à Constanti"
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