Enseigner l’urbanisme par la photographie
En presque 280 ans d’existence, les formations dispensées à l’École ont évolué. Certaines ont pu disparaître, tandis que d’autres ont été créées et se sont transformées ensuite. Dans tous les cas de figure, les archives conservent la trace de leur histoire : on trouve dans leurs fonds des documents administratifs, mais également des ressources documentaires produites et employées, au fil des années, par les professeurs et les étudiants de ces formations.
Parmi ces collections riches se trouvent, entre autres, un volume important de photographies. Conservées sur différents supports, allant des diapositives et films négatifs aux tirages photos imprimés, elles documentent les événements animant la vie de l’École dans la deuxième moitié du XXe siècle, mais aussi le contenu et les productions d’une de ses formations : le mastère spécialisé en Aménagement et maîtrise d’ouvrage urbaine (AMUR).
Le mastère AMUR existe en effet depuis près de soixante ans : initialement créé en 1966 sous la forme d’un « Atelier d’urbanisme », il a par la suite pris la forme d’un certificat d’études supérieures (CES) en Aménagement régional et urbain avant de devenir, en 1986, un mastère spécialisé. Ce cursus de quinze mois, assuré, entre autres, par des géographes et des universitaires, dispense dès l’origine de nombreux enseignements d’urbanisme. Ceux-ci ont donné lieu à la production d’importants reportages photographiques, réalisés tant par les élèves que par les professeurs et d’autres intervenants, aujourd’hui conservés dans les archives de l’École.
Ces photographies forment, actuellement, un seul grand ensemble divisé en plusieurs thématiques et conservé dans des meubles à diapositives. Peu d’informations sur les contextes dans lesquels elles ont été produites et sur leur utilité pour la formation les accompagnent. Le travail des archivistes a, de fait, été dans un premier temps de compléter ces informations manquantes, et de comprendre la logique derrière ces photographies. En s’appuyant principalement sur les versements relatifs aux enseignements et aux travaux d'élèves du mastère AMUR, il a ainsi été possible de comprendre dans quel contexte ces images ont été réalisées et assemblées.
Ces reportages photographiques ont été réalisés à plusieurs occasions. Il s’agit, en majorité, de photographies prises par les élèves ou les professeurs du mastère. Une partie a ainsi été produite par les enseignants, et notamment le géographe Michel Coquery, dans le cadre des voyages d’études que chaque promotion réalisait en Europe mais également sur d'autres continents, principalement en Afrique et en Amérique. L’autre partie est issue des élèves eux-mêmes. En effet, les projets de fin d’études, ainsi que les enseignements, ont mené à la réalisation de nombreuses photographies, sur des sujets et des lieux souvent spécifiques, toujours en lien avec l’urbanisme (voir la série Voyages d'étude). Par exemple, des diapositives représentant des maquettes et paysages en 1990 documentent l'aménagement du secteur IV de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée (voir le dossier Secteur IV de Marne-la-Vallée). Les gares de la ligne SNCF Limoges-Poitiers ont elles aussi fait l'objet d'une étude en 1999, étayée par des tirages photos (voir le dossier Ligne SNCF Limoges-Poitiers).
Une part non négligeable des reportages photographiques servait par ailleurs à illustrer les différents cours donnés aux élèves. Dans ce second cas, il s’agit principalement de photographies prises par des agences de presse ou des photographes extérieurs à l’École, et montrant de nombreux exemples d’architecture et d’aménagement urbain dans les années 1970. On y trouve ainsi, entre autres, des vues de stations de ski, d'établissements scolaires ou encore d'usines et de zones industrielles (voir les dossiers Stations de ski, Etablissements scolaires et Usines et zones industrielles).
Traiter ces documents vient avec son lot de défis pour les archivistes. Il n’est pas aisé, au premier abord, de comprendre la logique et la cohérence qui structurent un ensemble de clichés photographiques quand celui-ci n’est pas accompagné d’informations à ce sujet : il a ainsi fallu chercher ailleurs, par exemple dans les brochures de la formation de l'École, de quoi compléter ces manques. De surcroît, il est également difficile de retracer les auteurs de ces photographies et, par conséquent, de les créditer correctement : les seules traces qui subsistent de ces noms sont souvent manuscrites, inscrites sur les caches et parfois devenues illisibles.
Ces reportages photographiques représentent par ailleurs des volumes importants, inégalement répartis. Certains voyages d’études, par exemple, n’ont fait l’objet que de trois ou quatre diapositives, là où un projet de fin d’études sur l'aménagement de la gare de Bellegarde-sur-Valserine a donné lieu à plus de 1 400 tirages photos et négatifs (voir le dossier Gare de Bellegarde-sur-Valserine). Pour assurer une bonne conservation de ces documents fragiles, dont les couleurs peuvent être naturellement altérées par le passage du temps, il a ainsi fallu déterminer comment les conditionner : leurs formats et supports variés nécessitent en effet des boîtes et des pochettes en papier à réserve alcaline, c'est-à-dire neutres (afin d'éviter toute altération des couleurs), et adaptées à leurs dimensions.
De plus, face à ces volumes et à la multiplicité de paysages et de lieux pouvant être représentés sur les reportages photographiques, il est apparu important de faire ressortir, pour le public intéressé, tous les noms de lieux et de personnes qu’il était possible d’identifier. Une indexation a ainsi été effectuée : ces noms ont été rattachés à une notice d’autorité, qui les lie ainsi à tous les autres documents sur le même sujet, et permet, de fait, la recherche.
Toutefois, au-delà de ces difficultés, ces documents représentent une source d’informations particulièrement riche, qu’il était donc important pour le pôle archives et patrimoine de traiter. En effet, toutes ces photographies, prises entre les années 1960 et 2000, montrent des lieux, des villes et des bâtiments tels qu’ils étaient à un instant T : on y trouve ainsi des traces de tours du quartier de La Défense aujourd'hui disparues, ou du quartier Montparnasse avant sa rénovation et la construction de la tour éponyme (voir les dossiers Quartier de La Défense et Quartier du Montparnasse). Ces documents constituent donc des témoignages précieux de l’aménagement de ces espaces, notamment à une période d’importantes transformations urbaines, dont certaines traces ont aujourd’hui disparu.
De fait, ces documents font actuellement l’objet d’une campagne de numérisation, visant à en permettre une plus large diffusion. Au total, ce sont près de 6 700 photographies qui devraient ainsi rejoindre, dans les deux prochaines années, les collections de documents accessibles sur le portail Héritage.
Dans l’attente, il est d’ores et déjà possible de consulter sur Calames l’instrument de recherche rassemblant une description de tous les reportages photographiques du mastère AMUR conservés par le service : instrument de recherche en ligne. Les documents peuvent également être consultés sur rendez-vous à l’École nationale des ponts et chaussées ; à compter de janvier 2026, les versions numérisées pourront également être communiquées sur demande auprès du pôle archives et patrimoine. patrimoine@enpc.fr
