Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1860-06-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 juin 1860 01 juin 1860
Description : 1860/06/01 (A5,N95). 1860/06/01 (A5,N95).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6529961j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/07/2013
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 179
raie d'actionnaires convoquée dans cette fameuse entre-
prise, et quand M. de Lesseps a regardé autour de la
salle, qu'il a compté la pleine quantité de souscripteurs
nécessaires pour constituer une réunion légale, son
cœur, nous le présumons sans peine, a dû se réjouir
en lui-même. Sa satisfaction était vraiment perceptible,
car en produisant au milieu des bravos de son auditoire
un rapport élaboré, il a été assez indulgent pour pro-
noncer un éloge chaleureux « des classes commer-
ciales » de l'Angleterre. Assurément un panégyrique
aussi limité n'est pas absolument flatteur, mais au
total il est plus agréable qu'une censure non mitigée,
et c'est une preuve que M. de Lesseps a trouvé chez
nous quelque chose digne de lui plaire.
» Si toutefois nos voisins les Français désirent réelle-
ment connaître les sentiments de notre pays sur ce su-
jet, ils peuvent les connaître par un seul fait; c'est celui
que nous ne pouvons véritablement nous hasarder à en-
tretenir le peuple anglais de cette question, sans lui ex-
pliquer d'abord ce dont il s'agit. Il est vrai que dans
ce journal et ailleurs la question a été occasionnelle-
ment discutée , mais avec si peu d'effet sur l'opinion
publique, que, nous osons l'avancer, pas un homme sur
mille ne pourrait dire de quel côté sont présumés se
trouver les intérêts de l'Angleterre. Toute personne
invitée à prendre des actions demanderait le prospec-
tus, examinerait les garanties, donnerait sa réponse en
conséquence, mais certainement elle ne traiterait pas
le projet comme une question nationale et ne lui attri-
buerait aucune signification politique. Nous demandons
même en toute candeur à décliner l'éloge partiel que
M. de Lesseps nous a décerné. Si « les classes commer-
ciales » de l'Angleterre ont prêté leur appui au projet
du canal, elles ont sans aucun doute agi ainsi par des
.motifs qui sont parfaitement justifiables, mais qui ne
méritent aucune louange. Elles ont agi ainsi parce
qu'elles ont prévu un profit raisonnable de la spécula-
tion, et si M. de Lesseps désire conserver leur sympathie,
il n'a qu'à leur assurer non des compliments polis,
.mais un bon dividende.
» En tous cas ce que nous pouvons sincèrement af-
firmer, c'est que nous n'avons eu aucune confiance dans
l'entreprise proposée, en même temps que nous n'avions
pas la moindre objection à la voir exécuter par d'autres.
Si d'une façon obscure et nébuleuse les Anglais ont con-
çu une déplaisante idée de ce projet, ils l'ont tirée des
descriptions que des Français en ont données et de l'es-
prit dans lequel la France l'a encouragé. Nous avons
d'abord examiné le programme; il est devenu manifeste
à nos yeux commerciaux que le travail ne serait point
profitable. Cela pourtant n'avait rien d'extraordinaire,
et nous sommes passablement accoutumés à de telles
propositions. Mais lorsque nous avons vu qu'une moitié
du capital demandé, montant à 4 millions sterling, était
souscrit en France, comme M. de Lesseps vient de nous
le rappeler, dans un espace de quelques jours, nous n'a-
vons pu nous empêcher de rechercher les causes qui
de l'autre côté du détroit lui donnaient des attractions
si supérieures à celles que nous découvrions de ce côté-
ci. Nous n'avons pas été laissés longtemps dans l'obs-
curité, car après plusieurs intimations moins directes,
un écrivain français, d'une réputation grande et méri-
tée, nous a informés nettement que le percement du ca-
nal de Suez était l'équivalent du percement de la cui-
rasse même de l'Angleterre ; c'était au moins parler
franchement, et nous avons été immédiatement informés
par l'intermédiaire usuel de notre correspondance, com-
ment ce coup fatal devait être porté. On nous faisait
remarquer que le projet de M. de Lesseps, praticable ou
non, mettrait en tous cas la France à même d'établir
« ses intérêts » en Egypte, et conséquemment à même
de menacer les « intérêts anglais » de cette position
d'opportunité traditionnelle. Quand même le canal ne
pourrait être jamais creusé et encore moins ouvert ou
maintenu en opération, on s'assurerait du terrain et on
obtiendrait un pied dans le pays. Les côtes méditerra-
néennes déjà fortifiées seraient à l'épreuve contre les
descentes d'une puissance maritime, et les ouvrages
eux-mêmes du canal, s'ils ne faisaient rien de plus,
bloqueraient la vieille route de la mer Rouge à Alexan-
drie. Le pacha en outre pouvait par l'appui de la France
toujours sous sa main dès lors défier son souverain, et
la politique de l'Egypte serait dirigée de Paris, au lieu
de l'être de Constantinople, où l'influence de l'ambas-
sadeur anglais pourrait se faire sentir. Tout cela nous
a été dit : le long et le court du projet du canal de Suez
était l'établissement des « intérêts français D en Egypte;
l'Egypte a été regardée depuis un temps immémorial
le point duquel « la perfide Albion » pourrait être le
plus activement contrôlée, et la conclusion logique par
conséquent était que le triomphe de M. de Lesseps était
le triomphe de la France.
» Naturellement la justification de notre opposition
telle quelle a été dans la vérité de cette histoire; en réa-
lité cette opposition ne s'est jamais étendue très-large-
ment et très-profondément; mais lorsqu'en dépit des
protestations de M. de Lesseps, on nous a appris d'une ma-
nière si candide la pénalité qu'encourrait l'Angleterre,
nos autorités furent pleinement justifiées en cherchant
à l'écarter. Nous ne fîmes rien, après tout, que pren-
dre nos amis les Français par leurs propres paroles. Inca-
pables de découvrir les avantages commerciaux de l'en-
treprise, nous reçûmes l'explication politique avec d'au-
tant moins de suprise et crûmes d'autant plus facilement
que le projet cachait quelque intrigue, que dans
notre conviction il ne pouvait offrir de bénéfices. Pour-
tant, pour dire toute la vérité, nous ne sommes pas très-
effrayés même à présent ; nous avons appris à nous dé-
fier de tous ces merveilleux coups de politique. Nous ne
croyons pas que le canal de Suez nous fera aucun mal,
même si telle est sa pensée, et nous serions très fâchés
de le croire. Nous ne sommes pas le moins du monde
effrayés de projets de cette espèce ; mais encore si le
grand travail de fraternisation et d'union dans lequel
est maintenant engagé M. Cobden doit jamais s'accom-
plir, il sera mieux que des idées de cette espèce soient
regardées avec moins de faveur. Nous le demandons en
toute sincérité, quelles seraient les exclamations de
M. Bright et de ses amis, si un projet tel que celui du
canal de Suez, qu'on avouerait dirigé contre les inté-
rêts français, avait été conçu en Angleterre par le pa-
tronage du gouvernement? Que diraient ces messieurs,
raie d'actionnaires convoquée dans cette fameuse entre-
prise, et quand M. de Lesseps a regardé autour de la
salle, qu'il a compté la pleine quantité de souscripteurs
nécessaires pour constituer une réunion légale, son
cœur, nous le présumons sans peine, a dû se réjouir
en lui-même. Sa satisfaction était vraiment perceptible,
car en produisant au milieu des bravos de son auditoire
un rapport élaboré, il a été assez indulgent pour pro-
noncer un éloge chaleureux « des classes commer-
ciales » de l'Angleterre. Assurément un panégyrique
aussi limité n'est pas absolument flatteur, mais au
total il est plus agréable qu'une censure non mitigée,
et c'est une preuve que M. de Lesseps a trouvé chez
nous quelque chose digne de lui plaire.
» Si toutefois nos voisins les Français désirent réelle-
ment connaître les sentiments de notre pays sur ce su-
jet, ils peuvent les connaître par un seul fait; c'est celui
que nous ne pouvons véritablement nous hasarder à en-
tretenir le peuple anglais de cette question, sans lui ex-
pliquer d'abord ce dont il s'agit. Il est vrai que dans
ce journal et ailleurs la question a été occasionnelle-
ment discutée , mais avec si peu d'effet sur l'opinion
publique, que, nous osons l'avancer, pas un homme sur
mille ne pourrait dire de quel côté sont présumés se
trouver les intérêts de l'Angleterre. Toute personne
invitée à prendre des actions demanderait le prospec-
tus, examinerait les garanties, donnerait sa réponse en
conséquence, mais certainement elle ne traiterait pas
le projet comme une question nationale et ne lui attri-
buerait aucune signification politique. Nous demandons
même en toute candeur à décliner l'éloge partiel que
M. de Lesseps nous a décerné. Si « les classes commer-
ciales » de l'Angleterre ont prêté leur appui au projet
du canal, elles ont sans aucun doute agi ainsi par des
.motifs qui sont parfaitement justifiables, mais qui ne
méritent aucune louange. Elles ont agi ainsi parce
qu'elles ont prévu un profit raisonnable de la spécula-
tion, et si M. de Lesseps désire conserver leur sympathie,
il n'a qu'à leur assurer non des compliments polis,
.mais un bon dividende.
» En tous cas ce que nous pouvons sincèrement af-
firmer, c'est que nous n'avons eu aucune confiance dans
l'entreprise proposée, en même temps que nous n'avions
pas la moindre objection à la voir exécuter par d'autres.
Si d'une façon obscure et nébuleuse les Anglais ont con-
çu une déplaisante idée de ce projet, ils l'ont tirée des
descriptions que des Français en ont données et de l'es-
prit dans lequel la France l'a encouragé. Nous avons
d'abord examiné le programme; il est devenu manifeste
à nos yeux commerciaux que le travail ne serait point
profitable. Cela pourtant n'avait rien d'extraordinaire,
et nous sommes passablement accoutumés à de telles
propositions. Mais lorsque nous avons vu qu'une moitié
du capital demandé, montant à 4 millions sterling, était
souscrit en France, comme M. de Lesseps vient de nous
le rappeler, dans un espace de quelques jours, nous n'a-
vons pu nous empêcher de rechercher les causes qui
de l'autre côté du détroit lui donnaient des attractions
si supérieures à celles que nous découvrions de ce côté-
ci. Nous n'avons pas été laissés longtemps dans l'obs-
curité, car après plusieurs intimations moins directes,
un écrivain français, d'une réputation grande et méri-
tée, nous a informés nettement que le percement du ca-
nal de Suez était l'équivalent du percement de la cui-
rasse même de l'Angleterre ; c'était au moins parler
franchement, et nous avons été immédiatement informés
par l'intermédiaire usuel de notre correspondance, com-
ment ce coup fatal devait être porté. On nous faisait
remarquer que le projet de M. de Lesseps, praticable ou
non, mettrait en tous cas la France à même d'établir
« ses intérêts » en Egypte, et conséquemment à même
de menacer les « intérêts anglais » de cette position
d'opportunité traditionnelle. Quand même le canal ne
pourrait être jamais creusé et encore moins ouvert ou
maintenu en opération, on s'assurerait du terrain et on
obtiendrait un pied dans le pays. Les côtes méditerra-
néennes déjà fortifiées seraient à l'épreuve contre les
descentes d'une puissance maritime, et les ouvrages
eux-mêmes du canal, s'ils ne faisaient rien de plus,
bloqueraient la vieille route de la mer Rouge à Alexan-
drie. Le pacha en outre pouvait par l'appui de la France
toujours sous sa main dès lors défier son souverain, et
la politique de l'Egypte serait dirigée de Paris, au lieu
de l'être de Constantinople, où l'influence de l'ambas-
sadeur anglais pourrait se faire sentir. Tout cela nous
a été dit : le long et le court du projet du canal de Suez
était l'établissement des « intérêts français D en Egypte;
l'Egypte a été regardée depuis un temps immémorial
le point duquel « la perfide Albion » pourrait être le
plus activement contrôlée, et la conclusion logique par
conséquent était que le triomphe de M. de Lesseps était
le triomphe de la France.
» Naturellement la justification de notre opposition
telle quelle a été dans la vérité de cette histoire; en réa-
lité cette opposition ne s'est jamais étendue très-large-
ment et très-profondément; mais lorsqu'en dépit des
protestations de M. de Lesseps, on nous a appris d'une ma-
nière si candide la pénalité qu'encourrait l'Angleterre,
nos autorités furent pleinement justifiées en cherchant
à l'écarter. Nous ne fîmes rien, après tout, que pren-
dre nos amis les Français par leurs propres paroles. Inca-
pables de découvrir les avantages commerciaux de l'en-
treprise, nous reçûmes l'explication politique avec d'au-
tant moins de suprise et crûmes d'autant plus facilement
que le projet cachait quelque intrigue, que dans
notre conviction il ne pouvait offrir de bénéfices. Pour-
tant, pour dire toute la vérité, nous ne sommes pas très-
effrayés même à présent ; nous avons appris à nous dé-
fier de tous ces merveilleux coups de politique. Nous ne
croyons pas que le canal de Suez nous fera aucun mal,
même si telle est sa pensée, et nous serions très fâchés
de le croire. Nous ne sommes pas le moins du monde
effrayés de projets de cette espèce ; mais encore si le
grand travail de fraternisation et d'union dans lequel
est maintenant engagé M. Cobden doit jamais s'accom-
plir, il sera mieux que des idées de cette espèce soient
regardées avec moins de faveur. Nous le demandons en
toute sincérité, quelles seraient les exclamations de
M. Bright et de ses amis, si un projet tel que celui du
canal de Suez, qu'on avouerait dirigé contre les inté-
rêts français, avait été conçu en Angleterre par le pa-
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