Titre : L'Isthme de Suez : journal de l'union des deux mers / gérant Ernest Desplaces
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1862-01-15
Contributeur : Desplaces, Ernest (1828-1893?). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430392j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 janvier 1862 15 janvier 1862
Description : 1862/01/15 (A7,N134). 1862/01/15 (A7,N134).
Description : Collection numérique : Bibliothèques d'Orient Collection numérique : Bibliothèques d'Orient
Description : Collection numérique : Collections de l’École... Collection numérique : Collections de l’École nationale des ponts et chaussées
Description : Collection numérique : Thématique : ingénierie,... Collection numérique : Thématique : ingénierie, génie civil
Description : Collection numérique : Corpus : canaux, écluses,... Collection numérique : Corpus : canaux, écluses, navigation intérieure
Description : Collection numérique : Corpus : ports et travaux... Collection numérique : Corpus : ports et travaux maritimes
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6203288n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 4-O3b-240
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/06/2012
30 - L'ISTHME DE SUEZ,
nées pendant lesquelles il avait été employé au service
actif, il avait vu au moins cent mille hommes mis à
mort, après des combats couronnés de succès. On ne
gardait pas de prisonniers ; les hommes étaient immé-
diatement égorgés d'une façon systématique, par mille
à la fois, et les femmes et les enfants étaient vendus
comme esclaves. Cet officier ajouta naïvement que ne
pouvant soutenir la vue de ces pères et de ces enfants,
de ces maris et de ces femmes séparés à jamais, il
pleura parfois. Cette faiblesse étant venue aux oreilles
de la reine, il ne fut plus employé dans de semblables
expéditions. La tribu des Bessileos est celle qui a le plus
souffert des barbaries de cette princesse.
» Les persécutions contre les chrétiens sont véritable-
ment effrayantes dans leurs détails. Les récits des voya-
geurs sur ce point, autant que ma propre expérience
peut l'attester, ne sont pas moins véridiques. Des chaines
de quinze à vingt misérables êtres humains étaient
condamnées à courir le pays, dépendant du hasard pour
leur nourriture. Lorsque la mort délivrait l'un d'eux de
son insupportable fardeau, sa chaîne vide était traînée
par les autres, et cela continuait jusqu'à ce qu'il ne
restât plus un survivant pour la porter.
» J'ai reçu la visite de quelques chrétiens dans la
nuit qui a précédé mon départ d'Antenanarive. Parmi
eux était une pauvre femme âgée d'environ soixante et
dix ans. Elle avait, onze ans auparavant, été mise à la
chaîne avec dix-sept autres victimes, qui moururent les
unes après les autres, et pendant quatre ans elle traîna
cette chaîne vide. Son collier de fer avait laissé une
profonde cicatrice autour du cou, et les marques de la
chaîne se voyaient encore pleinement sur les chevilles
de ses pieds. J'en vis quelques autres ayant souffert le
même supplice. Ils n'avaient été délivrés que depuis
deux mois, lors de l'avènement du nouveau roi.
D Il est difficile de savoir avec certitude combien de
chrétiens ont été mis à mort. Quelques-uns disent deux
mille, d'autres portent ce chiffre beaucoup plus haut.
On les crucifie ordinairement en les attachant à la
croix avec des cordes, et on les lapide en cet état. Le
roc dont on a parlé et d'où on précipitait les accusés de
quelque crime, a 50 à 60 pieds (anglais) de hauteur
perpendiculaire. La surface totale des rochers a une in-
clinaison rapide d'environ 300 pieds. Toute cette sur-
face est couverte de plantes épineuses.
» Une incertitude très-singulière a jusqu'ici régné
sur la distance séparant la côte de la capitale. M. Ellis
a oublié de la mentionner dans l'ouvrage qu'il publia,
il y a quatre ans, et depuis il n'a été donné à cet égard
aucun renseignement digne de foi. On a gravement
assuré aux membres de l'ambassade que cette distance
pouvait être parcourue en deux jours, moyennant une
marche modérée. Nous avons éprouvé qu'avec notre
bagage et notre suite nombreuse, il était impossible de
voyager vite. Je crois que le trajet pourrait être ac-
compli en six jours, à la condition sine quâ non d'une
quantité de bagage très-limitée.
» L'aspect du pays que traversait notre route a été
décrit avec quelque étendue dans le rapport officiel ;
je me contenterai donc de parler d'une ou deux loca-
lités particulières.
» Dans le cours de notre navigation en canots, nous
avons passé par un étroit chenal reliant deux lacs. Ce
chenal mérite quelques mots de description, car je n'en
ai rien vu dans aucune des relations antérieures. On
l'appelle Rano mainte ou littéralement eau noire, et il est
tout à fait digne de ce nom. Il a 3 milles de longueur
(environ 5 kilomètres) et 7 pieds de large (un peu plus
de 2 mètres), c'est-à-dire à peine assez de place pour
que les canots puissent y forcer leur passage. La vé-
gétation épaisse, luxuriante, tropicale qui pousse sur
ses rives, forme au-dessus de l'eau une arche continue,
et sur toute la distance la lumière est à peu près inter-
ceptée. Il y règne un silence de mort, et tandis que
nous passions, on ne sentait pas un souffle de vent
suffisant pour agiter une feuille. A droite et à gauche
nous apercevions une complication infinie de racines
entremêlées, tandis qu'une masse de tiges et de plantes
à tous les degrés de décomposition bouchait en réalité
tout accès à l'air libre du ciel. Le chou caraïbe y est
très-abondant et croit à la hauteur de 12 pieds au
moins.
» A 25 milles ouest des lacs, et à partir de ce point
sur une étendue de 100 milles à l'ouest, on trouve une
région qui, j'ose le dire, est aussi salubre qu'aucune
autre partie du monde. Ce territoire est exclusivement
consacré aux pâturages. Pourtant on peut faire des lieues
parmi ces magnifiques herbages sans y rencontrer un
seul homme vivant, ni même un bœuf; en fait, il sem-
ble qu'il y ait à Madagascar rareté de vie animale. On y
trouve des bestiaux sauvages qui, par une singularité
assez étrange, n'ont pas de bosse, tandis que ceux qu'on
élève pour l'exportation et dont Maurice et Bourbon
dépendent entièrement pour leurs approvisionnements
de viande fraîche, ont la bosse très-développée. Les di-
mensions de quelques-uns de ces bœufs engraissés sont
prodigieuses. A Antananarive on en présenta un aux
membres de la mission qui mesurait autour de la base
de la bosse 5 pieds 6 pouces, circonférence 8 pieds ,
tour des quartiers de derrière 5 pieds 9 pouces.
» Les forêts résonnent du cri de plusieurs espèces de
lémuriens. Le ouistiti est très-difficile à prendre, et il
paraît presque impossible de le conserver vivant en cap-
tivité, même dans son pays natal. On m'a dit à Tama-
tave qu'on en avait gardé un vivant pendant trois se-
maines , mais qu'alors il était mort n'ayant cessé de
pleurer depuis le moment où il avait été fait prisonnier.
Je doute donc beaucoup de pouvoir en amener un vivant
en Angleterre ; j'en ferai toutefois l'expérience.
» Les rivières et les lacs sont remplis d'alligators de
la hardiesse et de la taille desquels on raconte beau-
coup d'histoires. Dans le journal de M. Hastie, résident
anglais à Antananarive sous le règne de Radama Ier, je
trouve cette mention, que dans le but de traverser une
rivière infestée par ces amphibies et sauver les bœufs
qui accompagnaient la caravane, des coups de fusil
furent tirés des deux côtés de la rivière pendant tout le
temps de la traversée ; mais ce moyen ne fut pas très-
heureux, et un alligator de 23 pieds de long fut tué.
Leur taille ordinaire est de 15 pieds.
Les forêts abondent en bois de la plus belle espèce
et de la plus grande variété. Je signalerai particulière-
nées pendant lesquelles il avait été employé au service
actif, il avait vu au moins cent mille hommes mis à
mort, après des combats couronnés de succès. On ne
gardait pas de prisonniers ; les hommes étaient immé-
diatement égorgés d'une façon systématique, par mille
à la fois, et les femmes et les enfants étaient vendus
comme esclaves. Cet officier ajouta naïvement que ne
pouvant soutenir la vue de ces pères et de ces enfants,
de ces maris et de ces femmes séparés à jamais, il
pleura parfois. Cette faiblesse étant venue aux oreilles
de la reine, il ne fut plus employé dans de semblables
expéditions. La tribu des Bessileos est celle qui a le plus
souffert des barbaries de cette princesse.
» Les persécutions contre les chrétiens sont véritable-
ment effrayantes dans leurs détails. Les récits des voya-
geurs sur ce point, autant que ma propre expérience
peut l'attester, ne sont pas moins véridiques. Des chaines
de quinze à vingt misérables êtres humains étaient
condamnées à courir le pays, dépendant du hasard pour
leur nourriture. Lorsque la mort délivrait l'un d'eux de
son insupportable fardeau, sa chaîne vide était traînée
par les autres, et cela continuait jusqu'à ce qu'il ne
restât plus un survivant pour la porter.
» J'ai reçu la visite de quelques chrétiens dans la
nuit qui a précédé mon départ d'Antenanarive. Parmi
eux était une pauvre femme âgée d'environ soixante et
dix ans. Elle avait, onze ans auparavant, été mise à la
chaîne avec dix-sept autres victimes, qui moururent les
unes après les autres, et pendant quatre ans elle traîna
cette chaîne vide. Son collier de fer avait laissé une
profonde cicatrice autour du cou, et les marques de la
chaîne se voyaient encore pleinement sur les chevilles
de ses pieds. J'en vis quelques autres ayant souffert le
même supplice. Ils n'avaient été délivrés que depuis
deux mois, lors de l'avènement du nouveau roi.
D Il est difficile de savoir avec certitude combien de
chrétiens ont été mis à mort. Quelques-uns disent deux
mille, d'autres portent ce chiffre beaucoup plus haut.
On les crucifie ordinairement en les attachant à la
croix avec des cordes, et on les lapide en cet état. Le
roc dont on a parlé et d'où on précipitait les accusés de
quelque crime, a 50 à 60 pieds (anglais) de hauteur
perpendiculaire. La surface totale des rochers a une in-
clinaison rapide d'environ 300 pieds. Toute cette sur-
face est couverte de plantes épineuses.
» Une incertitude très-singulière a jusqu'ici régné
sur la distance séparant la côte de la capitale. M. Ellis
a oublié de la mentionner dans l'ouvrage qu'il publia,
il y a quatre ans, et depuis il n'a été donné à cet égard
aucun renseignement digne de foi. On a gravement
assuré aux membres de l'ambassade que cette distance
pouvait être parcourue en deux jours, moyennant une
marche modérée. Nous avons éprouvé qu'avec notre
bagage et notre suite nombreuse, il était impossible de
voyager vite. Je crois que le trajet pourrait être ac-
compli en six jours, à la condition sine quâ non d'une
quantité de bagage très-limitée.
» L'aspect du pays que traversait notre route a été
décrit avec quelque étendue dans le rapport officiel ;
je me contenterai donc de parler d'une ou deux loca-
lités particulières.
» Dans le cours de notre navigation en canots, nous
avons passé par un étroit chenal reliant deux lacs. Ce
chenal mérite quelques mots de description, car je n'en
ai rien vu dans aucune des relations antérieures. On
l'appelle Rano mainte ou littéralement eau noire, et il est
tout à fait digne de ce nom. Il a 3 milles de longueur
(environ 5 kilomètres) et 7 pieds de large (un peu plus
de 2 mètres), c'est-à-dire à peine assez de place pour
que les canots puissent y forcer leur passage. La vé-
gétation épaisse, luxuriante, tropicale qui pousse sur
ses rives, forme au-dessus de l'eau une arche continue,
et sur toute la distance la lumière est à peu près inter-
ceptée. Il y règne un silence de mort, et tandis que
nous passions, on ne sentait pas un souffle de vent
suffisant pour agiter une feuille. A droite et à gauche
nous apercevions une complication infinie de racines
entremêlées, tandis qu'une masse de tiges et de plantes
à tous les degrés de décomposition bouchait en réalité
tout accès à l'air libre du ciel. Le chou caraïbe y est
très-abondant et croit à la hauteur de 12 pieds au
moins.
» A 25 milles ouest des lacs, et à partir de ce point
sur une étendue de 100 milles à l'ouest, on trouve une
région qui, j'ose le dire, est aussi salubre qu'aucune
autre partie du monde. Ce territoire est exclusivement
consacré aux pâturages. Pourtant on peut faire des lieues
parmi ces magnifiques herbages sans y rencontrer un
seul homme vivant, ni même un bœuf; en fait, il sem-
ble qu'il y ait à Madagascar rareté de vie animale. On y
trouve des bestiaux sauvages qui, par une singularité
assez étrange, n'ont pas de bosse, tandis que ceux qu'on
élève pour l'exportation et dont Maurice et Bourbon
dépendent entièrement pour leurs approvisionnements
de viande fraîche, ont la bosse très-développée. Les di-
mensions de quelques-uns de ces bœufs engraissés sont
prodigieuses. A Antananarive on en présenta un aux
membres de la mission qui mesurait autour de la base
de la bosse 5 pieds 6 pouces, circonférence 8 pieds ,
tour des quartiers de derrière 5 pieds 9 pouces.
» Les forêts résonnent du cri de plusieurs espèces de
lémuriens. Le ouistiti est très-difficile à prendre, et il
paraît presque impossible de le conserver vivant en cap-
tivité, même dans son pays natal. On m'a dit à Tama-
tave qu'on en avait gardé un vivant pendant trois se-
maines , mais qu'alors il était mort n'ayant cessé de
pleurer depuis le moment où il avait été fait prisonnier.
Je doute donc beaucoup de pouvoir en amener un vivant
en Angleterre ; j'en ferai toutefois l'expérience.
» Les rivières et les lacs sont remplis d'alligators de
la hardiesse et de la taille desquels on raconte beau-
coup d'histoires. Dans le journal de M. Hastie, résident
anglais à Antananarive sous le règne de Radama Ier, je
trouve cette mention, que dans le but de traverser une
rivière infestée par ces amphibies et sauver les bœufs
qui accompagnaient la caravane, des coups de fusil
furent tirés des deux côtés de la rivière pendant tout le
temps de la traversée ; mais ce moyen ne fut pas très-
heureux, et un alligator de 23 pieds de long fut tué.
Leur taille ordinaire est de 15 pieds.
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