Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1864-12-01
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4673 Nombre total de vues : 4673
Description : 01 décembre 1864 01 décembre 1864
Description : 1864/12/01 (A9,N203). 1864/12/01 (A9,N203).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203334f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/05/2012
JOURNAL DE L'UNION DES DEUX MERS. 477
paons, et j'ai vu plusieurs fois le même solitaire à la
tète de deux ou trois familles que les mamans éle-
vaient avec un amour et une sollicitude remarquables.
La ponte a lieu au mois de mars, loin des habitations,
près de quelque mare perdue dans la forêt, mais que
le chasseur connait bien. Chaque famille compte de
dix à douze petits, semblables dans leurs allures et
leur vêtement aux petits dindons de nos basses-cours.
Ils ont beaucoup d'ennemis dans leur première jeu-
nesse, car tous les égorgeurs, aigles et vautours, en
sont friands. Le matin et le soir seulement ils quittent
la forêt pour la plaine, à l'instar des faisans de France.
La nuit ils dorment branchés sur de grands arbres sans
feuilles; le jour ils cherchent l'ombre et la fraîcheur
dans quelque fourré bien épais, au bord des ruisseaux.
On dit qu'il y a pacte d'amitié inviolable entre les"paons
et les tigres, et que ces derniers sont très-friands de la
fiente des autres.. mais on dit tant de choses! Pour
moi qui ai vu beaucoup de paons et moins de tigres,
je crois tout simplement qu'ils ne vivent dans les
mêmes parages que parce qu'ils y trouvent bénéfice,
chacun de son côté, et que le tigre croque le paon
chaque fois que l'occasion s'en présente.
Ce jour-la, à Kédoll, nous eûmes beaucoup de peine
à joindre notre gibier, tant il se dérobait et filait pres-
tement sous les hautes herbes. Malheureusement pour
lui, le commandant n'était plus Iii, quand, après s'être
longtemps fait battre parmi les broussailles et les chau-
mes de riz, toute la bande prit son vol devant moi avec
un tapage effroyable. Ils étaient peut-être une trentaine,
dont plusieurs mâles aux queues resplendissantes. J'en
tuai un. C'était sur la lisière du bois, et comme d'ordi-
naire je m'amusai beaucoup de la panique de la troupe,
panique où il y avait bien autant de curiosité que de
crainte. — Plusieurs s'étaient perchés sur les plus
hautes branches des arbres voisins ; d'autres couraient
à cent pas de moi dans les herbes : on eût dit à voir
leurs longs cous, leurs fines têtes surmontées de l'ai-
grette dorée en forme d'épi, autant de serpents dérou-
lant leurs anneaux dans la verdure.
Pendant que mon Cambodgien ramassait ma première
victime, je n'eus pas de peine à en choisir uue autre à
la cime d'un tèque, et je lui fis l'honneur d'une balle
à pointe d'acier. — Et de deux, c'était assez; mais le
chasseur est comme l'avare, jamais il ne trouve le tré-
sor assez gros. Puis c'est si beau de voir peloter ce bel
oiseau de douze livres avec ses couleurs de topaze et
d'émeraude ! Je tirai donc sans pitié le premier qui s'en-
vola des broussailles à l'arrêt de Typ, et il tomba criblé
de plomb. Tout cela s'était passé en cinq minutes, et
presque à la même place. Je sifflai mes chiens et re-
gagnai tout couvert de gloire le hameau des Tamarins
où m'attendait le commandant devant un déjeuner suc-
culent, assaisonné d'un vigoureux appétit.
Le lendemain, chacun reprit sa place de bataille de
la veille, et nous nous mimes en route bien avant le
soleil, car nous avions une longue étape à faire pour
gagner Kerr. Mais dispensez-moi de vous écrire des
noms qu'on ne peut prononcer sans trois années d'é-
tudes préalables. Je ne dirai, si vous le voulez bien,
que ceux qui m'offriront des sons relativement har-
monieux.
Nous sommes aux frontières du Cambodge et le pays
a déjà changé brusquement d'aspect : de majestueuses
forêts ont remplacé les champs de riz, de coton et de
cannes. Plus de petites maisons de chaume à l'ombre
des pamplemousses et des manguiers, plus de joyeusfs
plantations de bétel. L'aréquier et le cocotier ne trou-
vent pas là assez de fraîcheur pour leurs racines, et nous
ne voyons plus leurs brillants panaches s'agiter au moin-
dre souffle de la brise. Partout la nature sauvage, par-
tout de vieux arbres dont les rameaux ploient sous des
plantes parasites, lianes et fougères, et qui n'ont d'au-
tre ennemi que le temps. Quelle mine d'or inépuisable
pour le gouvernement de Saïgon que ces belles forêts,
le jour où il voudra les laisser exploiter librement! Si
le tèque (tectona yrandis) n'est plus aussi commun qu'à
Siam et au Pègue, n'avons-nous pas ces magnifiques
essences appelées dans le pays Yao Go et Shao (tectona
teka et nunclea oricntalis de Lttrciro)? L'exploitation de pa-
reilles richesses semble facile, à raison des larges ri-
vières qui sillonnent ce beau pays, et le placement des
bois me paraît assuré, puisque la Chine manque de
bois de construction et en demande pour ses jonques
une prodigieuse quantité.
Le Cambodgien a une répugnance invincible à se
faire bûcheron; ses petites maisons bâties sur pilotis
ne sont faites que de bambous ou de bois légers, quand
il pourrait sans beaucoup de peine se construire des
habitations durables et solides, parfaitement à l'abri du
tigre et des intempéries des saisons. Il est vrai qu'alors
il ne serait plus nomade et ne se croirait plus libre!
Or ce peuple qui supporte depuis si longtemps sans se
plaindre le joug de ses voisins, Siamois ou Annamites,
n'aime rien autant que sa liberté ! Abruti par un féti-
chisme aveugle et par sa vénération pour des bonzes
stupides, ce pauvre peuple cambodgien si doux, si di-
gne d'intérêt, aime à demander aux forêts mystérieuses
la tranquillité et le bonheur qu'il ne trouve pas près de
ses mandarins. Cinq ou six familles se réunissent, en-
fouissent dans leurs chariots à buffles tout ce qu'elles pos-
sèdent, et s'en vont planter leurs tentes dans une clai-
rière isolée où leur travail de quelques mois leur donne
du riz pour une année. Là aussi on cultive assez de ta-
bac pour n'avoir pas besoin d'en demander aux Anna-
mites ; l'étang voisin donne le poisson ; il ne reste donc
plus à acheter que le sel. Chaque petite colonie a son
corps de métier : les femmes tissent de grossières
étoffes de soie et de coton ; les hommes brûlent la fo-
rêt qu'ils planteront l'année suivante; tous sont à la
fois charrons, chasseurs et pêcheurs.
Le Cambodge abonde en gibier de toute sorte, poil
et plume. La faune de ce beau pays, presque aussi
riche mais aussi inconnue que sa flore, offre un inté-
rêt saisissant.
L'éléphant y est très-commun et réputé de qualité
excellente. Comme à Siam et au Pègue, celui qui est
blanc, albinos, est l'objet d'une grande vénération. Les
éléphants vivent en troupes nombreuses, et les indi-
gènes redoutent beaucoup pour leurs plantations de
paons, et j'ai vu plusieurs fois le même solitaire à la
tète de deux ou trois familles que les mamans éle-
vaient avec un amour et une sollicitude remarquables.
La ponte a lieu au mois de mars, loin des habitations,
près de quelque mare perdue dans la forêt, mais que
le chasseur connait bien. Chaque famille compte de
dix à douze petits, semblables dans leurs allures et
leur vêtement aux petits dindons de nos basses-cours.
Ils ont beaucoup d'ennemis dans leur première jeu-
nesse, car tous les égorgeurs, aigles et vautours, en
sont friands. Le matin et le soir seulement ils quittent
la forêt pour la plaine, à l'instar des faisans de France.
La nuit ils dorment branchés sur de grands arbres sans
feuilles; le jour ils cherchent l'ombre et la fraîcheur
dans quelque fourré bien épais, au bord des ruisseaux.
On dit qu'il y a pacte d'amitié inviolable entre les"paons
et les tigres, et que ces derniers sont très-friands de la
fiente des autres.. mais on dit tant de choses! Pour
moi qui ai vu beaucoup de paons et moins de tigres,
je crois tout simplement qu'ils ne vivent dans les
mêmes parages que parce qu'ils y trouvent bénéfice,
chacun de son côté, et que le tigre croque le paon
chaque fois que l'occasion s'en présente.
Ce jour-la, à Kédoll, nous eûmes beaucoup de peine
à joindre notre gibier, tant il se dérobait et filait pres-
tement sous les hautes herbes. Malheureusement pour
lui, le commandant n'était plus Iii, quand, après s'être
longtemps fait battre parmi les broussailles et les chau-
mes de riz, toute la bande prit son vol devant moi avec
un tapage effroyable. Ils étaient peut-être une trentaine,
dont plusieurs mâles aux queues resplendissantes. J'en
tuai un. C'était sur la lisière du bois, et comme d'ordi-
naire je m'amusai beaucoup de la panique de la troupe,
panique où il y avait bien autant de curiosité que de
crainte. — Plusieurs s'étaient perchés sur les plus
hautes branches des arbres voisins ; d'autres couraient
à cent pas de moi dans les herbes : on eût dit à voir
leurs longs cous, leurs fines têtes surmontées de l'ai-
grette dorée en forme d'épi, autant de serpents dérou-
lant leurs anneaux dans la verdure.
Pendant que mon Cambodgien ramassait ma première
victime, je n'eus pas de peine à en choisir uue autre à
la cime d'un tèque, et je lui fis l'honneur d'une balle
à pointe d'acier. — Et de deux, c'était assez; mais le
chasseur est comme l'avare, jamais il ne trouve le tré-
sor assez gros. Puis c'est si beau de voir peloter ce bel
oiseau de douze livres avec ses couleurs de topaze et
d'émeraude ! Je tirai donc sans pitié le premier qui s'en-
vola des broussailles à l'arrêt de Typ, et il tomba criblé
de plomb. Tout cela s'était passé en cinq minutes, et
presque à la même place. Je sifflai mes chiens et re-
gagnai tout couvert de gloire le hameau des Tamarins
où m'attendait le commandant devant un déjeuner suc-
culent, assaisonné d'un vigoureux appétit.
Le lendemain, chacun reprit sa place de bataille de
la veille, et nous nous mimes en route bien avant le
soleil, car nous avions une longue étape à faire pour
gagner Kerr. Mais dispensez-moi de vous écrire des
noms qu'on ne peut prononcer sans trois années d'é-
tudes préalables. Je ne dirai, si vous le voulez bien,
que ceux qui m'offriront des sons relativement har-
monieux.
Nous sommes aux frontières du Cambodge et le pays
a déjà changé brusquement d'aspect : de majestueuses
forêts ont remplacé les champs de riz, de coton et de
cannes. Plus de petites maisons de chaume à l'ombre
des pamplemousses et des manguiers, plus de joyeusfs
plantations de bétel. L'aréquier et le cocotier ne trou-
vent pas là assez de fraîcheur pour leurs racines, et nous
ne voyons plus leurs brillants panaches s'agiter au moin-
dre souffle de la brise. Partout la nature sauvage, par-
tout de vieux arbres dont les rameaux ploient sous des
plantes parasites, lianes et fougères, et qui n'ont d'au-
tre ennemi que le temps. Quelle mine d'or inépuisable
pour le gouvernement de Saïgon que ces belles forêts,
le jour où il voudra les laisser exploiter librement! Si
le tèque (tectona yrandis) n'est plus aussi commun qu'à
Siam et au Pègue, n'avons-nous pas ces magnifiques
essences appelées dans le pays Yao Go et Shao (tectona
teka et nunclea oricntalis de Lttrciro)? L'exploitation de pa-
reilles richesses semble facile, à raison des larges ri-
vières qui sillonnent ce beau pays, et le placement des
bois me paraît assuré, puisque la Chine manque de
bois de construction et en demande pour ses jonques
une prodigieuse quantité.
Le Cambodgien a une répugnance invincible à se
faire bûcheron; ses petites maisons bâties sur pilotis
ne sont faites que de bambous ou de bois légers, quand
il pourrait sans beaucoup de peine se construire des
habitations durables et solides, parfaitement à l'abri du
tigre et des intempéries des saisons. Il est vrai qu'alors
il ne serait plus nomade et ne se croirait plus libre!
Or ce peuple qui supporte depuis si longtemps sans se
plaindre le joug de ses voisins, Siamois ou Annamites,
n'aime rien autant que sa liberté ! Abruti par un féti-
chisme aveugle et par sa vénération pour des bonzes
stupides, ce pauvre peuple cambodgien si doux, si di-
gne d'intérêt, aime à demander aux forêts mystérieuses
la tranquillité et le bonheur qu'il ne trouve pas près de
ses mandarins. Cinq ou six familles se réunissent, en-
fouissent dans leurs chariots à buffles tout ce qu'elles pos-
sèdent, et s'en vont planter leurs tentes dans une clai-
rière isolée où leur travail de quelques mois leur donne
du riz pour une année. Là aussi on cultive assez de ta-
bac pour n'avoir pas besoin d'en demander aux Anna-
mites ; l'étang voisin donne le poisson ; il ne reste donc
plus à acheter que le sel. Chaque petite colonie a son
corps de métier : les femmes tissent de grossières
étoffes de soie et de coton ; les hommes brûlent la fo-
rêt qu'ils planteront l'année suivante; tous sont à la
fois charrons, chasseurs et pêcheurs.
Le Cambodge abonde en gibier de toute sorte, poil
et plume. La faune de ce beau pays, presque aussi
riche mais aussi inconnue que sa flore, offre un inté-
rêt saisissant.
L'éléphant y est très-commun et réputé de qualité
excellente. Comme à Siam et au Pègue, celui qui est
blanc, albinos, est l'objet d'une grande vénération. Les
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